Balises : Les subventions ? Pas touche !

Balises : Les subventions ? Pas touche !

El Watan, 30 novembre 2014

Avec la dramatique plongée des prix du pétrole, l’idée d’une révision du système de subventions et de transferts sociaux fait son chemin au sein des experts et des hommes politiques. A leurs yeux, des milliards de dollars pourraient être «économisés» sur les prix (révisés) des denrées alimentaires de base (farine, semoule, sucre, huile, café) et des produits énergétiques (électricité et gaz), ainsi que sur les programmes de logements sociaux, les dépenses de santé, l’accès à l’eau potable, les programmes culturels, etc.

De leur point de vue, c’est la meilleure parade aux sérieuses difficultés financières que commence à connaître le pays, difficultés qui iront en s’aggravant en raison du retournement structurel des marchés pétroliers et gaziers à l’échelle mondiale.
Si elle est contre-productive, cette approche est tout aussi dangereuse politiquement. Certes, les pouvoirs publics ont de tout temps utilisé les subventions et les transferts sociaux pour acheter la paix sociale.

Le régime Bouteflika en a fait la colonne vertébrale de sa stratégie pour se pérenniser, puisant sans compter dans les caisses de l’Etat, tout particulièrement depuis l’avènement du Printemps arabe qui s’est soldé en Algérie par des «émeutes de l’huile et du sucre».
Comme l’argent qui a servi aux subventions et aux transferts sociaux est tiré de l’exploitation du sous-sol algérien, légitimement il revient à la population algérienne, dont les besoins sont immenses : à son départ, la puissance coloniale n’a laissé comme héritage que la pauvreté absolue. La malnutrition et la précarité sociale étaient le lot de tous les habitants sans exception et, aujourd’hui encore, ces fléaux affectent une bonne partie d’entre eux.

Pourtant, plus de cinquante années ont passé, celles des décennies 1980 et 1990 ont été particulièrement ravageuses sous les effets cumulés de la chute des revenus tirés des hydrocarbures, de la mauvaise gestion, de la corruption généralisée, des politiques d’ajustement structurel du FMI et enfin des retombées du terrorisme.Issue de la hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures, au début des années 2000, l’exceptionnelle rente a été en partie orientée vers la population, qui a amélioré quelque peu son niveau de vie, bien que modestement par rapport à celui des Etats développés.Les Algériens sont bien conscients que c’est leur dû : les subventions et les transferts sociaux ne sont nullement un cadeau de l’Etat ou du président de la République.

Tout au contraire, ils restent persuadés que seule une partie infime leur a été concédée et que le gros de la rente qui devait leur revenir est parti dans de mauvais choix d’investissement, dans le gaspillage, le fastueux train de vie de l’Etat, les détournements, la corruption, etc.
Remettre en cause, aujourd’hui, les subventions et les transferts sociaux serait catastrophique : la malnutrition et la sous-alimentation reviendront en force, notamment dans les zones rurales. La petite classe moyenne qui a commencé à émerger perdrait son statut en replongeant dans la précarité sociale. La population vivra cela comme une profonde injustice et une intolérable provocation.

Ali Bahmane