NEPAD: L’appel d’Alger

 

NEPAD

L’appel d’Alger

 Le Quotidien d’Oran, 24 novembre 2004

Le rendez-vous africain d’Alger aura permis aux présidents algérien et nigérian de lancer un appel solennel aux Etats africains pour s’initier à la bonne gouvernance.

L’appel a été lancé hier à partir de l’hôtel Sheraton d’Alger, où a eu lieu la 2ème session du forum des chefs d’Etat et de gouvernement du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP). Ce sont pas moins de 19 pays qui étaient présents à ce rendez-vous.

Que ce soit le président nigérian Olsegun Obasanjo ou le président Bouteflika, ils ont tous les deux axé leur allocution sur l’importance de ce mécanisme qu’ils qualifient d’unique en son genre à travers le monde. Décidé en février 2004 à Kigali, le MAEP ne doit concerner que les pays qui choisissent de se faire évaluer par leurs pairs. L’on insiste pour dire ainsi que l’adhésion à ce mécanisme se fait d’une manière volontaire. Et ce sont les chefs d’Etat eux-mêmes qui sont responsables des évaluations qui doivent être faites.

24 pays y ont déjà adhéré, dont quatre ont accepté de se faire évaluer. «Avec le lancement de l’étape nationale du processus d’évaluation dans plusieurs pays, ces développements témoignent de la forte détermination de l’Afrique à traduire dans les faits son engagement à améliorer avec constance la qualité de ses modes de gouvernance, confortant ainsi la crédibilité du NEPAD et celle des pays africains dans leur volonté d’atteindre leur objectif de développement et d’unification de leur continent», a souligné hier le président Bouteflika à l’ouverture du forum.

Il rappelle que «le panel d’éminentes personnalités africaines a pu, en un laps de temps très réduit, apporter une contribution efficace à la mise en place des structures et à la définition des règles et procédures du mécanisme». Le programme initié dans ce cadre couvre la période allant de 2004 à 2006. Bouteflika fait part de sa satisfaction quant «aux premières interventions du panel sur le terrain et ses missions dans quatre pays membres». Il s’agit, pour rappel, du Ghana, du Rwanda, du Kenya et de l’île Maurice.

Le chef de l’Etat estime important «de mettre en place à l’échelon national une structure adéquate et représentative à même d’organiser des processus participatifs et équilibrés associant les principaux acteurs de la société civile et une organisation efficace de la collecte et de la dissémination d’informations». Il note que l’Algérie a déjà installé un groupe de travail chargé de lancer les préparatifs pour l’élaboration du rapport national d’évaluation et du programme préliminaire d’action. Elle est aussi candidate pour être évaluée par ses pairs au début de l’année 2005. «La consultation, la concertation, la participation et la transparence, faut-il le rappeler, sont les valeurs qui se situent à la base même de nos traditions communes et qui servent naturellement de fondements à la renaissance de l’Afrique», a déclaré Bouteflika.

Le financement nécessaire à la mise en oeuvre de ce mécanisme a aussi retenu l’attention des chefs d’Etat africains réunis hier à Alger. «Il est certain que le fonctionnement du mécanisme doit reposer sur un financement adéquat, assurant à la fois ses activités et son indépendance et garantissant son caractère africain», avait souligné le président Bouteflika dans son allocution d’ouverture du forum. Il estime «essentiel que les pays membres apportent leur appui financier à cet instrument s’ils veulent donner tout son sens au concept d’appropriation». Ajoutant que «ceci ne nous empêchera pas de rechercher des ressources additionnelles auprès des organisations et institutions africaines publiques et privées et des partenaires au développement». Bouteflika qualifie «la formule qui est en cours d’examen, de mise en place d’un fonds d’affectation spéciale auprès du programme des Nations unies pour le développement», de moyens «susceptibles de mobiliser de telles contributions et d’en garantir l’usage». «En nous dotant d’un mécanisme crédible d’évaluation par les pairs, qui stimule nos efforts d’amélioration de la gouvernance, nous adressons également au monde un signal fort quant à notre volonté d’éloigner à jamais le spectre de la marginalisation», avait ajouté le chef de l’Etat.

Il conclura son allocution en soulignant «qu’en acceptant cette méthode, tout à fait inédite pour nous, d’évaluation par nos pairs de la situation dans chacun de nos pays, nous démontrons une volonté indéniable de progresser dans la voie de la bonne gouvernance et d’entraîner nos pays vers la pratique démocratique et le respect des droits de l’homme. Nul ne peut plus douter de notre engagement dans cette direction et de notre détermination à ne pas relâcher nos efforts pour y parvenir».

