Le NEPAD boude la Convention contre la corruption

LES CINQ PAYS DU COMITE DIRECTEUR NE L’ONT TOUJOURS PAS RATIFIÉE

Le NEPAD boude la Convention contre la corruption

Le Soir d’Algérie, 23 novembre 2004

La Convention de l’Union africaine de prévention et de lutte contre la corruption et les crimes assimilés a été adoptée par les chefs d’Etat africains présents au sommet de Maputo au Mozambique en juillet 2003. Si le processus de signature de la Convention n’avait pas débuté lors de ce sommet, c’est parce qu’officiellement les chefs d’Etat ont déclaré que l’ordre du jour des travaux était très chargé et que ce n’était que partie remise.
Ce qui s’apparentait déjà à l’époque comme une volt-face avait laissé perplexes nombre d’observateurs au fait des questions internationales de lutte contre la corruption. L’Union africaine essayera plus tard de rattraper ce couac en s’alignant sur le calendrier des Nations unies qui adoptera sa convention en octobre 2003 tout en lançant officiellement les signatures du 9 au 11 décembre 2003 à Merida, au Mexique. Mais là aussi ce ne fut pas la ruée des pays africains sur les signatures au siège de l’Union africaine à Addis Abéba. Plus grave encore, 16 mois après l’adoption de la Convention africaine à Maputo, seuls 5 pays africains l’ont ratifiée (à la date du 10 octobre 2004), à savoir les Comores, la Libye, Madagascar, la Namibie et le Rwanda ! Pour rappel, la Convention ne pourra entrer en vigueur qu’à l’issue du dépôt de 15 ratifications. Nous sommes encore très loin du compte. Si 32 pays africains l’ont signée à ce jour, l’étape la plus importante reste la ratification du document par les pays signataires et surtout l’adaptation de leurs lois nationales aux dispositions de la Convention. Or les pays membres de l’Union africaine ne semblent pas manifester un engouement particulier pour la mise en ouvre de cette convention. On en veut pour preuve le très faible nombre de ratifications à ce jour, et à voir de près la liste des pays qui l’ont déjà fait (énoncée plus haut), aucun des 5 pays fondateurs et animateurs du NEPAD ne figure dans cette très courte liste, pays qui en sont les membres du comité directeur, à savoir : l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Egypte, le Nigeria et le Sénégal. Visiblement, ils ne donnent pas l’exemple à leurs pairs en tant que parrains du NEPAD. Ne se sentent-ils pas concernés ou ont-ils décidé de bouder cette convention, d’un commun accord ? Par contre pour la Convention des Nations unies contre la corruption adoptée pourtant quelques mois après celle de l’Union africaine, sur 113 pays qui l’ont signée, on en a 31 d’Afrique. Sur cette liste de 31 pays africains, 7 l’ont ratifiée (Algérie, Bénin, Kenya, Madagascar, Namibie, Sierra Leone et Ouganda) sur 10 pays hors Afrique et membres des Nations unies qui l’ont fait. Il faut quand même relever, malgré le peu d’engouement là aussi (notamment par les pays du Nord de la planète) que les pays africains sont pour le moment largement majoritaires dans les ratifications de la Convention des Nations unies, mais là aussi presque pas de pays animateurs du NEPAD : seule l’Algérie sur les 5 pays parrains de l’initiative l’a fait. A signaler que deux pays africains se singularisent par rapport aux pays membres de l’Union africaine (plus d’une cinquantaine), en ayant ratifié les deux conventions – africaine et onusienne, contre la corruption : Madagascar et la Namibie. Faut-il préciser que la Convention africaine est plus contraignante que celle des Nations unies. Cette dernière est plus permissive et donne aux pays qui la mettront en vigueur plus de souplesse et une marge de manouvre assez large. Contrairement à celle des Nations unies, la Convention africaine introduit plus de rigueur dans les mécanismes de contrôle et de suivi d’application. Cela explique certainement en grande partie le peu d’empressement des pays d’Afrique, dont ceux qui dirigent le NEPAD, et l’extrême lenteur dans le processus de ratification. A ce rythme, il est à craindre que les 15 ratifications nécessaires à son entrée effective en application ne soient atteintes qu’en 2006 ou jamais atteint ! Est-ce à dire que cette convention, pourtant adoptée lors d’un sommet des chefs d’Etat africains, est déjà lettre morte ? Il a fallu plusieurs années aux experts de l’ex-OUA pour l’élaborer et la faire adopter lors du sommet de Maputo, au Mozambique. Cette convention fait visiblement peur aux pays africains. Alors, leur a-t-elle été imposée par le G8 et les institutions financières internationales, et ils n’en veulent pas ou plus ? Nombre de gouvernements africains considèrent même que cette « croisade » mondiale pour la lutte contre la corruption est le nouveau complot des pays riches contre les pays pauvres, à l’image, selon eux, de ce qu’était la question de la violation des droits de l’homme dans les années 90. Et pourtant la lutte contre la corruption est inscrite dans les termes fondateurs du contrat du NEPAD, mais il est vrai au titre des « engagements des Etats du Nord » (!) où figure cette notion : « Mettre en place des mécanismes coordonnés de lutte contre la corruption et s’engager à rendre à l’Afrique tous les gains provenant de ces pratiques ». Est-ce que la lutte contre la corruption figurera à l’ordre du jour de la réunion des chefs d’Etat du NEPAD, qui s’ouvre aujourd’hui à Alger ? Peu probable, ce qui ne fera qu’aggraver le discrédit sur l’initiative du NEPAD. Pour rappel, les pays africains sont très mal classés dans l’indice de perceptions de la corruption pour 2004 de Transparency International, indice annuel rendu public le 20 octobre dernier (voir Le Soir d’Algérie paru le 23 octobre 2004). Sur 36 pays africains qui y figurent (sur 146 pays classés), 22 dont l’Algérie obtiennent un score inférieur à 3 sur 10, ce qui signifie un très haut niveau de corruption dans ces pays, le Nigeria clôturant la liste africaine avec la note désastreuse de 1,6 et la 144e place !
Djilali Hadjadj