Présentation par le CNES de la note de conjoncture du 1er semestre
Présentation par le CNES de la note de conjoncture du 1er semestre
La situation sociale reste inquiétante
Par :Badreddine Khris, Liberté, 11 novembre 2008
Le rapport prévoit une croissance modeste, de surcroît en baisse en 2008 : 3,3%.
La situation qui prévaut dans le secteur de l’emploi devient de plus en plus préoccupante. Elle s’est caractérisée par le déclin des contrats à durée indéterminée (CDI) et la prédominance des emplois précaires. En dépit de la tendance à la baisse du taux de chômage observée depuis une décennie, peu de postes d’emploi réel et définitif ont été créés jusque-là. Le chômage s’est situé au tour de 11,8% en 2007 contre 29,5% en 2000.
La structure des sans-emploi est dominée par le chômage des jeunes estimé à plus 30%. Ce constat vient d’être établi par le Conseil national économique et social (Cnes) dans sa note de conjoncture du 1er semestre 2008. L’autre fait marquant que le Cnes a mis en exergue dans son rapport a trait au taux d’inflation. Ce paramètre ciblé par la politique monétaire a connu, indique le document du Cnes, un rebond au cours du 1er semestre de l’année en cours pour atteindre 4,9% en moyenne annuelle jusqu’à juin dernier. Ce niveau est expliqué par une forte hausse des prix des biens alimentaires, des produits agricoles frais et des produits alimentaires industriels. Ces deux indices, ô combien révélateurs, montrent à eux seuls, de manière claire, que la situation sociale demeure encore préoccupante en Algérie. Néanmoins, dans un contexte mondial marqué par une crise impitoyable, l’Algérie affiche, actuellement, selon la note du conseil, une bonne santé financière. Les prévisions de clôture tablent sur un taux de croissance économique globale pour l’année 2008 de 3,3%. Ce résultat est le fait des secteurs d’activité tels que l’agriculture qui atteindrait à lui seul 1%, l’industrie 2% et les hydrocarbures dont le taux serait négatif à -0,2%. Les contre-performances de ces secteurs, faut-il le préciser, tirent la croissance vers le bas. Pour les autres secteurs, le BTPH, souligne le Cnes, aura une croissance de 9,4% en 2008 contre 9,8% en 2007. Quant aux services, son taux de croissance sera de l’ordre de 7,5% en progression par rapport à l’exercice 2007 où il a réalisé un niveau évalué à 6,8%. Ce sont ces deux secteurs qui, faut-il l’indiquer, porteront la croissance. L’institution que préside M. Babès relève une augmentation des dépenses d’investissement estimée à 13%. Le secteur des travaux publics, qui a utilisé 20% du financement mobilisé pour l’ensemble des équipements entrant dans le cadre du plan complémentaire de soutien à la croissance économique, a vu la création de 688 947 postes d’emploi durant le 1er semestre 2008. Pour le programme de un million de logements, affirme le conseil, 538 888 unités ont été livrées alors que 542 000 autres sont en cours de réalisation durant la même période. Abordant la situation financière du pays, le Cnes parle d’un excédent du compte courant de la balance des paiements estimé à 22,21 milliards de dollars. “Une performance corrélée aux exportations des hydrocarbures, évaluées au 1er semestre 2008 à plus de 40 milliards de dollars”, lit-on dans le document du Cnes. “Aussi, les acquis résultant de la stratégie de désendettement extérieur permettent à l’Algérie d’être à l’abri du choc externe inhérent à la contraction des financements extérieurs. Ainsi, l’important du solde global de la balance des paiements estimé à environ 20 milliards de dollars conforte la position financière extérieure et alimente en conséquence les réserves de change dont l’encours a atteint 133,235 milliards de dollars à la fin juin 2008”, constatent les experts du Cnes. L’encours de la dette à moyen et long terme se situe légèrement au-dessus de 4 milliards de dollars, soit 3,6% du Produit intérieur brut (PIB) en 2007. Le Fonds de régulation des recettes (FRR), évalué à 46 milliards de dollars est en 2007, selon le Cnes, le garant de la réalisation du programme d’investissements publics de développement.
Mieux, il a atteint près de 60 milliards de dollars durant le 1er semestre 2008. Le rapporteur du conseil, au cours d’une journée organisée hier à Alger, destinée à la présentation de la note de conjoncture, a indiqué que les découverts bancaires enregistrés dans le secteur financier s’élèvent à 44 milliards de DA. Parmi les 417 entreprises privatisées, 96 ont été rachetées par des opérateurs nationaux.
