Privatisations: L’urgence d’une accélération

Privatisations

L’urgence d’une accélération

Par : Safou Djamel, Liberté, 30 décembre 2007

Annoncées en grande pompe au début de cette décennie comme étant le remède aux rentes, et donc à l’immobilisme économique et à la destruction de valeur, la privatisation et/ou ouverture de capital des entreprises publiques présentent un bilan très mitigé, alors que la concurrence s’installe et dirige habilement les décisions économiques.

On attendait Air Algérie, Algérie Télécom, les cimenteries, la Cnan, le CPA, les hôtels et Saidal, et on a eu droit à rien de tout cela. Par contre, on voit tous les jours un peu plus les concurrents directs de ces compagnies qui accaparent une part de marché un peu plus importante et installent ainsi des barrières à l’émergence de nouveaux entrants locaux ou internationaux : Air France/Aigle Azur dans le transport aérien, CMA-CGM / GoFast dans le transport maritime, Orascom et Wataniya sur la téléphonie, Lafarge sur les cimenteries, Accor sur les hôtels, BNP et Société Générale sur les banques. On ne peut pas attendre que ces groupes privés agissent commercialement pour “protéger” les entreprises publiques concurrentes. Au contraire, c’est de bonne guerre que ces groupes utilisent tous les moyens du bord pour s’installer durablement et minimiser toute concurrence. Ainsi, ne pas doter les grands groupes publics de compétences managériales et de moyens capables de faire face à cette concurrence, c’est les condamner à une mort lente et c’est surtout alimenter tous les facteurs nécessaires à l’émergence de nouveaux monopoles privés qui dicteront leur loi et leurs prix. Certes, il est difficile pour le régulateur/organisateur du marché qu’est l’État de combiner privatisation et attrait de nouveaux investisseurs dans un même secteur d’activités car il est nécessaire de permettre à ces investisseurs d’assurer un retour sur un investissement acceptable, mais, et après dix années, il est temps de permettre à nos entreprises publiques de se défendre et d’être à leur tour agressives sur le marché intérieur. Il n’est point question de s’attaquer au reste du monde, d’exporter, mais seulement assurer un service économique, pratique et une bonne gestion des ressources et maintenir ainsi la valeur des actifs de l’État. Les seules entreprises privatisées à ce jour sont celles qui ne “dérangeaient” personne dans l’économie nationale : les entreprises de céramique, les dépôts/ventes de matériel, l’entreprise de gaz industriel, les briqueteries, les câbleries, les foncières intéressantes, les entreprises nécessitant toujours une présence de l’État actionnaire (les ferroviaires). Le MPPI est devenu le MIPI : on ne parle plus de privatisation, mais on s’avance vers une structuration des organismes de décision, c’est parfait. Le MIPI va dégraisser les SGP ; on arrive vers une organisation plus souple, plus flexible, plus réactive, c’est extraordinaire, mais on attend toujours un organe de planification, un ministère de l’Économie peut être intégré dans le ministère des Finances qui gérerait ces actifs de l’État directement et déciderait ainsi plus vite.
Aujourd’hui, on attend que la privatisation du CPA réussisse dans les termes déjà définis et que l’ouverture du capital à hauteur de 30 à 35% des autres groupes que sont Air Algérie, Algérie Télécom et la BDL débute au plus tôt. Le constat est clair : il faut un partenaire stratégique étranger pour gérer ces entreprises comme n’importe quelle entreprise avec des objectifs de rentabilité clair, et non la servitude d’intérêts particuliers.
Cette étape d’ouverture du capital de ces groupes est fondamentale pour l’économie algérienne et, n’ayons pas peur des mots, pour la société algérienne. C’est peut-être pour cela que le temps paraÎt très long. Il n’y a aucune crainte, le cadre légal de la privatisation protège les travailleurs de ces entreprises pour au moins cinq années, et il ne faut pas avoir peur du marché, un élément de valeur sera toujours performant ; il n’y a que les médiocres et les bras cassés qui auront raison d’avoir peur.

Safou Djamel


Les syndicalistes se prononcent

Le processus est mené dans l’opacité

Par : Madjid T.

