“Notre avenir énergétique n’est pas dans le nucléaire”
Baghdad Mandouch, expert en énergie
“Notre avenir énergétique n’est pas dans le nucléaire”
Liberté, 15 octobre 2017
Le leader russe de l’énergie nucléaire, Rosatom, a signé, la semaine dernière à Alger, en marge de la visite de Dmitri Medvedev, un protocole d’accord sur la coopération dans la formation relative à l’industrie et l’énergie nucléaires. Un premier accord intergouvernemental dans le domaine de l’énergie nucléaire pacifique a été signé, en septembre 2014, entre les deux pays. Un mois plus tard, Rosatom avait entamé des consultations avec l’Algérie sur un projet de construction de centrale nucléaire.
L’Algérie prévoit la mise en place d’une première centrale nucléaire d’ici à 2025 et une nouvelle centrale tous les 5 ans. Le pays dispose de réserves d’uranium d’environ 29 000 tonnes, ce qui permettrait à deux stations d’une capacité de 1 000 mégawatts de fonctionner, chacune, pendant 60 ans. Ces quantités ne semblent, cependant, pas présenter un grand potentiel devant permettre au pays de réaliser de grandes centrales nucléaires. Baghdad Mandouch est expert en énergie. Il nous livre un aperçu complet sur la question, estimant en effet que l’Algérie, ne disposant que de 29 000 tonnes d’uranium découverts, ne peut faire du nucléaire une énergie d’avenir. Tout en rappelant que la durée de vie d’une centrale ne dépasse pas 40 ans, Mandouch révèle, à titre comparatif, que nos réserves en uranium sont dix fois inférieures à celles que possède le Niger.
De plus, dit-il, nos organismes chargés du nucléaire n’ont ni les compétences ni l’expérience pour pouvoir exploiter l’uranium et gérer une centrale nucléaire. Néanmoins, le pays peut engager des projets dans ce domaine en s’appuyant sur le partenariat, comme il le fait avec la Russie, mais également avec d’autres pays. Il reste, cependant, des efforts considérables à consentir pour pouvoir mobiliser des investissements très lourds dans le nucléaire. Aussi, a-t-il affirmé, notre avenir énergétique reste principalement lié au gaz et accessoirement à l’énergie solaire ou à l’hybride (gaz/solaire). L’expert rappelle que les technologies s’améliorent au fil du temps, rendant compétitive l’énergie électrique issue du solaire. Celle-ci pourrait même faire concurrence à celle produite à partir du fossile polluant. Mandouch remonte par ailleurs le temps, soulignant que la coopération en matière de nucléaire civil avait débuté en 1981 avec un accord que l’Algérie avait conclu avec la Chine.
En 2008, le pays avait signé un accord avec l’Argentine. Il envisageait également la construction de centrales en collaboration avec la France, les États-Unis et la Fédération de Russie, avec des projections de mise en service à l’horizon 2020. Mais, il n’y a eu rien de fait. Le sentiment antinucléaire s’est développé après la catastrophe de Fukushima. Il était plus intense que celui généré par le drame de Tchernobyl en 1986.
Quel avenir pour le nucléaire dans le monde ? L’expert en énergie explique qu’effectivement l’accident de Fukuschima, le 11 mars 2011, a relancé le débat sur le nucléaire civil. Faut-il le remettre en cause, pour autant ? Pour Baghdad Mandouch, il y a eu certes discussion autour de ce dossier, mais les intérêts des pays utilisant le nucléaire civil ont pris le dessus. Et c’est l’option de la recherche et développement ainsi que l’amélioration de la technologie qui est privilégiée pour l’avenir. Car, poursuit-il, l’énergie est une affaire de souveraineté nationale et aucun pays au monde n’accepte indéfiniment de dépendre d’autres pays pour sa sécurité énergétique.
Youcef Salami