L’agriculture a du mal à décoller

Des milliards injectés dans un secteur toujours convalescent

L’agriculture a du mal à décoller

Par : Azzeddine Bensouiah, Liberté, 9 septembre 2009

L’agriculture n’arrive pas à sortir de sa léthargie, en dépit des sommes colossales injectées et des réformes qui ont touché le secteur.

Les Algériens, à commencer par les agriculteurs eux-mêmes, sont unanimes à affirmer que le secteur agricole a lamentablement échoué. Déjà malmené par une “révolution agraire” qui avait “fonctionnarisé” les fellahs, le secteur a été la proie des prédateurs du foncier. Des villes entières ont été édifiées sur des terres agricoles. L’État y a grandement contribué. Le morcellement des terres agricoles, leur envahissement par le béton ont fait que des plaines entières, comme la Mitidja, font partie des souvenirs.
Alors que les promesses d’une agriculture saharienne alternative ont fini par être enterrées, le Plan national de développement de l’agriculture (PNDA, transformé en PNDRA), lancé en grande pompe en 2000, aura été un gouffre financier qui se termine, présentement, par un autre gouffre financier qu’est l’effacement de la dette des agriculteurs.
Entre 2000 et 2009, les résultats obtenus restent très en deçà des attentes. Voilà un pays, qui était considéré comme “le grenier de l’Europe”, qui a du mal à assurer ses besoins les plus élémentaires. Que des cultures maraîchères soient disponibles en abondance, cela ne cache pas les crises cycliques, voire annuelles de la pomme de terre. Les viandes (rouge et blanche), malgré tous les efforts consentis par l’État, restent toujours dépendantes d’un marché aux mains des intermédiaires, obligeant souvent l’État à recourir à l’importation.
La production laitière a du mal à couvrir une partie des besoins de la population, malgré le soutien étatique pour l’importation des vaches. Même si le taux de croissance du secteur atteint les 6,5% durant les dernières années, il n’en demeure pas moins que la tendance à l’importation massive des produits alimentaires a fait que la production locale s’en trouve grandement affectée. La facture alimentaire n’a cessé d’augmenter ces dernières années, profitant des lignes de crédit ouverts à tous vents, pour l’importation de bananes, de kiwis et autres produits fortement disponibles sur le marché algérien, comme les oranges ou les pastèques. L’industrie agroalimentaire, devant booster la production agricole et lui offrir des débouchés sûrs, n’a pas, elle aussi, encore trouvé ses marques et les problèmes dont souffrent les transformateurs de tomate industrielle illustrent bien la difficulté d’opérer dans ce secteur.
Quoi qu’en disent les responsables du secteur, la production céréalière reste dépendante de la pluviométrie et tous les efforts en vue de garantir des graines et des engrais adaptés aux réalités algériennes n’ont pas donné des résultats probants ; on continue à importer les graines que les exportateurs de céréales voudraient bien nous fourguer, sachant que l’on serait toujours dépendants d’eux. Les besoins algériens en blé, par exemple, estimés à plus de 7 millions de tonnes par an, ne sont même pas couverts à moitié, puisque la production nationale ne dépasse pas les 2,5 millions de tonnes par an. La maîtrise des techniques modernes de production, devant permettre à l’agriculture de produire plus et à moindres frais, a fait grandement défaut aux agriculteurs algériens qui continuent à bricoler, à souffrir du manque d’engrais, de la qualité des semences disponibles, des difficultés liées à l’irrigation de leurs terres et souvent à la commercialisation de leurs produits.
En fait, le circuit de distribution échappe totalement aussi bien à l’État qu’aux agriculteurs, souvent montrés du doigt lors des flambées des prix. La disparition des Enafla et autres Enafroid a laissé un vide que des intermédiaires, de tous bords, ont pris d’assaut pour dicter leurs lois aux marchés, créant des pénuries, fixant les prix et risquant de paralyser tout un pays.
La dernière décision d’effacer les dettes des agriculteurs, au-delà des considérations électoralistes, constitue une sorte de fuite en avant, un aveu d’échec de la part de l’État qui n’a pas réussi à sauvegarder les terres agricoles de l’avancée du béton, qui a échoué à faire passer l’agriculture “fonctionnarisée” à un stade de professionnalisme. Un aveu d’échec, enfin, dans la mesure où la facture alimentaire ne cesse d’augmenter, au moment où l’agriculture nationale se débat dans d’inextricables problèmes.