Le processus de privatisation et de restructuration des entreprises publiques tel que mené actuellement par les Sociétés de gestion de participation est vivement dénoncé par les travailleurs et les syndicalistes. “Les opérations de privatisation des entreprises sont menées dans l’opacité la plus totale”, n’ont cessé d’affirmer les syndicalistes de la zone industrielle de Rouiba qui viennent de brandir la menace d’une grève générale pour se faire entendre. Même si les syndicalistes sont foncièrement contre la privatisation de leur entreprise, ils s’élèvent aussi contre la forme et la manière utilisées pour la cession de leurs outils de travail. La Centrale syndicale semble, elle aussi, embarrassée par la manière dont est mené le processus de privatisation et M. Lakhdar Badredine, secrétaire chargé de l’économie à l’UGTA, n’a pas caché son désarroi face à cette situation. M. Badredine a d’ailleurs exprimé avant-hier à la Chaîne III son étonnement suite à la décision prise par le ministère des Participations de ne pas céder aux travailleurs les entreprises qui emploient plus de 30 personnes. En effet, aucun texte ne fait mention à cette condition pour la formule de cession RES (reprise de l’entreprise par les salariés), la non-cession. Pour M. Messaoudi de l’union locale de Rouiba, aucun texte n’est venu pour le moment remplacer le décret n°2001-353 du 2 mai 1998 révisé relatif à la cession des entreprises au profit des salariés ou l’ordonnance 10/11/2001 définissant les conditions et modalités de reprise d’une entreprise publique économique par ses salariés. “En plus, des structures syndicales n’ont à aucun moment reçu un écrit ou instruction même émanant du CPE qui évoque cette condition”, affirme un cadre syndical de Rouiba qui s’interroge, par ailleurs, depuis quand une instruction verbale ou écrite remplace ou abroge un décret présidentiel. “Si c’est de l’idjtihad, qu’on nous le dise”, ironise M. Messaoudi qui affirme n’avoir jamais pris connaissance d’un document concernant la formule de cession “RES” autre que le décret précité ou l’instruction n°3 du 2 mai 1998 relative à cette formule. “Les lois de la République sur la privation sont bafouées, et on comprend maintenant pourquoi le partenaire social est marginalisé et pourquoi on n’est pas informés”, soutient un responsable syndical de la zone industrielle. L’autre décision qui a laissé pantois les syndicalistes de l’union locale de Boumerdès est celle concernant la non-application de l’article 28 du décret 2001-04 du 20/08/2001 relatif à la quote-part de 10% qui revient de droit aux salariés au niveau de certaines entreprises. C’est le cas de l’entreprise MAG Sahel de Corso (ex-Enafroid), qui va être cédée à une entreprise privée algérienne et dont les travailleurs ont été surpris par la décision de la SGP Sotracov qui leur a indiqué verbalement qu’ils n’ont droit qu’à 5%. Selon M. Cherifi, secrétaire général de la section syndicale de cette entreprise, aucun écrit ne leur a été donné excepté une annonce faite lors d’une réunion tenue au siège de la SGP qui, par ailleurs, n’a pas été sanctionnée par un procès-verbal de réunion. Les syndicalises et même les instances syndicales locales de Boumerdès sont intervenus pour exiger qu’un document faisant ressortir les 5% leur soit remis, en vain. Par ailleurs, selon un responsable syndical national, aucune entreprise sur le territoire national n’a été cédée avec mois de 10% de quote-part pour ses travailleurs. Par ailleurs, les SGP ont été destinataires d’une note ministérielle datée du 20 mars 2007 dont nous détenons une copie, les invitant à appliquer l’article 28 du décret en question. Dans le deuxième paragraphe de cette note, il est mentionné que “cette quote-part de 10% est représentée par des actions sans droit de vote ni de représentation au conseil de l’administration”. Le même document invite “les SGP concernées à l’effet de réserver la quantité maximale de 10% du produit de cession correspondant aux 10% des actions cédées à titre gracieux au collectif des salariés”. Ainsi, les travailleurs de MAG Sahel de Corso, dans la wilaya de Boumerdès, n’arrivent toujours pas à comprendre la décision “verbale” des 5% qui leur ont été proposés bien que leurs collègues de l’unité Soummam de Béjaïa aient eu droit à leurs 10% réglementaires. Mais ce qui courrouce les travailleurs et leurs représentants, c’est l’absence de communication de la part des Sociétés de gestion de participation bien que la résolution n°6 du 4 juin 2004 émanant du CPE insiste sur l’association du partenaire social dans toutes les étapes du processus de privatisation de l’entreprise. Cette cacophonie n’a pas laissé indifférents les travailleurs et les syndicalistes de la base qui menacent d’entreprendre des actions soutenues pour se faire entendre.

M. T.