Privatisation du CPA : Un oeil sur les créances des «dignitaires»
Privatisation du CPA
Un oeil sur les créances des «dignitaires»
par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 20 janvier 2008
Le Crédit populaire d’Algérie est appelé à se débarrasser de ses lourdes créances douteuses «en les apurant selon une option décidée» pour permettre aux autorités compétentes de relancer l’opération de sa privatisation.
Ces derniers temps, des échos des milieux financiers laissent entendre que le président de la République a, en personne, demandé à ce qu’il soit trouvé une solution aux lourdes créances que le Crédit populaire algérien (CPA) traîne comme un boulet. Il est dit, à cet effet, que Bouteflika veut qu’un compromis soit trouvé pour que les bénéficiaires des crédits de très hauts niveaux puissent les rembourser et pour que la privatisation de cet établissement financier soit menée sérieusement. Le président doit, cependant, savoir qu’il n’existe pas beaucoup de solutions pour rembourser une banque. «Soit, les bénéficiaires remboursent complètement leurs crédits et que s’ils voulaient le faire, ils l’auraient déjà fait, soit qu’ils remboursent par dose, sur la base d’un échéancier ou alors que l’Etat leur efface l’ardoise», nous dit une source fiable.
L’effacement est une option que le président, dit-on, rejette d’une manière catégorique. Reste l’échéancier pour un remboursement partiel, à chaque fois que c’est possible, et là, ce sont les repreneurs éventuels qui, selon nos sources refuseraient de prendre le passif en charge.
«Enfin, on sait que les repreneurs étrangers refusent de reprendre à leur compte des créances douteuses», nous dit-on. En effet, des sommes colossales auraient été, selon nos sources, octroyées à des «dignitaires» qui n’ont jamais pensé, selon la pratique courante chez «ces gens-là», à les rembourser. «Il serait préférable pour le pays et pour l’économie nationale que ceux qui ont des dettes vis-à-vis des banques d’en rembourser la totalité sinon l’Etat devra procéder et ce, -quelle que soit la situation- à la saisie de leurs biens», nous souligne-t-on. Pour l’instant, on est loin d’une option de saisie des biens même si, nous dit-on, «on y pense sérieusement».
Ce qui est sûr, c’est que les analystes avertis ne croient pas du tout au gel de la privatisation du CPA à cause des conséquences des subprimes, crise que les Etats-Unis vivent depuis quelque temps».
«LE COCHE, NOUS L’AVONS RATE AVEC LA CITY BANK»
«Pourquoi ce sont seulement les établissements financiers algériens qui encaissent le coup et que ces subprimes n’ont pas d’effets sur ceux des pays voisins?», s’interrogent les financiers. Ces derniers notent, à cet effet, que la Tunisie vient de vendre la banque tuniso-koweitienne à la caisse d’épargne française, la compagnie «Ecureuil» que détient un très grand groupe financier actionnaire y compris dans la poste.
«Le coche, nous, nous l’avons raté avec la City Bank, l’une des plus grandes banques dans le monde, elle a soumissionné pour l’achat du CPA mais elle a vu que l’opération traînait en longueur alors qu’il fallait, tout de suite, trancher en sa faveur pour «le poids qu’elle a et pour ce qu’elle pourrait apporter de positif au secteur financier», nous dit-on de sources proches du ministère des Finances.
L’on souligne, à ce propos, que «c’est pour la première fois que l’américaine la City Bank voulait acheter une banque à réseau, c’est le meilleur signal qu’on pouvait jamais avoir».
Les hésitations des décideurs ont laissé le temps s’écouler pour que les soumissionnaires, parmi plusieurs banques de renommée mondiale, se retirent l’un après l’autre. Lasse d’attendre et voyant que l’option de cession penchait plutôt vers les Français, la City Bank commençait à désespérer. Son retrait de la liste des soumissionnaires était donc dans l’air. Les conséquences de la crise des subprimes l’ont presque tranchée à sa place. Elle a décidé de se retirer après les avoir, elle-même, subies.
«La City Bank, c’est normal qu’elle le soit parce qu’elle a acheté des créances, mais le CPA, comment peut-il être touché, les Etats-Unis, c’est tellement loin», relèvent nos sources.
Les analystes expliquent que les banques internationales ont subi les effets des subprimes parce que lorsqu’il est question de crédits hypothécaires, «c’est tellement juteux et ça gonfle les gains que les banques se rachètent entre elles les créances». Mais pour cette fois, les Etats-Unis vivent une crise économique à cause de la hausse du prix du pétrole dont les conséquences ont touché toute la pyramide des prix des autres produits, l’inflation n’ayant pas manqué à ce rendez-vous «dépressif», les prix de l’immobilier ont dégringolé empêchant ainsi le remboursement des créances détenues.
Il est connu que dans ce cas, il est fait de l’anticipation à la baisse, «donc l’achat de l’immobilier est retardé le plus possible, ce qui provoque inévitablement la perte de la valeur de la garantie du crédit». C’est ainsi, relèvent les analystes que «les banques qui ont acheté des créances se sont retrouvées avec des problèmes, c’est comme un château de cartes, et tout est arrivé en même temps».
«QUE DIEU NOUS PRESERVE DE CE QUI VA SE PASSER EN 2008!»
Et de se (ré)interroger: «en quoi cela pourrait toucher l’Algérie ou le CPA?» A propos du niveau des créances douteuses détenues par le CPA, un financier répond «il y a tellement de zéros que je n’ose pas en donner le montant». Le reste est facile à deviner. L’on signale que l’opération de privatisation du CPA devait être bouclée, il y a déjà une année. Plusieurs banques étrangères s’étaient engagées dans la course du rachat d’une partie de son capital. L’on compte la Société générale, BNP, Banco Santander, la City Bank et CALYON, appellation donnée après l’achat du crédit lyonnais par le crédit agricole. CALYON était, selon nos sources, en pôle position pour racheter le CPA «parce que ça devait coïncider avec la visite de Sarkozy en Algérie, mais il se trouve que des groupes d’influence ont préféré arrêter l’opération pour d’autres raisons bien plus différentes».
Du côté du ministère des Finances, on se plaît à répéter que «l’opération de la privatisation du CPA n’est que suspendue, elle va être reprise là où on l’a arrêtée quand les choses iront mieux». Pour qui, pourquoi? Avant ou après l’élection présidentielle d’avril 2009?
En tout cas, il faut croire que l’année 2008 se prête à toutes les négociations de quelque nature qu’elles soient. «Que Dieu nous préserve de ce qui pourrait se passer durant cette année 2008!» s’est exclamé, l’autre jour, un haut responsable à la présidence de la République.