Marché du médicament: L’État abandonne-t-il la production nationale ?
LIBÉRALISATION DU MARCHE DU MÉDICAMENT
L’État abandonne-t-il la production nationale ?
Dossier réalisé par Ilhem Tir, Le Soir d’Algérie, 14 mars 2005
C’est ce qu’affirment les membres de l’Union nationale des opérateurs en pharmacie (UNOP) qui haussent le ton et interpellent le président de la République et le chef du gouvernement en s’appuyant sur les engagement faits par l’Etat concernant la protection de la production nationale tel que stipulé dans l’article 10 du Journal officiel datant du 20 juillet 2003 qui prévoit que «les mesures de sauvegarde s’appliquent à l’égard d’un produit si ce dernier est importé en quantités accrues, qu’il cause ou menace de causer un dommage grave à une branche de production nationale de produits similaires ou indirectement concurrents».
Exiger des négociations avec l’OMC d’un délai suffisamment long entre 5 et 7 ans pour la production nationale de médicaments et produits pharmaceutiques est l’une des revendications majeures exprimées par les membres de l’UNOP qui demandent également que «l‘importation ne soit pas ouverte à tout le monde avec le maintien des entreprises existantes». Ces commandements seront arrêtés le mercredi 16 mars lors d’une assemblée générale extraordinaire où un dossier avec tous les éléments nécessaires sera monté et transmis au chef du gouvernement et au président de la République afin de pendre part dans la résolution de la problématique. Les membres de l’UNOP ont tenu à marquer leurs vives inquiétudes sur la portée des engagements pris lors du 9e round de négociations d’adhésion de l’Algérie à l’OMC qu’ils estiment contradictoires à la législation algérienne relative à la promotion de l’investissement productif dans le secteur de l’industrie pharmaceutique. La réaction de l’UNOP ne s’est pas fait attendre suite aux déclarations du ministre du Commerce, Nourredine Boukrouh, annonçant la suppression prochaine de l’obligation faite aux importateurs en pharmacie d’investir dans la création d’unités de production de médicaments en Algérie. En effet, ils estiment que ces révélations sont d’autant plus troublantes qu’elles rompent avec l’harmonie qui avait prévalu entre le discours politique et la réglementation en vigueur résolument en faveur avec le développement d’une industrie de médicaments où les importateurs se devraient d’être les promoteurs. Un cahier des charges élaboré par le ministère de la Santé a donné un contenu concret à l’objectif visé en faisant obligation aux seuls opérateurs nationaux en pharmacie d’investir dans la création d’unités de production. «Bon nombre d’entre eux ont consenti d’importants investissements et considèrent qu’ils sont en droit d’attendre de l’Etat un accompagnement conséquent et constant tendant au soutien de ces opérateurs» soulignent-ils. Réunis en assemblée générale au sein de l’UNOP, les opérateurs en pharmacie considèrent, eu égard au volume des investissements productifs réalisés dans ce secteur, qu’ils doivent être associés dans la démarche entreprise par le ministère du Commerce auprès de l’Union européenne et l’OMC. Une concertation permanente avec les opérateurs en pharmacie s’impose donc et l’Etat doit protéger ce secteur car les investissements réalisés ont besoin d’une période transitoire pour se mettre à niveau et être en mesure de concurrencer les laboratoires étrangers. «Ouvrir le marché algérien sans aucune condition c’est réduire à néant tous les efforts d’investissements consentis», avertissent les opérateurs. I. T.
Du nouveau pour l’importation et la production
Le ministère de la Santé et de la Population s’attelle à finaliser nombre de décrets concernant l‘importation et la production du médicament où la marge de bénéfice des producteurs serait plus intéressante. Il annonce également des assistances dans le domaine de l’enregistrement du médicament du fait que la réglementation consiste à une pré-étape à l’enregistrement et sa subvention dans le domaine du remboursement sur la base d’un prix de référence qui donnera la priorité à la production nationale. Les importateurs seront obligés de fournir un document qui prouvera que le médicament destiné à l’importation est enregistré dans plus de deux pays, plus la liste des prix appliqués dans ces pays pour ce même médicament . Ils seront aussi dans l’obligation de fournir l’état de leurs stocks de médicaments chaque 6 mois pour permettre au ministère de bien organiser le marché. Les autorisations seront semestrielles. Une réglementation spécifique sera appropriée aux producteurs, importateurs, conditionneurs. Ces nouveaux dispositifs seront opérationnels dès la promulgation des décrets exécutifs prévus la fin du mois de mars.
