L’Algérie se met à l’abri de la crise des subprimes

Alors que la déferlante secoue les économies mondiales

L’Algérie se met à l’abri de la crise des subprimes

El Watan, 23 septembre 2008

La crise financière qui frappe de plein fouet le marché économique mondial n’a pas eu d’incidences majeures sur la trésorerie de l’Algérie. C’est ce qu’a déclaré hier le gouverneur de la banque d’Algérie aux 25 chefs de banques privées et publiques réunis à Alger.

Pour lui, « la réduction de la dette publique extérieure, l’accroissement soutenu du niveau des réserves officielles de change, leur gestion prudente en termes de risque ainsi que la diversification des devises de placement depuis 2004 ont permis à la Banque d’Algérie (BA) de faire face, dans une grande mesure, aux turbulences sur les marchés financiers internationaux ». Apparu serein, M. Laksaci a profité de la présentation du rapport de conjoncture sur les tendances monétaires et financières du premier semestre 2008 pour rassurer les présidents-directeurs généraux des banques et établissements financiers sur les effets que pourrait avoir la crise financière mondiale sur la politique monétaire algérienne.

A ce titre, il a expliqué que le niveau important des réserves de change et la stabilité du taux de change effectif et réel du dinar constituent pour l’Algérie « une double garantie face à ce type de choc externe ». Néanmoins, il a laissé entendre que cette situation restera vulnérable si la politique économique du pays demeure basée uniquement sur les exportations d’hydrocarbures. « Le vrai challenge est de préserver la viabilité à moyen et long termes de la balance de paiement à travers une compétitivité externe hors hydrocarbures. La politique du taux de change doit être accompagnée par d’autres mesures de politique économique visant à accroître la productivité et la diversification économique », a-t-il relevé. M. Laksaci n’a pas manqué de relever que les paramètres qui contribuent à la protection du marché algérien contre les effets de la crise financière mondiale risquent de voler en éclats si l’inflation continue à progresser. Recourant à des détails techniques et des chiffres significatifs, l’argentier de l’Etat est revenu sur les conditions qui ont favorisé cette inflation, qualifiée de « grandissante ».

Il a d’abord expliqué que les créances sur l’Etat ont connu une baisse durant le premier semestre 2008, sous l’effet du désendettement progressif du Trésor et de l’accumulation d’épargnes financières par ce dernier. « Avec les ressources accrues du Fonds de régulation des recettes, le trésor public est le créancier net de l’ensemble du système bancaire, et ce depuis fin 2004. Cette créance est de 2889,4 milliards de dinars à fin juin 2008, contre 2193,2 milliards de dinars à la fin de 2007 et 1304,1 milliards de dinars à la fin de 2006. Ce qui aide à la liquidité du système bancaire dans son ensemble. » Face à cette liquidité grandissante, a-t-il ajouté, le marché financier, par rapport à l’année 2006, a connu une reprise relative de l’activité durant 2007 et au premier semestre 2008.

Le montant négocié à la fin juin 2008 était de 32,13 milliards de dinars contre 16,30 milliards de dinars à la fin de 2007. Cette hausse de liquidités bancaires a matérialisé l’excès de liquidités sur le marché monétaire. Elle a atteint 2597,8 milliards de dinars à fin juin 2008, après être passée de 1146,9 milliards de dinars en décembre 2006 à 2001,18 milliards de dinars à la fin de 2007, soit une progression de 29,81% au premier semestre 2008. M. Laksaci a expliqué que pour faire face à cette hausse de liquidités et limiter par conséquent ses effets inflationnistes, la BA a multiplié les reprises de liquidités à maturité de 7 jours à 3 mois. « Cet instrument de marché a vu son rôle s’accroître significativement par rapport à la facilité des dépôts rémunérés et la réserve obligatoire à partir de juin 2007, où la banque d’Algérie a fortement augmenté les reprises, 1100 milliards de dinars contre 450 milliards de dinars (…)

Le premier semestre 2008, a été marqué par une stabilité du montant global des reprises de liquidités pendant que les banques utilisaient plus activement la facilité de dépôts rémunérés dont le montant est passé de 483,11 milliards de dinars à la fin de 2007 à 1031,75 milliards de dinars à fin juin 2008 ». M. Laksaci a rappelé enfin le rôle de l’autorité monétaire, à savoir le conseil de la monnaie et du crédit, tout en indiquant que pour faire face surtout au risque de l’inflation, cette instance a arrêté au début de 2008 les objectifs de taux d’expansion de la masse monétaire à 27% et le taux de croissance des crédits à l’économie à 15,3%. Il a cependant mis en garde, entre les lignes, contre la montée de l’inflation enregistrée en 2008 qui, selon lui, peut constituer un choc pour la stabilité des prix à moyen terme, vu la résurgence de l’inflation au niveau mondial, précisant que la reprise significative de l’expansion monétaire contribue de facto aux tensions inflationnistes.

