Suspension de la privatisation du CPA
Suspension de la privatisation du CPA
Le retrait de trois banques en lice fausse les calculs de l’Etat
par Safia Berkouk, Le Jeune Indépendant, 27 novembre 2007
La suspension du processus de privatisation du Crédit populaire d’Algérie relève d’une décision souveraine de l’Etat, mais ne répondrait à aucune considération politique. Elle serait motivée essentiellement par «les incertitudes sévères» qui pèsent sur les stratégies et les capacités d’engagement à long terme des grandes banques internationales induites par la crise des subprimes qui touche les Etats-Unis depuis le mois d’août dernier.
C’est du moins ce qu’a tenté d’expliquer hier la ministre déléguée à la Réforme financière, Mme Fatiha Mentouri, qui a animé au siège du ministère des Finances, une conférence de presse. La décision du gouvernement, a-t-elle martelé, est due «aux effets de la crise financière internationale» qui a secoué les grandes banques étrangères dont certaines étaient préqualifiées dans le cadre de l’ouverture du capital du CPA, notamment l’américaine CitiBank.
Cette crise a causé des pertes estimées entre 400 et 500 milliards de dollars aux Etats-Unis. Citibank qui est la plus exposée a vu ses résultats nets amputés de 5 à 7 milliards de dollars avec une dépréciation des actifs entre 11 et 14 milliards de dollars.
Les répercussions ont été telles pour cette banque qu’elle «a engagé une restructuration de management au plus haut niveau ce qui l’a mise dans une situation la rendant incapable de prendre des décisions stratégiques et à long terme et a annoncé son retrait momentané de la course le 21 novembre dernier», a-t-elle dit.
Ce retrait est intervenu après celui de la banque espagnole Santander en mai dernier du fait qu’elle était engagée «dans une opération de fusion – acquisition». Selon Mme Mentouri, cette banque a néanmoins déclaré que «son intérêt pour le marché algérien reste entier».
Si l’on ajoute à cela le Crédit agricole qui a souhaité un report de la date limite de la présentation des offres, prévue pour hier, il ne restait sur les 6 candidats présélectionnées que 3 soumissionnaires, tous français, à savoir Société Générale, BNP Paribas et Banque populaire.
Force est de constater que la crise évoquée par Mme Mentouri n’a directement affecté, à en juger par les chiffres communiqués, qu’une seule banque qui se trouve justement être l’une des deux banques non françaises encore en lice. Elle l’a d’ailleurs affirmé : «La crise n’a pas eu d’effet linéaire sur toutes les banques, Citibank a été la plus exposée», a-t-elle souligné.
Cela voudrait-t-il signifier que le gouvernement ne voulait pas avoir à choisir une banque française pour acquérir 51 % du CPA ? Les banques françaises indésirables ? Pour la ministre, en tous cas, l’explication est simple, «nous avons décidé de surseoir à notre décision en attendant de meilleures conditions de visibilité» afin de mieux évaluer les répercussions de la crise.
Certains observateurs soutiennent cependant que l’Etat rechignerait à céder une partie du CPA à des banques françaises à cause du risque d’explosion des importations françaises plus précisément, alors qu’elles sont déjà en augmentation.
Le quotidien français le Monde a dans son édition d’aujourd’hui évoqué la thèse de la raison politique, écrivant que «la cession devant aller, selon toute vraisemblance, à l’une des quatre banques françaises en lice, Alger a voulu éviter que le choix ne paraisse lié à la visite du président Nicolas Sarkozy, qui aura lieu du 3 au 5 décembre».
Les propos de la ministre pourraient en tous cas suggérer que les raisons invoquées ne sont pas les seules à avoir motivé la décision du gouvernement puisque, selon elle, il n’y a plus urgence à conclure ce processus de privatisation qui est pourtant le pilier de la réforme financière et dont l’aboutissement devait décider de la suite à donner à l’option de privatisation des banques publiques.
Mme Mentouri a assuré d’emblée que «les options prises en matière de réforme sont irréversibles et notamment l’ouverture du secteur financier». Elle a toutefois, déclaré plus loin qu’il «n’y a pas le feu et nous pouvons reporter cette opération de quelques semaines».
Semaines, mois, ou années, personne ne peut le dire, car de son propre aveu «il est difficile d’évaluer les retombées de la crise et de dire combien de temps elle va durer». Pour elle «l’Etat a le droit de défendre ses institutions financières et il n’est pas dans l’obligation de vendre sa banque à un prix qui serait en dessous de sa véritable valeur».
Car, pour elle, le risque que peut induire les subprimes pour un pays comme l’Algérie est que «le jeu de la concurrence soit altéré et que le CPA soit décoté». En tout état de cause, il n’y a aucun élément qui permette de penser que l’offre de l’une des trois dernières banques françaises encore en lice aurait été en dessous de la valeur du CPA, d’autant que ces offres devaient rester secrètes jusqu’à la date de l’ouverture des offres financières.
Mme Mentouri n’a pas pu dire si l’opération de privatisation sera reprise mais elle a assuré qu’elle «reprendra là où elle a été arrêtée». Mais au-delà des raisons invoquées et même si la ministre a souhaité que «le processus ne soit pas entaché par cette décision», le suspension de la privatisation du CPA envoie un signal négatif à la communauté internationale et c’est toute la crédibilité de l’Etat qui sera remise en cause dans ses relations internationales.
Il peut ainsi apparaître comme un pays qui ne respecte pas les règles du jeu. Les trois banques françaises toujours en course pourraient en tout cas le penser et réfléchir à deux fois avant de chercher à faire des affaires en Algérie.
Les placements de l’Algérie sont sûrs Interrogée sur les répercussions des subprimes sur les réserves de change de l’Algérie, la ministre a expliqué que la Banque d’Algérie gère ses réserves «avec la plus grande prudence en opérant les placements les plus sûrs possibles».
A ce titre, les placements effectués sont engagés à long terme et concernent des bons de trésor et non des titres hypothécaires». Elle a également souligné qu’il y a «des placements en livre sterling et en yen» et que la banque centrale ne conserve pas toutes les réserves en une seule monnaie, à savoir le dollar.
S. B.