Privatisations : Éviter le bradage

Privatisations : Éviter le bradage

El Watan, 21 janvier 2016

La mesure a été adoptée par le Parlement et devrait être mise en application sous peu : l’article 62 de la loi de finances 2016 autorise désormais l’Exécutif à ouvrir le capital des entreprises publiques. Un parfum de déjà-vu se faisait sentir le jour du vote, rappelant les vieux démons d’antan, lorsque des bijoux de famille étaient cédés au dinar symbolique sans qu’aucun contrôle soit assuré en aval.

Plusieurs années après, le gouvernement, comme pour réparer un pas de danse raté, enclenche une opération d’évaluation qui concerne une cinquantaine d’entreprises privatisées par le passé. Le contrôle d’audit devrait conduire à la récupération, par l’Etat, de celles dont les repreneurs n’ont pas respecté leurs engagements. Simultanément, le gouvernement fait voter un nouveau dispositif non moins opaque, suggéré par la loi de finances 2016.

Hormis le fait qu’elle limite l’ouverture du capital des entreprises publiques au privé national résidant, du taux de participation de l’actionnaire privé à 66% des actions et le droit de rachat des participations de l’entreprise publique après un délai de cinq ans, la loi ne spécifie aucunement le statut et la nature des sociétés publiques dispensées de cette opération. D’où l’inquiétude des travailleurs, des syndicats et des partis de l’opposition de voir les principaux bijoux portés par des mains aventurières.

Flash-back

Bien que nombre d’économistes adhèrent à l’idée de se séparer de certains actifs publics non rentables et non stratégiques, l’article 62, tel qu’il est conçu, peu conduire à des dérives dangereuses sans pour autant apporter les avantages escomptés pour l’économie nationale. Les deux précédentes opérations de privatisation se sont soldées par un échec cuisant. Il y a eu surtout une épaisse opacité dans la conduite du processus de privatisation, une multiplication des intervenants, et une législation pour le moins ambiguë.

Et, au final, un bilan décevant. Contacté par El Watan, l’un des animateurs du premier processus de privatisation, Abderrahmane Mebtoul, ex-président du Conseil national des privatisations (1996-1999), tient à préciser, d’abord, que l’institution qu’il présidait a été un organe technique d’exécution n’ayant aucun pouvoir politique. Du coup, «toute décision était dépendante du Conseil national des participations de l’Etat présidé par le chef du gouvernement».

Ses éléments de langage prennent une autre tournure lorsqu’il est question de se remémorer les zones d’ombre entourant le premier processus de privatisation mené entre 1997 et 2003. «Le Conseil des privatisations n’est pas concerné par cette situation. Installé en 1996, il a été gelé toute l’année 1997. Début 1998, il a été chargé de l’évaluation de quelques unités sélectionnées par le Conseil des participations de l’Etat», souligne Abderrahmane Mebtoul.

Sur la suite, son témoignage fait apparaître des comportements pour le moins douteux : «Avec la démission du président Liamine Zeroual et au moment où les repreneurs avaient été sélectionnés sur la base d’une transparence totale, le Conseil des privatisations a été dissous fin 1999 et toutes les opérations annulées en 2000 sans qu’aucune ait été réalisée». Ce défaut de transparence qui a émaillé le processus a été maintes fois relevé par des analystes et des observateurs. A raison, car ce processus – qui devait relancer l’appareil de production pendant une période économique si rude – avait duré longtemps et a été mené dans l’opacité la plus totale.

Entre 2000 et 2013, au ministère des Participations, certaines privatisations ont été réalisées sous l’égide des Sociétés de participation de l’Etat (SGP) qui ont remplacé les holdings, «mais sans que l’on sache exactement quel en était l’impact, bien que des partenariats avec des groupes étrangers ont été conclus par les holdings entre 1996 et 2013». M. Mebtoul souligne avec une ferme conviction que la base de la réussite du processus de privatisation «doit reposer sur une transparence totale et une large adhésion sociale». Or, pour le cas des précédentes privatisations, il y a eu un défaut de transparence criant. Le bilan était bien mitigé, voire décevant.