 


Il a auditionné Rachid Benaïssa, ministre de l’agriculture

Les orientations de Bouteflika

Par :Farid Belgacem

Le chef de l’État a chargé le gouvernement pour finaliser le dispositif juridique relatif à l’exploitation des terres du domaine privé de l’État, avec la loi sur la concession agricole afin de sécuriser l’agriculteur dans le cadre d’une concession claire.

Relever le défi de la sécurité alimentaire, apporter le soutien public requis notamment aux productions stratégiques telles que les céréales, le lait et les viandes, consolidation des mesures prises à l’égard des agriculteurs, notamment l’effacement de la dette (plus de 40 milliards de dinars) et encouragement de la production (200 milliards de dinars/an), la nécessaire et totale mobilisation des compétences spécialisées des universités pour mettre leur savoir-faire au service du développement du secteur et, enfin, mettre fin à l’exclusion et à l’enclavement des régions à travers le Projet de proximité de développement rural intégré (PPDRI), telles sont les grandes orientations du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui a auditionné le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, M. Rachid Benaïssa.
D’emblée, le chef de l’État a relevé que l’État a débloqué l’argent suffisant pour assurer une sécurité alimentaire maximale et que “les conditions sont réunies pour engager un développement structurel à même d’asseoir les fondements d’une croissance agricole soutenue et un développement durable du monde rural.” Visiblement satisfait des résultats de la saison 2008-2009, Bouteflika a jugé que “le gouvernement doit poursuivre et renforcer, dans le cadre d’une politique de renouveau rural dynamique, les actions de modernisation de l’agriculture et de réserver la même attention à la prise en charge des petites exploitations agricoles et d’élevage, notamment au niveau des zones de montagnes, de steppes et des oasis”, tout en valorisant les ressources en eau pour l’irrigation.
Par ailleurs, Bouteflika a relevé que “le développement ne peut être durable que s’il touche toutes les zones sans exclusion.” Il dira à cet effet que “c’est en changeant l’image du monde rural, en développant les techniques et les technologies modernes et en assurant une formation continue que les jeunes s’impliqueront davantage dans le monde rural, participeront à son développement et l’apprécieront comme étant synonyme de progrès, d’avenir et de potentialités à découvrir et à valoriser”, en sus de la mobilisation des collectivités locales pour le succès du programme de renouveau rural. Bien plus, le chef de l’État a chargé le gouvernement pour finaliser le dispositif juridique encadrant l’exploitation des terres du domaine privé de l’État, avec la loi sur la concession agricole. Car, estime-t-il, “ce texte devra compléter la loi d’orientation agricole, stabiliser l’exploitation du foncier agricole propriété de l’État, et sécuriser l’agriculteur dans le cadre d’une concession claire.” Ceci devra se faire, parallèlement, avec le renforcement des espaces de concertation et de coordination, notamment dans le cadre des Chambres régionales et nationale de l’agriculture et les autres partenaires sociaux. La dynamisation de la formation dans les filières agricoles et la modernisation des techniques agraires et pastorales, l’économie de l’eau et l’augmentation des rendements doit également, aux yeux du président Bouteflika, offrir des opportunités de création de revenus et d’emplois, mais aussi aller vers le système intégré du monde rural, dont les segments du développement humain à travers le monde rural, qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation, du logement ou de l’accès à l’énergie afin de juguler l’exode rural vers les villes. Pour revenir à l’exposé exhaustif de
M. Benaïssa, il ressort que le renouveau agricole a abouti notamment au lancement des programmes opérationnels d’intensification des filières stratégiques et des programmes de renforcement du potentiel productif agricole.