Au delà du Credoc
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 26 juillet 2010
Le gouvernement ne reviendra pas sur l’obligation du recours au crédit documentaire pour les importateurs. Cette décision, destinée à juguler l’irrésistible croissance des importations en créant un obstacle bureaucratico-bancaire sur le parcours des distributeurs, ne fait pas que des malheureux.
Les banques à l’étranger des fournisseurs de l’Algérie sont ravies du maintien de cette procédure. En effet, les banques qui traitent les crédits documentaires se payent grassement en imposant des commissions très substantielles. Ces banques, avides de ce genre d’opérations, disposent même de «rabatteurs» spécialisés pour diriger vers leurs services le maximum de crédits documentaires. Ces agents, souvent d’anciens employés de banque eux-mêmes, font du lobbying pour que les importateurs et les établissements financiers algériens orientent ces fameux credoc vers les banques avec qui ils sont sous contrat. Certains établissements, dont les centres de traitement se trouvent à la périphérie des grandes capitales européennes, font fonctionner leurs «usines à credoc», qui utilisent une main-d’œuvre nombreuse et des équipements lourds, grâce aux milliers d’opérations de cette nature en provenance d’Algérie. Bien évidemment, les surcoûts bancaires du crédit documentaire sont ajoutés au prix final du produit importé.
Dans les faits, les autorités ont eu recours à ce moyen pour freiner les importations en conférant aux banques algériennes le rôle de sas de filtrage. En effet, seuls les opérateurs bien connus et présentant des garanties de fiabilité peuvent prétendre à l’ouverture d’une ligne de crédit documentaire. Les autres, le «tout-venant» de l’importation à la petite semaine, se trouvant exclus de fait du secteur.
S’il n’est pas vraiment établi que l’obligation du recours au credoc ait eu un effet sur la facture globale des imports, l’impact sur les prix est encore moins connu. Mais si le credoc s’applique essentiellement aux importations de marchandises, il n’est pas adapté aux règlements des services. Or, les transferts de capitaux au titre des services ont dépassé le seuil des 11 milliards de dollars ces deux dernières années.
Selon des statistiques fournies par la Banque d’Algérie, les importations de différents services, notamment «les opérations de réassurance des infrastructures, les différentes études – de faisabilité, de marché et les audits – ainsi que les opérations d’assistance technique» sont estimées à 11,63 milliards de dollars pour l’année 2009, contre 11,08 milliards l’année précédente.
Le récent limogeage du directeur des changes à la Banque centrale éclaire d’un jour particulier ce poste de la balance des paiements. La taxe de 3% imposée par la Loi de finances 2009 sur les transferts ne semble pas avoir eu le moindre effet dissuasif sur un secteur qui a littéralement doublé de volume par rapport à l’année 2006.
Ainsi, le problème crucial de la trop grande ouverture de l’économie nationale ne se manifeste pas seulement par les importations de marchandises. Il est clair que toutes les mesures coercitives et tous les obstacles bureaucratiques ne remplaceront jamais une politique économique à même d’apporter des corrections de fond à une réalité qui, chassée par la porte, revient par la fenêtre…