Prix de l’huile et du sucre : L’Etat toujours en éternel spectateur
El Watan, 5 août 2011
L’Etat vient de prouver encore une fois son incapacité à lutter contre les barons de l’informel, à leur tête les importateurs, et réguler les prix des produits de large consommation. Plaçant ainsi le citoyen devant le fait accompli. En ce début de Ramadhan et comme chaque année, la mercuriale s’affole en dépit des subventions, des exonérations d’impôts et autres avantages accordés par le gouvernement, notamment aux importateurs. Le sucre et l’huile, sur lesquels toute une propagande s’est maintenue depuis les émeutes de janvier dernier qualifiées alors de la «révolte du sucre et de l’huile», connaissent une hausse substantielle en réponse à la forte demande. Ainsi le sucre coûte 100 DA dans les supérettes et l’huile oscille entre 620 et 650 DA, au-dessus des 90 DA et 600 DA fixés par le gouvernement. On se souvient des tiraillements et échanges d’accusations entre le ministère et certains producteurs, particulièrement Issad Rebrab, le patron de Cevital, jusqu’à lui reprocher la compétitivité de son entreprise.
Pendant ce temps-là, des réunions-marathons entre les importateurs et le ministère ont eu lieu malgré le refus de certains producteurs de prendre part à ces rencontres à huis clos. «Je ne pouvais pas cautionner cette démarche de l’Etat de vouloir à tout prix confondre entre les producteurs et les importateurs et les mettre sur un pied d’égalité», avait confié un producteur en pleine crise. Résultat : un décret exécutif sur ordre du président de la République fixant les modalités d’importation et instituant par la même des rabattements fiscaux qui seront par la suite inscrits dans la loi de finances complémentaire 2011. Cette semaine, les prix de ces deux matières, gérés par le fort lobby de l’importation que les décideurs politiques connaissent bien, s’envolent et une crise se profile déjà à l’horizon, le tout sur le dos du simple citoyen avec le concours des autorités.
«Effectivement, l’Etat nous a aidés à récupérer une partie des pertes subies auparavant (avant les émeutes de janvier et les trois semaines suivantes). Aujourd’hui, le business a repris, surtout à l’approche du Ramadhan et la fête de l’Aïd, sans oublier la forte demande enregistrée aux frontières Est. Il faut bien satisfaire tout le monde», confie un importateur. Autrement dit, ces barons contrôlent non seulement le marché local, mais trouvent en les malheurs des voisins tunisiens et libyens des sources d’enrichissement. «Vous savez, nous avons beaucoup aider l’Etat quand il avait besoin de nous pour parer au manque de produits de base, il est tout à fait normal qu’aujourd’hui l’Etat ferme les yeux !» Comble de l’ironie, Mustapha Benbada, ministre du Commerce, a, lors d’une sortie d’inspection aux marchés de gros d’El Harrach et d’Eucalyptus, laissé passer un discours pour le moins étrange : «Les citoyens sont responsables de la flambée vertigineuse d’une longue liste de produits alimentaires de large consommation durant le mois sacré, ils achètent d’importantes quantités de différents produits, ce qui provoque un déséquilibre entre l’offre et la demande.»
Les spécialistes sont formels, l’anarchie et les dysfonctionnements qui règnent dans le circuit commercial sont le résultat de l’absence de l’Etat. Les ingrédients de la révolte du début de l’année sont réunis… acte II.
Zouheir Aït Mouhoub