Nouvelle recette pour la privatisation
Un programme présenté au gouvernement la semaine prochaine
Nouvelle recette pour la privatisation
par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 16 juin 2008
Des «blocs» de politiques de relance du secteur public, le ministre de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement en a annoncé deux, l’un tout aussi important que l’autre. Est-ce une sorte de révision de sa stratégie industrielle et un retour aux années 70 ? Hamid Temmar s’en défend. « Pas du tout, ces politiques ne se projettent pas nationales, elles se projettent sur les secteurs. C’est-à-dire la privatisation, l’investissement, la mise à niveau et le redéploiement du secteur public se font dans l’industrie, l’agriculture, le tourisme… Ce ne sont pas des politiques globales mais des politiques qui ont besoin de supports, à savoir des stratégies sectorielles ».
Pris en aparté hier à l’hôtel Sheraton à la fin du déjeuner avec les femmes de Seve, Temmar expliquera ce qu’il compte entreprendre pour « faire produire » le secteur public, ou précisément « les géants économiques ou les champions » qu’il veut créer dans divers secteurs comme l’agroalimentaire, l’acier, la pétrochimie, la pharmacie, le ciment, les non-ferreux… Vous remettez en cause votre stratégie de privatisation ? « Non, pas du tout », dit-il. Et par là même, une remise en cause de votre vision de secteurs stratégiques ? « Non, non, ce ne sont pas des secteurs stratégiques, je veux les garder parce que l’Etat en a besoin, ce sont des entreprises importantes pour la croissance économique, si l’on veut que la croissance économique se fasse dans ce pays, qu’elle ne nous soit pas imposée par les marchés extérieurs, il faut qu’on ait nos capacités endogènes de faire de la croissance ». Mais pour ces entreprises, le marché existe-t-il toujours ? « Le marché est toujours là, mais pour ces entreprises, le marché ne peut être concerné que pour une participation minoritaire. Par exemple pour faire de l’aluminium, domaine gros consommateur de gaz, l’Algérie en a et pas cher: est-ce que vous admettez que je vais donner une rente complète à quelqu’un parce que j’ai cette rente ? », a-t-il interrogé.
Au sujet des programmes de mises à niveau qui, selon lui, ont échoué, le ministre précise: « Non, ils n’ont pas échoué, ils ont donné des résultats mais très inférieurs à ce qui pourrait vraiment changer la face de nos entreprises ». Vous avez aussi dit de la bourse qu’elle a échoué. On vous accuse de bloquer le passage des entreprises publiques vers la bourse. Temmar répond: « Il y a deux entreprises qui doivent rentrer dans la bourse, l’entreprise publique et l’entreprise privée, mais l’Etat ne peut rien dans cette affaire. Il faut que les hommes d’affaires rentrent. En ce qui concerne le privé, il faut qu’il décide à y aller. Pour ce qui est du public, ces grandes entreprises, les géants économiques ou les champions dont nous parlons, pour pouvoir se développer, ont besoin d’un partenaire stratégique, elles n’ont pas besoin d’argent parce que rentrer dans la bourse c’est pour lever de l’argent.
Les entreprises publiques ont besoin d’expertise, la gestion et les marchés extérieurs. Nous sommes donc obligés de préférer pour nos entreprises non pas la bourse mais le partenaire stratégique. Pour ces grandes entreprises que nous mettons en place, nous irons vers le partenaire stratégique en minorité, je répète bien, mais il est tout aussi certain que, vraisemblablement, lorsqu’elle est consolidée, nous irons vers la bourse pour 10, 15% du capital. Le problème d’aller à la bourse, ce n’est pas que je bloque ou que je ne bloque pas, mais ou bien nous voulons sauver nos entreprises et il nous faut des partenaires stratégiques, ou alors nous allons vers la bourse mais le problème de nos entreprises n’est pas l’argent mais le stratège ».
Un programme de mise à niveau pour 2.500 entreprises
Interrogé sur ce que pourrait apporter de nouveau la création d’un conseil supérieur de l’intelligence économique, le ministre précise: « Ce conseil supérieur va favoriser, animer, pousser, en tout cas faire comprendre à tout le monde que l’intelligence économique c’est la compétitivité si nous voulons que l’Algérie vive sur les marchés internationaux et combatte l’importation non pas en bloquant la frontière mais en allant vers l’intelligence économique ».
On y va vers l’OMC ? « J’espère », dit-il. Mais vous avez parlé de problèmes ? « Non… Mais si nous bloquions l’investissement, on les aura les problèmes avec l’OMC ». En plus, ajoute-t-il, « notre protection devient extrêmement importante, c’est la raison pour laquelle il est nécessaire maintenant que nous réfléchissions dans un cadre libéral et de marché, pour faire de la politique économique.
A-t-on fait tout faux durant toutes ces années ?, lui demandons-nous. « Non, je vous assure que non, il fallait passer par toutes ces étapes-là. Peut-être aller plus vite, ça je vous le concède, il y a eu des moments où on a perdu du temps pour rien, mais il fallait passer par là. Le problème même de la création des grands secteurs nécessaires à la croissance économique n’est apparu que provisoirement. Il a fallu qu’on connaisse bien le secteur économique pour le faire », a-t-il souligné. « La mise à niveau du secteur public est une affaire de destin, elle est essentielle pour la relance de notre appareil de production. Elle concernera en principe 2.500 entreprises. L’expertise européenne pour cette question ne peut se faire sans un cadre du gouvernement», expliquera-t-il à propos des programmes de mise à niveau supervisés et financés par l’Union européenne. Et, affirme-t-il, « ce qui a été fait par le ministère des PME sera intégré dans la stratégie industrielle, on ne perdra rien. Du point de vue de la responsabilité, celle économique fait que tout ce qui a été fait sera totalement récupéré ».
A propos de la privatisation, il indiquera qu’elle a été démarrée en 2005, tout en indiquant que 2007 a été une année de ralentissement du processus parce que l’agenda du gouvernement a été extrêmement difficile et le président du CPE n’avait pas toujours le temps. Nous avons mis en place un système de suivi de la privatisation que nous pouvons labelliser au plan international. Nous mettons actuellement en place un programme de privatisation qui sera proposé en principe la semaine prochaine au gouvernement ».
L’Union pour la Méditerranée intéresse-t-elle l’Algérie ?, lui demandons-nous. « Au début, c’était l’Union méditerranéenne, mais aujourd’hui c’est l’Union pour la Méditerranée. Pour ce changement, on est obligé de réfléchir… », dira le ministre.