Bilan décevant…

Selon un bilan effectué par le controversé ex-ministre de l’Industrie Abdelhamid Temmar, 191 opérations de privatisation totale ont été enregistrées depuis 2003 et 33 partielles, soit à hauteur de 50%. Il a été également enregistré 29 joint-ventures et 63 ventes d’actifs à des acheteurs privés, à en croire Abdelhamid Temmar, s’exprimant fin 2008 dans une interview accordé à Oxford Business Group (OBG).

Durant l’année 2007, son ministère a finalisé, d’après M. Temmar, «la privatisation de 69 entreprises publiques, 13 dossiers de privatisation partielle, neuf en joint-venture et 20 opérations de vente d’actifs au privé». Une trentaine d’autres opérations de privatisation ont été conclues en 2008, a-t-il confié à OBG, sans pour autant souffler mot sur les bénéficiaires. D’autres bilans plus fiables contrastent étrangement avec ce que Abdelhamid Temmar appelait «un processus bien organisé».

Des experts et consultants avertis, qui ont eu à travailler sur ce processus, confrontent les déclarations des responsables à des vérités plutôt vérifiables. D’après Abdeldjellil Bouzidi, économiste et consultant, qui a travaillé pendant plusieurs années sur la politique de privatisation, relève que jusqu’aux années 2000, le secteur des entreprises publiques n’a connu que quelques transferts de propriété insignifiants. En novembre 2004, la quasi-totalité des entreprises publiques était toujours propriété de l’Etat.

Un nouvel appel d’offres a été lancé par le gouvernement à l’adresse des investisseurs sous la formule de «gré à gré», mettant dans le même sac toutes les entreprises publiques, exception faite de Sonatrach, Sonelgaz et SNTF, jugées «stratégiques». De 2003 à 2006, 423 privatisations ont été réalisées, dont 134 «petites» (48 agences pharmaceutiques de l’entreprise Endimed et 86 opérations de cession d’actifs au profit d’institutions et établissements publics).

Vendre pour une poignée de dinars

Les privatisations réalisées entre 2003 et 2006 ont rapporté à l’Etat le faible pactole de 105,9 milliards de dinars, alors que le montant des investissements projetés par les repreneurs était légèrement supérieur à la cagnotte gagnée (145,2 milliards de dinars) selon des chiffres du ministère de l’Industrie.

En 2007, le gouvernement a lancé un nouvel appel d’offres pour la privatisation de 13 entreprises, dont l’ENIEM, Sonaric, ENPEC, ENAD, Sonatro, etc. La suite de ces opérations est peu ou prou connu, tant aucun travail d’audit n’a été effectué. Les privatisations se sont vite transformées en opérations de désengagement de l’Etat, avec comme visée de désendetter le Trésor public. Ainsi, les ambitions assignées aux différentes opérations de privatisation n’ont pu être réalisées. Les objectifs de transfert technologique, de conquête de débouchés extérieurs et d’améliorations du management se sont avérés paroles creuses.

Sur fond de raréfaction de ressources nécessaires à la subvention de bien des entreprises publiques, l’Exécutif se remet aujourd’hui aux vieilles recettes des années 1990 et 2000. Les experts et économistes croient d’autant plus à de nouveaux risques d’abus qui seront bien plus dangereux que les précédentes privatisations tant aucun cadre réglementaire n’est fixé dans la nouvelle loi (article 62 de la loi de finances 2016) afin d’éviter de revivre les conséquences désastreuses du passé.

Contacté par El Watan, Yassine Benadda, économiste, estime qu’«il est primordial de clarifier par la loi un cadre réglementaire afin d’éviter de revivre les conséquences désastreuses pour le pays des privatisations passées. De plus, la volonté du gouvernement de privatiser dans l’urgence est risquée; nous devons faire attention au calendrier des privatisations pour éviter de brader nos actifs nationaux».

L’économiste estime qu’«en l’état, cet article de la loi de finances 2016 est dangereux puisqu’il permet tout les abus». Il doute même que ces nouvelles privatisations puissent apporter une relance de l’appareil national de production. Entre le scepticisme des économistes, le bilan en demi-teinte des précédentes privatisation et le forcing de l’Exécutif, il y a absence de consensus sur au moins le mode procédural.
Ali Titouche


Privatisations partielles en bourse

L’Etat récalcitrant au jeu de la transparence

L’option des privatisations partielles d’entreprises publiques par le biais de la Bourse, bien qu’offrant de meilleures conditions de transparence, a de tout temps été négligée par les pouvoirs publics.