Badreddine KHRIS
Les conclusions du CNES sous la loupe des acteurs économiques
Le débat ouvre la voie aux “non-dits”
Par :Hamid Saïdani
Les deux rapports portant sur l’état de la nation sur les plans économique et social, présentés hier par le Conseil national économique et social (Cnes), n’ont pas laissé indifférents certains parmi les invités de la rencontre. Jugés, par les uns, trop “lisses” dans l’appréciation qu’ils font de la situation économique et sociale et, par d’autres, tout simplement bruts dans la présentation chiffrée du niveau de développement de l’économie nationale, les deux rapports n’ont, en fait, rien ramené de nouveau, que ce soit en termes d’évaluation de la situation du pays ou bien en ce qui concerne les perspectives de développement. Face à l’appréciation positive faite par le Cnes lors de la lecture du contenu des deux documents, le président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), M. Rédha Hamiani, a d’emblée lâché qu’“il n’y a pas lieu de pavoiser”. Il a, en effet, estimé que vu l’importance des fonds et des investissements publics engagés ces dernières années dans la relance de l’économie nationale, le taux de croissance devrait être bien plus élevé que ce qui a été réalisé jusqu’à présent (autour des 5%). “La dépense publique a atteint 15%. Selon le rapport, elle est à 25%. On aurait pu faire très largement mieux”, a considéré M. Hamiani qui a relevé, au passage, que “cette croissance n’émane pas du monde de l’entreprise et n’est pas portée par le monde de l’entreprise”. Le président du FCE a mis en relief certains parmi les obstacles à l’émancipation de l’entreprise productive nationale. Il s’agit de la prolifération de l’informel et l’accroissement fulgurant des importations. “Il faut voir de près la part de l’industrie et celle de l’importation dans la consommation. Notre consommation est de moins en moins assurée par la production nationale”, n’a-t-il cessé de marteler, mettant l’accent sur ce qu’il a appelé le phénomène de “dévitalisation” du pays. Il a cité, à ce propos, la facture de l’importation et le rapatriement d’actifs et de bénéfices par les entreprises étrangères. Ce qui porte à près de 50 milliards de dollars les fonds qui quittent le pays chaque année. M. Hamiani s’est, dans cet ordre d’idées, interrogé sur la contribution des IDE au développement du pays. “Dans le rapport, on parle d’un milliard de dollars d’IDE. Pourtant, depuis déjà quelques années, on ne cesse d’avancer des chiffres de 10 ou 15 milliards de dollars”. Le président du FCE s’est, également, interrogé sur l’exactitude des chiffres relatifs au chômage et contenus dans les deux rapports, estimant que “gagner 3 points en une année dans le taux de chômage n’est pas chose facile” et que “peu de pays peuvent réaliser une telle prouesse”. Préconisant une économie de marché qui s’appuie sur l’émergence de champions nationaux et régionaux, M. Hamiani a réclamé, pour ce faire, une implication plus importante de l’entreprise nationale dans les plans de relance économiques. “On aurait dû associer les entreprises algériennes dans les grands chantiers réalisés jusque-là. Où sont-ils la plus-value et le transfert de technologie ramenée par les entreprises étrangères qui vont quitter le pays sans rien laisser derrière elles ?” s’est-il demandé. Abderahmane Benkhalfa, le secrétaire général de l’Association des banques et des établissements financiers (Abef), a, pour sa part, estimé que “la politique de croissance par la demande a échoué”, appelant le Cnes à accorder une attention “aux acteurs du marché qui font la croissance, en l’occurrence l’entreprise et la banque”. Il a, toutefois, souligné la fragilité qui caractérise les PME et leurs assises financières, ainsi que l’orthodoxie bancaire. Le SG de l’Abef a tenu à relever ce qui, selon lui, constitue un véritable événement mais qui est passé inaperçu. Il s’agit de la réduction des mouvements de la masse fiduciaire désormais matérialisés à 90%. Les rapports présentés par le Cnes ont été, au passage, écorchés par le secrétaire général permanent du Conseil national des assurances, M. Abdelmadjid Messaoudi. “Quand on a les formidables ressources qui sont celles de l’Algérie, on ne peut pas se contenter de tels chiffres de croissance”, a-t-il noté. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Sahel, Brahim Bendjaber, a plaidé pour un recours aux fonds nationaux afin de relancer l’investissement. En revanche, Mustapha Mékideche, économiste et vice-président du Cnes, a estimé qu’“il n’y avait pas de raison de s’autoflageller”, allusion aux critiques exprimées dans la salle quant à la situation économique et sociale du pays. Il a d’ailleurs énuméré les efforts consentis par l’État pour juguler les problèmes d’eau potable, d’électricité… à travers les grands projets lancés ces dernières années.
Hamid SaÏdani