Quel avenir pour le nucléaire en Algérie ?
Il y a 67 ans, deux bombes atomiques meurtrissaient le Japon
Quel avenir pour le nucléaire en Algérie ?
El Watan, 11 août 2012
A l’heure où le Japon commémore dans la douleur et la contrition le triste anniversaire de l’explosion des bombes nucléaires américaines dans les villes d’Hiroshima et Nagasaki, il serait sans doute utile de s’interroger sur l’avenir du nucléaire en Algérie.
Le drame d’Hiroshima avait valeur de test ayant permis d’ouvrir la voie au programme nucléaire civil et militaire.
En Algérie, les réserves prouvées d’uranium sont de l’ordre de 29 000 tonnes. Le pays nourrit l’ambition de mettre en œuvre son programme nucléaire pacifique, afin de couvrir ses besoins énergétiques. Une initiative qui semble aller à contre-courant de la tendance mondiale et des cris d’alarme internationaux appelant à l’abandon du nucléaire.
C’est que l’atome a toujours été un rêve porté par tous les dirigeants algériens qui se sont succédé à la tête de l’Etat. Notre pays possède deux réacteurs nucléaires : El Nour à Draria (2 mégawatts) et El Salam à Aïn Oussera (15 mégawatts) inspectés régulièrement par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour s’assurer qu’il n’y a aucune velléité à développer l’arme atomique.
Le business de l’atome
Inauguré en 1993, le réacteur El Salam, d’une puissance de 15 mégawatts, a été construit avec l’aide des Chinois. Les services secrets espagnols avaient établi un rapport, en 1998, soulignant que les installations algériennes étaient en mesure de produire du plutonium de type militaire. Les démentis d’Alger n’ont pas convaincu l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) qui affirmait dans un rapport que «le programme nucléaire algérien et la volonté de l’Algérie de se doter de la bombe atomique préoccupent au plus haut point le département d’Etat américain».
Aujourd’hui, la diversification des partenaires en matière de coopération nucléaire civile semble rassurer les grandes puissances. Au final, le business aura pris le dessus sur les suspicions. Des Etats, d’ordinaire prompts à dénoncer la volonté algérienne de développer l’atome, n’ont pas hésité à signer des contrats pour le développement du nucléaire civil. En juin 2007, Alger et Washington signaient un accord de coopération nucléaire civil, principalement dans la recherche scientifique avec le Sister Laboratory. En Algérie, le nucléaire civil est destiné généralement à des projets de recherche dans les secteurs de la santé, de l’agriculture et de l’eau.
Un «diable nécessaire» ?
L’argument des défenseurs de l’atome consiste dans le fait qu’il serait le «diable nécessaire», indispensable pour assurer le développement économique et l’approvisionnement en électricité. Une thèse récemment démentie par le pays le plus traumatisé par le nucléaire, le Japon. Le ministre japonais de l’Industrie a jugé, le 7 août dernier, lors des cérémonies de recueillement à la mémoire des victimes de la bombe nucléaire, «envisageable que le Japon se passe complètement d’énergie nucléaire à partir de 2030», sans que cela porte préjudice à l’économie du pays. Le gouvernement nippon planche actuellement sur la définition d’un nouveau bouquet énergétique.
C’est que le sentiment antinucléaire qui s’est développé après la catastrophe de Fukushima était plus intense que celui généré par le drame de Tchernobyl en 1986. Dans notre pays, peu de voix s’élèvent pour condamner l’atome. Alors que de nouvelles centrales devraient voir le jour d’ici à 2020, de nombreuses questions sur le programme algérien restent posées. L’Algérie, pays sismique, est-il à l’abri de catastrophes telles que Fukushima ? Que fera-t-on des déchets rejetés par les centrales nucléaires ? Peut-on se passer du nucléaire ? Pourquoi ne pas miser sur les énergies renouvelables, sachant que le pays dispose d’une des plus grandes réserves d’énergie solaire au monde ? Le Japon, pays deux fois traumatisé ayant subi le feu nucléaire et l’accident navrant, est un cas d’école.
Les autorités de Tokyo ont beau assurer que personne n’était directement mort des radiations libérées par la fonte du combustible des réacteurs de Fukushima, beaucoup de ceux qui ont fui la région vivent toujours avec la peur nucléaire au ventre.
Le marché du nucléaire ralenti après Fukushima
Le marché nucléaire mondial se nourrit de la perspective de voir la demande en électricité doubler d’ici à 2035 et de la nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.La catastrophe de Fukushima a néanmoins ralenti le marché. L’Allemagne a créé l’événement en 2011, en annonçant l’abandon de l’atome.
La Suisse, elle, ne construira plus de réacteur de deuxième génération. Quant à la Belgique, elle étudie une alternative au nucléaire, tandis que l’Italie ne fera pas de retour au nucléaire, dont elle est sortie en 1986, après Tchernobyl.
Le groupe français Areva estime, dans un document de présentation de ses résultats du premier semestre 2011 publié le 27 juillet, que le parc nucléaire mondial devrait croître en moyenne de 2% par an d’ici à 2030 pour atteindre 584 gigawatts (GW), contre 378 GW en 2010.Dans ses précédentes prévisions, en 2009, Areva tablait sur 659 GW installés en 2030. Il reste encore plus de trente pays, dont l’Algérie, qui ont confirmé leur engagement dans l’atome.
Iran, la guerre du nucléaire aura-t-elle lieu ?
La ténacité de l’Iran à vouloir acquérir l’arme nucléaire agace au plus haut point les puissances occidentales.Ce que les médias occidentaux qualifient de «crise nucléaire iranienne» pourraient, si toutes les voies pacifiques sont épuisées, aboutir à un conflit majeur de ce début du XXIe siècle.«Il s’agit de dire très clairement que les Iraniens ne seront jamais en mesure d’avoir l’arme atomique», a affirmé le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, après une rencontre à Jérusalem avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.
«S’ils décident de poursuivre sur cette voie (…), nous avons des options que nous sommes prêts à mettre en œuvre pour nous assurer qu’ils n’auront jamais cette arme», a-t-il ajouté. M. Netanyahu, écrivent les agences de presse occidentales, n’a pas paru totalement rassuré par ces déclarations.
Selon l’AFP, les Etats-Unis auraient informé Israël qu’ils envisageaient une option militaire contre l’Iran en cas d’échec des négociations.
France : appels à lever le secret-défense sur les essais nucléaires en Algérie
Le dossier des activités nucléaires de la France dans le Sahara algérien remonte à la surface dans les débats politiques français, ces dernières semaines.
Une expertise française a établi l’existence d’un «lien vraisemblable» entre les essais nucléaires français et certaines maladies. Si la législation française a prévu une indemnisation des soldats français touchés par les radiations, des centaines de victimes algériennes sont restées sur le carreau. Yannick Jadot, député européen d’Europe-Ecologie Les Verts, a plaidé pour la levée du secret-défense sur les essais de Reggane et d’In Ekker.
Il est, d’après lui, important d’ouvrir ces archives parce qu’elles contiennent les informations qui permettraient de localiser le matériel laissé sur place, les déchets radioactifs.«Des personnes vivent toujours à proximité de zones contaminées.
Ouvrir ces archives serait l’occasion de tourner une nouvelle page de notre histoire avec l’Algérie», a-t-il plaidé dans un entretien publié dans le journal Libération, ajoutant que «les victimes doivent savoir ce qui s’est passé exactement.
Et la France a la responsabilité de dépolluer ces sites et d’assurer le suivi sanitaire des personnes touchées par les radiations. C’est son héritage, elle doit l’assumer».
Amel Blidi