Pourtant, de telles procédures de privatisation sont considérées par les experts comme les plus appropriées aux cas d’entreprises économiques financièrement bien portantes. Depuis la mise en place du marché boursier d’Alger, il y a déjà plus de quinze ans, de nombreux listings d’entités économiques publiques ont été arrêtés et approuvés par le Conseil des participations de l’Etat (CPE) en vue de procéder à l’ouverture de leur capital social en Bourse. Tous sont restés lettre morte, souvent pour d’obscures raisons de procédures d’évaluation d’actifs et de patrimoines.

Après plus d’une quinzaine d’années, seules deux entreprises économiques publiques, à savoir le groupe pharmaceutique Saidal et l’entreprise de gestion hôtelière El Aurassi, ont fait l’expérience d’ouvrir leur capital en Bourse via des Offres publiques de vente d’actions (OPV). Et alors que des sociétés privées, à l’instar d’Alliance Assurances, NCA-Rouiba et, tout récemment encore, le groupe pharmaceutique Biopharm, recourent désormais à la Bourse pour ouvrir leur capital social en toute transparence, aucune des nombreuses entités publiques sélectionnées ces dernières années par le CPE à cet effet n’a vu aboutir le processus de sa privatisation partielle.

En novembre 2013, faut-il d’ailleurs rappeler, une nouvelle liste d’entreprises publiques à privatiser partiellement en Bourse, avait à nouveau été annoncée par le CPE, mais qui demeure encore sans suite. Il était ainsi question de procéder à des ouvertures de capital de huit sociétés étatiques, financièrement très solvables, à savoir le Crédit populaire d’Algérie (CPA), la Compagnie algérienne d’assurance et réassurance (CAAR), l’opérateur de téléphonie mobile Mobilis ainsi que Cosider Carrières, l’entreprise Hydro-Aménagement et trois cimenteries publiques.

Deux années plus tard, les opérations d’évaluation financière de ces entreprises publiques privatisables en Bourse restent encore opaques, notamment pour les cas du CPA et de la CAAR, dont la nature de l’actionnariat est soumise à certaines exigences réglementaires propres au secteur de la finance. Quoi qu’il en soit, le manque apparent de volonté politique à privilégier les options de privatisations partielles et d’ouvertures de capital à l’actionnariat populaire en bourse, dénotent surtout de toute l’opacité qui entoure depuis toujours la gestion des actifs et des capitaux marchands de l’Etat.

D’où la défiance et les résistances que suscitent à chaque fois les stratégies de privatisations suggérées par les pouvoirs publics, y compris celle proposée à travers la loi des finances de 2016. L’absence de procédures claires et transparentes quant à la valeur des actifs à céder et à la qualité de leurs acquéreurs potentiels fait toujours redouter des velléités de gabegie et de bradage du patrimoine de la collectivité nationale.

Akli Rezouali


Abdeldjellil Bouzidi. Economiste

«Une législation ambiguë a entouré le processus de privatisation»

– La question des privatisations revient à nouveau sur le devant de la scène avec, cette fois, une nouvelle formule d’ouverture du capital prévue par la loi de finances 2016. Vous qui avez travaillé sur cette question, quelles observations faites-vous de la précédente opération ?

Le bilan établi sur les précédentes opérations est bien décevant tant au plan du volume des opérations réalisées que de celui, plus stratégique, de leur impact restructurant. Pour comprendre cet échec, il faut revenir à l’histoire des privatisations algériennes. Cette histoire se confond avec l’évolution des prix du pétrole. D’abord, c’est le contre-choc pétrolier de 1986 qui rappelle l’extrême vulnérabilité et la dépendance de l’économie algérienne aux hydrocarbures. Puis, au début des années 1990, l’Algérie connaît une crise de la dette extérieure.

