Essais nucléaires français: L’Aven appelle à la modification de la loi sur l’indemnisation des victimes

Essais nucléaires français effectués en Algérie et en Polynésie

L’Aven appelle à la modification de la loi sur l’indemnisation des victimes

Par : Farid Abdeladim, Liberté, 20 octobre 2013

L’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) relance le débat sur la loi Morin de 2010 sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français effectués successivement en 1960 et 1966 dans le Sahara algérien et en 1966 et 1998 en Polynésie. Dans un communiqué sanctionnant son assemblée générale tenue les 12 et 13 octobre, repris par l’APS, l’Aven lance, désormais, un appel pour “la modification” de ladite loi. L’association regrette que malgré les rapports de l’Assemblée et du Sénat français “sans équivoque quant à l’échec” de l’application de la loi Morin qui “n’indemnise quasiment personne”, le ministre de la Défense reste “totalement sourd à toute suggestion, quelles qu’en soient les origines”.

Elle demande, par conséquent, aux parlementaires de modifier la loi selon les propositions déjà déposées au Sénat et à l’Assemblée, notamment “la prise en compte de la contamination et de la présomption de causalité stricte pour tout le personnel civil et militaire et la redéfinition de la zone d’exposition aux radiations dans le Sahara algérien”. L’Aven revendique, par ailleurs, de confier le dossier d’indemnisation des victimes au Premier ministre au lieu du ministre de la Défense ainsi que d’offrir à tout demandeur d’indemnisation ou à ses ayants droit la possibilité de consulter ou d’obtenir de l’administration une copie conforme provenant des archives afférentes aux essais nucléaires français effectués dans le Sahara algérien et en Polynésie française. Ces documents sont, selon l’Aven, communicables à l’administration ou aux juridictions compétentes à l’appui de la demande d’indemnisation ou du recours juridictionnel contre la décision de rejet éventuel. Depuis sa mise en application, la loi Morin (du nom de l’ex-ministre français de la Défense Hervé Morin) est constamment critiquée par le mouvement associatif. De par les critères rigoureux qu’impose cette loi pour les demandeurs d’indemnisation, elle est loin de satisfaire ces derniers, pour ne pas dire qu’elle n’indemnise quasiment pas. Dans ce sens, un rapport du Sénat français, publié début octobre, affirmait que cette loi a connu depuis 2010 une application “poussive, loin des objectifs” que le législateur s’est assignés. Les sénateurs-rapporteurs ont révélé qu’au 24 juin dernier, seuls 840 dossiers avaient étés déposés et 11 indemnisations avaient été accordées, signalant que les projections, qui faisaient état de dizaines de milliers de demandes et de 2 000 à 5 000 dossiers indemnisables, sont “loin d’être atteintes”. L’actuel président français, François Hollande, n’ignore pas cette réalité. “Cette loi n’a certainement pas été appliquée avec la détermination nécessaire”, avait-il reconnu à l’occasion de sa visite en Algérie, décembre 2013. Au courant de ce même mois, rappelons-le, 32 dossiers algériens ont été rejetés par la commission ad-hoc mise sur pied à la faveur de la loi Morin, car jugés incompatibles avec cette dernière. Ils ont été refusés au motif que les pathologies déclarées ne rentrent pas dans le cadre de la loi. La France avait effectué son premier essai nucléaire en Algérie, une véritable bombe atomique nommée Gerboise bleue, exactement le 13 février 1960, dans la région de Reggane. Plus d’un demi-siècle après, ce désastre écologique et humain ne cesse d’affecter la population locale. En effet, plusieurs types de maladies, dont les cancers radio-induits, continuent de faire des ravages dans cette région qui tarde toujours à être décontaminée. Cependant, les appels récurrents du mouvement associatif, aussi bien au niveau national qu’international, pour la décontamination des territoires irradiés et la prise en charge des victimes, ne trouvent toujours pas d’écho.