I.T.
LE PRESIDENT DE L’UNOP ACCUSE
«Le ministère de la Santé autorise des médicaments interdits à l’importation»
«Nous nous voulons une force de proposition dans le cadre de l’économie de marché et dans le cadre législatif et réglementaire en vigueur, un interlocuteur incontournable afin de défendre les intérêts moraux de la profession et nous nous retrouvons dans un autre débat celui de défendre les investissements consentis estimés à 20 milliards dinars avec la création de 3500 emplois directs», a souligné M. Ziad Ammar, président de l’UNOP qui certifie que les membres de son association représente les 80% des parts du marché du médicament qu’il soit en fabrication ou en importation.
Le reste, c’est-à-dire les 20%, est partagé entre Saidal et les opérateurs non membres de l’UNOP et certains «importateurs occasionnels ». Ces derniers bénéficieraient d’appuis et arrivent à avoir des agréments et des autorisations d’importation pour des médicaments pourtant interdits d’entrée en Algérie. «Il y a la liste des 120 médicaments suspendus à l’importation que nous devons respecter et malgré cela on trouve certains de ces médicaments sur le marché à l’exemple du Ramitidine, l’Amoxycilline 500mg, le Paracétamol et le Captopril. Le ministère a délivré des autorisations pour ces produits», affirme M. Ziad. Les médicaments interdits sont censés être produits en Algérie en quantités suffisantes ! «Nous avons toujours appelé au dialogue avec le ministère de la Santé mais ce dialogue semble être rompu et le ministère s’est accaparé de toutes les prérogatives. Le ministère de la Santé ne travaille pas dans la transparence» ajoute le président de l’UNOP qui précise que «le nombre des projets industriels déposés actuellement est de 120, nous sommes 80 opérateurs en exercice et malgré le gel d’octroi d’agrément, nous avons recensé, durant l’année 2004, de nouveaux opérateurs. Comment cela est-il possible ? ». La libéralisation du marché du médicament oblige ces opérateurs à se soumettre aux règles d’une concurrence qu’ils estiment déloyale surtout avec les laboratoires étrangers en ce qui concerne le prix de référence à l’entrée du territoire national. «Le ministère nous a promis de reprendre le dialogue avec les opérateurs et de continuer à protéger la production nationale», a précisé M. Ziad qui énumère les différents problèmes que rencontrent les opérateurs dans leur parcours tels que le remboursement. «Sur les 1500 produits enregistrés, il y a près de 500 non remboursés et à la charge du consommateur. Le motif avancé par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est que ces produits ne sont pas remboursés dans leurs pays d’origine en donnant comme référence la France et en oubliant que le SNMG en Algérie ne représente que le un dixième du SNMG en France». Selon notre interlocuteur, l’Algérie importe près de 18 milliards de dollars de produits dont seulement 900 millions portent sur le médicament et les produits vétérinaires ce qui représente 5% et «ce n’est pas cet infime pourcentage qui influera négativement sur nos économies», conclut M. Ziad. I. T.
MOURAD REDJIMI AU « SOIR D’ALGERIE »
«Aucun médicament ne sera interdit à l’importation»
La santé et le médicament doivent être en symbiose, de l’avis du premier responsable du secteur, le Pr. Mourad Redjimi, ministre de la Santé et de la Population, qui s’est exprimé sur les nouveaux textes régissant le secteur de l’importation et de la production du médicament en Algérie. La grogne des opérateurs en pharmacie, la délivrance d’agréments, l’importation de médicaments non autorisés et toutes les contradictions qui gèrent parfois ce secteur ont été passés en revue.
Le Soir d’Algérie : Les opérateurs en pharmacie se mobilisent contre l’ouverture totale et inconditionnée du marché du médicament selon les recommandations de l’OMC. Ils craignent une concurrence déloyale et le désengagement de l’Etat quant à la protection de leur production nationale. Qu’en pensez-vous ?
