Privatisations : Abdelhamid Temmar s’explique
El Watan, 25 janvier 2018
A la faveur du débat entourant la relance par le gouvernement du programme de privatisation des entités économiques publiques, le Monsieur privatisation, Abdelhamid Temmar, apporte, dans un entretien paru hier sur le site Tout Sur l’Algérie, son appui à cette option et défend son bilan pourtant décrié.
«J’avoue que je suis étonné de voir l’atmosphère s’enflammer de cette façon à l’idée des privatisations, notamment dans la situation actuelle, et d’entendre des arguments qui datent des décennies passées, des arguments qui restent sans appui sur la réalité», dit-il pour critiquer les détracteurs des privatisations. M. Temmar estime, et contrairement à l’avis général, que les opérations de cession des entreprises publiques qui ont eu lieu entre 2005 et 2009 n’ont pas été un échec, et qu’elles s’imposent encore aujourd’hui.
La privatisation est un pari.
Les chiffres en main indiquent que ce pari s’est avéré dans l’ensemble payant pour les entreprises privatisées, notamment en comparaison à la situation des EPE», défend l’ancien ministre. Ceci et de rappeler que même à son époque, les privatisations ne concernaient que le secteur public dit marchand (SPM) excluant Sonatrach, Sonelgaz, les banques et les compagnies d’assurances, Algérie Télécom et les EPIC en général. Abdelhamid Temmar considère que si les programmes de privatisation n’aboutissent pas depuis les années 1990, c’est à cause «d’un mix d’idéologie, d’intérêts de chapelle qui ne veulent pas voir le secteur disparaître pour des raisons spécifiques et enfin d’abondance de ressources financières publiques».
L’ex-ministre affirme que les oppositions sérieuses à la privatisation viennent de deux catégories de groupes : «Il y a ceux qui tirent un intérêt immédiat de l’existence de ce secteur et souhaitent donc que l’Etat continue à financer les entreprises.
Et ceux qui, sincèrement ou par idéologie, craignent la prise en main de l’économie et ainsi du pouvoir par le pouvoir de l’argent. C’est là certainement une menace que l’on voit se généraliser dans le monde, mais elle reste, dans ce cas précis à mon avis, toute relative étant donné la structure du SPM et l’état de la grande majorité des EPE.»
Evoquant la triste privatisation du complexe sidérurgique El Hadjar, M. Temmar estime que les conditions de l’époque l’exigeaient et même qu’«avoir trouvé un repreneur partiel tenait du miracle et cela a incontestablement sauvé la situation d’El Hadjar et qu’aujourd’hui encore on est fier qu’il reste dans le giron national».
Concernant la situation actuelle, Abdelhamid Temmar estime qu’il existe un grand nombre d’entreprises publiques opérant dans des branches et ayant un impact direct sur le développement qui doivent être maintenues sous leur forme publique ou dans des partenariats minoritaires pour en faire un levier majeur de développement industriel du pays. Il pense ainsi à des branches pouvant constituer une spécialisation sur les marchés régionaux ou internationaux, comme la pétrochimie et polymères, fertilisants, fibres textiles chimiques, produits pharmaceutiques, de même pour les activités structurantes (métallurgie, mécanique, électricité/électronique, véhicules industriels). Dans son entretien, M. Temmar indique qu’en 2014 le SPM était constitué de 605 entités contre 850 en 2008 et 1211 en 2005.
«En écartant les 457 unités privatisées, le SPM a perdu spontanément 754 unités avec tous les emplois qui vont avec.» Le secteur emploie 290 000 agents contre 400 000 en 2005 et 200 000 en 2010, soit 3% de l’emploi total. 80% des entreprises du SPM ont un chiffre d’affaires oscillant entre 20 et 200 millions de dinars.
Nadjia Bouaricha