Pour lui, la hausse des prix a ralenti à 2,5 % en juin 2008, après avoir atteint 6,5% en mai et 6,4% en avril. Cette baisse, apparemment élevée en juin, s’explique par le fait que l’indice du mois de juin 2007 était en forte hausse. Malgré le ralentissement de 2008, l’inflation annuelle moyenne a atteint 4,8 % au mois de juin 2008 et la série des taux d’inflation annuelle moyenne croît sans interruption depuis plus de deux ans. La tendance lourde en la matière est en hausse, même si la stabilisation du taux de change effectif réel contribue à atténuer l’effet négatif de l’infaltion importée.

Par Salima Tlemçani

 


« L’Algérie aurait été touchée si elle n’avait pas anticipé le paiement de sa dette en 2004 »

Se basant sur des études effectuées par l’institution qu’il dirige, M. Laksaci a affirmé que le taux de change effectif réel du dinar est proche, depuis 2003, de son niveau d’équilibre de long terme. « Ce qui est en phase avec l’évaluation du Fond monétaire international (FMI) (…).

La Banque d’Algérie a poursuivi au premier semestre 2008 la stabilité du taux de change effectif réel du dinar, dans un contexte international caractérisé par la volatibilité sur les marchés financiers, monétaires et des changes par la résurgence de l’inflation au niveau mondial, notamment dans les pays partenaires de l’Algérie. Ce qui a nécessité un suivi plus particulier de l’évolution à court terme des prix relatifs, pendant que le dollar américain s’est déprécié par rapport à l’euro au cours du premier semestre 2008, à l’exception du mois de mai. »

Poursuivant son analyse, il a indiqué que l’appréciation du dinar par rapport au dollars américain, conjuguée à un effet de balancier en matière d’évolution du cours du dinar/euros, dépréciation au cours du premier trimestre, suivie d’une appréciation au second trimestre, « ont conduit à la consolidation à court terme du taux de change effectif réel du dinar ». Il a estimé que l’amélioration de la situation financière extérieure du pays à partir du début de l’année 2000 a permis de ramener les indicateurs de la dette extérieure à des niveaux soutenables, particulièrement depuis 2004 avec la mise en œuvre du remboursement par anticipation, notamment durant les années 2005-2006, et qui a favorisé une forte réduction de la dette publique extérieure. Ainsi, selon lui, la dette extérieure à moyen et à long termes se situait, à la fin juin 2008, légèrement au-dessus de 4 milliards de dollars contre 4,889 milliards de dollars à fin 2007, soit 3,6% du produit inférieur brut (PIB), après un passage de 16,485 milliards de dollars à fin 2005, à 5,062 milliards de dollars à fin 2006.

La politique de paiement de la dette par anticipation a permis, a-t-il relevé, un emploi économiquement efficient du surcroît des ressources, « d’autant plus que les graves turbulences sur les marchés financiers internationaux depuis la mi-2007 ont conduit à un durcissement des conditions de crédit des banques internationales. La forte appréciation de l’euro par rapport au dollars aurait eu un important effet de valorisation de la dette extérieure avec un effet négatif sur le budget de l’Etat, si les remboursements par anticipation n’avaient pas été conduits avant l’avènement de la crise financière internationale ». Il a souligné que la situation monétaire du premier semestre 2008 ainsi que celle de 2007 « ont montré une évolution d’une masse monétaire qui continue à être tirée par l’agrégat des avoirs extérieurs nets, d’autant que ces derniers dépassent depuis fin 2005 les liquidités monétaires et quasi monétaires dans l’économie nationale ». Pour lui, les réserves de change détenues par la BA restent la première source d’expansion monétaire.

Par S. T.