M. Redjimi : Tout d’abord, il faut savoir que la production nationale avec le conditionnement qui se fait par des opérateurs ne couvre que 20% du besoin du marché en médicaments. Les producteurs sont ceux qui fabriquent le médicament à partir de la matière première importée et font aussi du conditionnement. Après la soumission de près de 200 opérateurs, il n’en reste qu’une vingtaine actuellement opérationnels et auxquels je demande de continuer. Pour ce qui est de la concurrence, elle devrait être bénéfique pour le consommateur et l’Algérie doit se hisser à l’échelle mondiale. En plus, il faudrait que le prix du médicament produit en Algérie revienne moins cher. L’importation a toujours été libre avant même l’adhésion à l’OMC et actuellement nous sommes en train de mettre en place un nouveau dispositif qui assurera la fiabilité du produit à moindre coût avec une reconsidération du producteur, du conditionneur et l’importateur. Et les opérateurs doivent se mettre en conformité avec les textes. Ils pourront s’orienter vers l’exportation.
L.S. : Qu’en est-il de l’enregistrement des médicaments de la production nationale ?
Pour que le médicament soit enregistré, il faut fournir tout un dossier technique où seront mis en exergue le procédé de fabrication, les conditions et le prix de vente qui devrait être normalement moins cher. Les produits importés prennent entre six et un an pour qu’ils soient enregistrés et nous allons faciliter l’enregistrement des produits fabriqués localement.
L.S. : Les opérateurs accusent le ministère de délivrer des autorisations d’importation pour des médicaments interdits à l’importation. Qu’en est-il au juste ?
Les médicaments interdits à l’importation sont ceux qui sont censés être suffisamment produits localement. On les a interdits alors qu’il y a obligation de lutter contre la pénurie. Il se trouve que, cependant, ces opérateurs avaient tous augmenté leurs prix. Les autorisations ont été délivrées pour les jeunes entreprises afin quelles mettent sur le marché leur produit. En outre, avec l’adhésion à l’OMC, aucun médicament ne sera interdit à l’importation. La liste des 128 médicaments suspendus à l’importation ne sera plus valable.
L.S. : Quel est le montant des importations pour l’année 2004 et pourquoi les programmes d’importation déposés le mois d’octobre dernier ne sont-ils pas encore livrés ?
Le montant d’importation s’élève à 641 millions d’euros de médicaments à usage humain et je tiens à informer que tous les programmes sont signés sauf un. Quant au retard dans ce procédé, il est dû au contrôle qu’on doit opérer avant l’enregistrement et les informations souvent incomplètes lors de la fourniture des dossiers.
L.S. : Le problème des distributeurs ou des grossistes est aussi important que celui des opérateurs car le désordre règne également dans ce secteur. Quelles sont les mesures prises dans ce sens ?
Nous sommes jeunes dans cette réglementation qui n’existe que depuis 1993. On attend la nouvelle réglementation qui est imminente et qui régulera ce secteur car il y a des textes séparés tant dans la fonction que dans le produit. Le distributeur ou l’intermédiaire devra se plier aux obligations d’assurer les stocks et respecter les délais de livraison.
L.S. : La distribution des psychotropes n’obéit pas à une législation sévère, l’exemple de Digromed en est édifiant. Pourquoi ?
La législation était bonne, c’est l’application qui faisait défaut. Actuellement, nous avons mis en place une nouvelle traçabilité du procédé avec le suivi du produit jusqu’au bout sous la responsabilité du pharmacien. On a remis une réglementation plus sévère et avec la modification du code pénal et particulièrement la loi sur les psychotropes, cela ne devrait plus poser problème.
L.S. : Les officines sont le dernier maillon de la chaîne du médicament avant d’arriver aux consommateurs . Plusieurs d’entre elles ne sont p a s gérées par des pharmaciens…
Les officines sont bien réglementées et dans la nouvelle loi il est stipulé que le pharmacien doit être propriétaire et gestionnaire du fonds de commerce. Pour la cession des agences Endimed, elle se fait en bonne et due forme. Les hôpitaux vont récupérer les agences créées dans leur enceinte.
I. T.