La Banque d’Algérie met la Housing Bank, la Citibank, la Trust Bank… au box des accusés

Elle a déposé de nombreuses plaintes pour infractions aux changes et aux mouvements des capitaux

La Banque d’Algérie met la Housing Bank, la Citibank, la Trust Bank… au box des accusés

Par Hasna Yacoub, La Tribune, 23 Avril 2008

Les affaires mettant au box des accusés des banques privées se suivent et se ressemblent devant les tribunaux d’Alger. Hier, au tribunal de Bir Mourad Raïs, les représentants de cinq banques privées ont été entendus après le dépôt de plaintes de la Banque d’Algérie pour «infractions à la législation en vigueur». Et ces plaintes de la Banque d’Algérie sont de plus en plus nombreuses depuis quelques mois déjà.
D’ailleurs, un avocat de la défense, lors de sa plaidoirie, n’a pas manqué de révéler que le montant total des amendes exigé par la Banque d’Algérie dans l’ensemble des affaires qui l’opposent à ces banques est aux alentours de 2 milliards de dollars ! L’avocat de la Banque d’Algérie est clair à ce sujet. Il ne s’agit, à son avis, pour la Banque d’Algérie que de l’application de la loi dans toute sa rigueur : «Nous ne cherchons pas à savoir si un préjudice a été causé à la Banque d’Algérie, à partir du moment qu’il y a eu infraction à la législation. La loi est claire là-dessus et l’infraction aux changes et aux transferts des capitaux, comme c’est le cas aujourd’hui pour toutes ces banques, est punie par la loi 96/22. Seule la section pénale d’un tribunal et sur plainte du gouverneur peut trancher dans ces cas-là».
Hier, le P-DG de la Citibank et son chargé des opérations ont tenté d’expliquer à la présidente de séance que la plainte déposée par la Banque d’Algérie est infondée et qu’il ne s’agit nullement d’infraction à la législation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger. L’avocat de la partie plaignante avait mis en exergue, juste auparavant, le fait que la Citibank avait, dans le traitement de six dossiers, demandé le transfert de montants qui se sont avérés, lors d’un contrôle, supérieurs aux factures justificatives. «Les factures existent mais elles n’étaient pas toutes récupérées des différents services de la banque au moment du contrôle. Le représentant de la Banque d’Algérie s’est empressé de déposer plainte alors que nous leur avons fait parvenir les documents quelques jours auparavant. Nous les avons même présentés au juge d’instruction lors de notre audition», ont affirmé les deux mis en cause. Leur défenseur a tenté d’expliquer que toute cette affaire n’avait pas lieu de passer devant un tribunal et qu’elle relève des prérogatives de la commission bancaire. «Quel est le préjudice causé ?» demande l’avocat de la Citibank. Cette affaire est administrative. Et d’ajouter : «Nous ne devons pas être ici devant vous, madame la juge. Nous ne sommes là qu’à cause de la précipitation de la Banque d’Algérie de déposer des plaintes après un scandale tapageur. Pourtant, il y a des réputations à préserver.» Loin de laisser passer les allusions faites sur la mise en cause de la responsabilité de la Banque d’Algérie dans le scandale Khalifa, l’avocat de la partie plaignante a répliqué : «Nous n’avons pas besoin d’enregistrer un préjudice pour demander à ce que la loi soit respectée. Les inspecteurs de la Banque d’Algérie sont tenus de signaler toute infraction et le gouverneur est dans l’obligation de déposer plainte. Quant à la préservation de la réputation, il suffit pour celui qui y aspire de respecter la loi. C’est la règle du jeu.» La prise de bec entre les robes noires se poursuit et le défenseur de la Citibank ne manquera pas de relever que la pluie de plaintes déposées par la Banque d’Algérie risque d’être «une catastrophe pour l’économie nationale». «C’est une catastrophe pour votre client et non pour l’économie nationale parce que, quand les bénéfices se récoltent, c’est dans les caisses de la Citibank qu’ils y vont.» En application de l’article 5 de la loi, l’avocat de la Banque d’Algérie a plaidé pour une amende équivalente à quatre fois le montant des transferts de capitaux des six dossiers mis en cause. Ce qui représente plus de 335 millions de dinars algériens. Le procureur appuiera cette plaidoirie en faisant la même demande. Le P-DG de la Citibank demandera à dire un dernier mot qui se résumera en une phrase : «On est en train de déstabiliser le système bancaire algérien.» L’affaire opposant la succursale de la Trust Bank de Sétif à la Banque d’Algérie a succédé à celle de la Citibank. Il s’agit, pour cette deuxième affaire, de trente-six opérations avalisées par la Trust Bank en l’absence des documents douaniers (D10), ce qui est contraire à la loi. Le mis en cause dans ce procès a expliqué à la juge que ces opérations ne sont en fait que des séquelles de la fermeture de certaines banques : «Il s’agit d’opérations que nous avons reprises après la liquidation de certaines banques. La Banque d’Algérie a donné une dérogation spéciale à ces clients qui étaient domiciliés dans des banques mises en liquidation pour pouvoir poursuivre leur transaction à notre niveau. Les documents manquants dont fait état aujourd’hui la Banque d’Algérie ont été déposés au niveau de ces banques.» Ces explications seront contredites encore une fois par l’avocat de la Banque d’Algérie qui affirme que la Trust Bank était tenue de respecter la procédure et d’exiger des services des Douanes de lui remettre une copie du D10. Dans cette affaire, la Banque d’Algérie a demandé une amende de 595 millions de dinars algériens.
Le représentant du ministère public a, quant à lui, exigé l’application de la loi qui prévoit un montant de l’amende de quatre fois supérieur que la somme des transferts effectués pour toutes les opérations mises en cause. Une autre affaire de la Housing Bank est également passée devant le tribunal de Bir Mourad Raïs, alors que celle de la BNP Paribas a été renvoyée. Toutes ces affaires ont été mises en délibéré et le verdict est attendu pour le 6 mai prochain. Ce qu’il faut peut-être retenir de ce défilé de procès, c’est sûrement qu’il est plus qu’urgent en Algérie de revoir de fond en comble le système bancaire dans notre pays.

H. Y.