Celle-ci atteint son paroxysme en 1993 et l’Algérie ne peut plus payer ses échéances : le rééchelonnement de la dette ne peut plus être évité.
Deux accords sont donc signés avec le FMI, en 1993 et 1994, et parmi les conditionnalités qui les accompagnaient figurait en bonne place l’obligation faite au gouvernement algérien de se dessaisir de ses entreprises publiques. Celles-ci sont la principale cause des déséquilibres budgétaires et à l’origine d’un déficit public abyssal.

La privatisation est donc décidée dans la «douleur» avec la promulgation d’une ordonnance, en 1995, rendant éligibles toutes les entreprises publiques, à l’exception de Sonatrach ! A l’époque, le terme «privatisation» reste tabou. Ensuite, cette ordonnance a été modifiée par une loi promulguée le 20 août 2001 (relative à l’organisation, la gestion et la privatisation des entreprises publiques économiques) qui, à l’inverse, fait de la privatisation la «panacée» !

Toutes ces hésitations ont conduit à une législation lourde et contreproductive et à un droit de la privatisation confus, qui ont contribué à repousser les investisseurs préférant la «prévisibilité» et la lisibilité du droit des affaires. Enfin, dès que la situation financière globale a été plus favorable, quelques années plus tard, le programme de privatisation a été abandonné.

– Moult questionnements ont été soulevés par les précédentes privatisations : opacité, bradage au dinar symbolique de certaines entreprises publiques, absence de bilan… Compte tenu des doutes ayant émaillé la précédente édition, est-ce le cas ?

Ces questionnements trouvent probablement leur origine dans la législation ambiguë entourant le processus de privatisation : multiplicité des intervenants, contrôles différenciés, ambiguïté dans la délimitation du champ des privatisations.

Ainsi sont vite apparus des chevauchements de prérogatives et des conflits de compétences entre les différents intervenants. Il était dès lors difficile, au plan institutionnel, de définir de manière transparente les responsabilités en matière d’exécution et de contrôle des opérations de privatisation.

– Que pensez-vous de l’article 62 de la loi de finances 2016 qui prévoit l’ouverture du capital des entreprises publiques au privé résident ? Y a-t-il un risque de tomber dans le même piège des précédentes privatisations ?

Le prix du pétrole est tombé cette semaine dernière sous les 30 dollars, revenant au niveau de 2003 avec une baisse de 75% sur 18 mois ! Ce n’est donc pas un hasard que «l’histoire se répète» avec un regain d’intérêt pour le sujet des privatisations. D’ailleurs, comme en 1994, le vocable «privatisation» semble redevenu tabou. Or, une des leçons des précédentes opérations est qu’il ne suffit pas d’officialiser et déclarer un programme de privatisation (même si elle est tabou) pour qu’elle ait effectivement lieu.

D’abord, les entreprises retenues doivent être réellement éligibles à la privatisation, leur évaluation doit être faite et leur situation financière transparente. Ensuite, il faut trouver des repreneurs acceptant d’investir leurs ressources avec des perspectives de rentabilité. Enfin, dans le contexte de l’économie algérienne, seule une privatisation externe, c’est-à-dire réalisée par des investisseurs étrangers, pourrait introduire les contraintes d’efficacité, les technologies, le management et la connaissance des marchés extérieurs qui manquent cruellement aujourd’hui.

Ali Titouche


Réda Amrani. Consultant en économie industrielle

«Il y a eu dilapidation naïve des actifs publics»

– Le gouvernement s’apprête à opérer de nouvelles privatisations. Quel bilan peut-on faire des privatisations passées, ont-elles permis de redresser les entreprises cédées au privé, qu’il soit national ou étranger ?

Nous avons déjà parlé d’un premier bilan fort négatif des privatisations en 2013 et nous avons signalé alors que c’était une dilapidation naïve des actifs des entreprises publiques avec un bilan devises des plus négatifs pour notre économie. Au-delà des pertes fiscales et des pertes d’emplois, il y a lieu de noter que les investissements d’extension ou d’amélioration de l’intégration locale ont rarement eu lieu.
Si nous nous en tenons aux opérations les plus significatives, les résultats des privatisations du complexe sidérurgique d’El Hadjar ou de la CNAN sont un désastre économique.

Déficits cumulés à El Hadjar, perte de production, absence des investissements promis et réduction des effectifs, mauvaise gestion sociale ; ce qui a amené le partenaire étranger à se retirer en vendant ses parts au dinar symbolique après avoir grassement profité du marché local en y écoulant ses productions d’outre-mer et en récupérant les produits de la vente des stocks laissés par Sider, qui s’élevaient à plusieurs centaines de millions de dollars. Pour la CNAN, les navires ont été liquidés et plus de 40% du trafic maritime assuré par la flotte locale sont passés en 2015 à moins de 3% ; ce qui entraîne une sortie massive de ressources en devises pour le transport maritime et une perte sèche d’emplois et de compétences.

Aucune entreprise étrangère ne peut se prévaloir d’un quelconque redressement significatif de l’entreprise acquise car celle-ci étant initialement — à l’image des complexes acquis par Henkel ou par Linde pour les gaz industriels bien gérés et bénéficiaires — les transferts de dividendes opérés sont devenus une perte nette en devises.

Il est entendu que l’Etat actionnaire comme l’Etat puissance publique ne se sont pas dotés des instruments et moyens de suivi de l’application des engagements des repreneurs des entreprises publiques.Le dogmatisme comme l’affairisme ont prévalu. Il est difficile de citer un exemple réussi et gagnant-gagnant pour les deux parties dans les privatisations opérées dans notre pays.

– Le ministre des Finances a estimé que les privatisations ne toucheront pas les entreprises stratégiques. Existe-t-il, juridiquement parlant, un champ incluant les entreprises définies comme stratégiques ? Le ministre est-il en position d’avancer de telles garanties ?

Les experts en droit se sont exprimés dernièrement et disent que rien n’empêche selon la littérature juridique actuelle la privatisation de toute entreprise économique à capitaux publics. En fait et cela existe sous toutes les latitudes, la définition de l’entreprise stratégique est aléatoire et variable selon les pays et la nature des enjeux économiques et/ou politiques .Une entreprise peut être stratégique mais appartenir totalement à des investisseurs privés.

L’engagement d’un ministre ou d’un gouvernement reste une promesse politique que les aléas de la conjoncture politico-économique peuvent remettre en cause à tout moment. Il s’agit donc en fait de bonne gouvernance seule garante de la viabilité d’une entreprise stratégique ou non. Un gouvernement ne saurait subventionner indéfiniment une entreprise parce qu’elle exercerait partiellement ou totalement une mission de service public ou autre considérée comme stratégique ; tôt ou tard, les règles de l’orthodoxie économique reprendraient leurs droits.

– Le ministre explique aussi que l’opération ne touchera que les entreprises déficitaires. Quelles sont ces entreprises ? Les privatisations leur apporteront-elles quelque chose ?

Pourquoi voudriez-vous qu’un investisseur s’intéresse à une entreprise déficitaire ? Si l’entreprise est structurellement déficitaire, seule une restructuration économique ou un vigoureux plan de redressement pourrait la rendre attractive pour tout investisseur potentiel. Il est donc fort probable que cela ne soit que le paravent d’une vaste vente d’actifs déclarés insolvables, donc à céder au dinar symbolique, le repreneur s’engageant à maintenir l’activité, l’emploi et la production.

Les privatisations passées ont montré le peu d’outils dont disposaient légalement les entreprises cédantes pour le respect des engagements pris par les nouveaux acquéreurs des entreprises publiques privatisées. Est-ce que les nouveaux groupes industriels, dotés pourtant de larges prérogatives en termes d’autonomie de gestion, pourront contrôler les engagements contractuels auxquels auront souscrits les nouveaux acquéreurs des actifs industriels ?

Une autre question à laquelle on ne semble pas s’intéresser : pourquoi certains gestionnaires d’entreprises publiques manifestent un faible empressement à rétablir les équilibres des actifs qui leur sont confiés ? Ou, autrement dit, pourquoi faire des efforts pour rendre une entreprise viable et bénéficiaire pour qu’elle soit cédée à des investisseurs privés bénéficiant de la sollicitude des gouvernants ? Un équilibre doit être établi en la matière. Il s’agit d’intéresser les gestionnaires et les collectifs de travailleurs à l’accès au capital de leur entreprise par la rémunération en cas de bons résultats en stock-options ou en parts de capital.
Roumadi Melissa