Ghania Oukazi

L’Afrique veut avoir les mains libres

Obasanjo a précisé, hier, que l’Algérie et le Nigeria ont, tous deux, accepté d’actionner le mécanisme pour l’évaluation de leurs situations respectives.

C’est lors d’un point de presse qui a duré à peine un quart d’heure que les deux Présidents, algérien et nigérian, ont fait part de leur décision de soumettre les situations respectives de leurs pays à évaluation par leurs pairs. Leurs propos ont été des réponses à trois seules questions qu’ils ont accepté qu’elles leur soient posées par un journaliste africain se présentant au nom d’une télévision «partenaire du NEPAD ».

«Lorsque nous avons décidé d’installer le MAEP, le premier signataire a été le Président Obasanjo et le second c’était le Président algérien», avait tenu à préciser le Président Bouteflika à ce sujet. «L’organisation du MAEP nous a programmés de cette manière, nous sommes disciplinés et nous sommes prêts à être évalués à n’importe quel moment», avait-il répondu à une question sur le fait que l’Algérie et le Nigeria n’ont pas été les premiers à s’inscrire à l’évaluation de leur situation.

Obasanjo annoncera aussi la candidature à l’application du MAEP de l’Afrique du Sud, du Mali, du Sénégal, de l’Ouganda et du Mozambique. «Il est important pour nous que ces pays soient évalués», dira le Président nigérian. Il fait remarquer que l’une des caractéristiques du mécanisme est de s’assurer que l’évaluation demandée soit profonde et détaillée. «C’est important pour l’Afrique et nous devons tous respecter cette évaluation», a-t-il noté. Mais Obasanjo n’a pas hésité à préciser que ce que prévoit le MAEP pour le continent africain «nous le faisions déjà au plan informel entre nous. Nous voulons donc officialiser ce que nous discutions entre nous». Il souligne à cet effet que «nous voulons nous soumettre à l’évaluation de nos performances par nous-mêmes aux plans politique, économique et social». Il est convaincu que c’est une bonne méthode pour «nous connaître entre nous, apprendre des choses sur nous pour en choisir ce qui nous paraît important». « (…) Car nous devons apprendre les uns des autres pour identifier et adopter les meilleures pratiques» avait dit Bouteflika avant lui. Obasanjo a fait savoir que le mécanisme intéresse beaucoup d’Etats africains de part l’importance qu’il revêt pour améliorer la gouvernance. Mécanisme à propos duquel, il en a discuté selon lui, pendant 5 heures, hier, avec Bouteflika et le Président égyptien Hosni Moubarak. «Nous sommes, par exemple, intéressés par ce que fait l’Egypte pour l’enseignement supérieur et on aimerait l’adapter chez nous», a-t-il dit. «Je repars avec 4 milliards de dollars que des chefs d’Etat ont accepté de donner au MAEP», a annoncé la présidente du panel des éminentes personnalités du MAEP, présente, hier, à la conférence de presse. Obasanjo, pour sa part, ajoutera que «lorsque nous étions réunis à Kigali, nous avons décidé de la mise sur pied d’un fonds où on verserait de l’argent, aujourd’hui nous avons eu 4 à 5 milliards de dollars d’une manière tout à fait démocratique mais ce n’est pas à un bailleur de fonds de nous dire ce que nous devons faire». Le président du forum du MAEP rappellera que le NEPAD est un partenariat entre l’Afrique elle-même et aussi avec le reste du monde. «Nous n’avons pas d’objection à ce que quelqu’un nous verse de l’argent mais nous n’accepterons pas qu’il nous dise ce qu’il faut faire», a tenu à préciser Obasanjo.

Ghania Oukazi

Des leçons à tirer

Le forum d’Alger a adopté, hier, un rapport d’avancement sur le Mécanisme africain d’évaluation, préparé par les soins du panel d’éminentes personnalités. Il y est fait état, en premier, du contexte dans lequel les Etats africains ont adopté le MAEP. Les rédacteurs rappelleront les principaux résultats et recommandations du sommet du forum du MAEP à Kigali au Rwanda en février 2004. Ils décriront le processus d’adhésion et évoqueront les pays qui y ont adhéré, les réunions du panel des éminentes personnalités constitué pour le compte du Mécanisme en question ainsi que la mise en oeuvre de son programme de travail. Il est aussi mentionné dans ce rapport les structures de gestion du processus au niveau national, les réalisations et les leçons apprises, la préparation au lancement du MAEP, la sensibilisation des parties prenantes, le questionnaire d’auto-évaluation, le programme d’action préliminaire, les contraintes liées aux capacités et le financement et disponibilité des ressources. «Il apparaît cependant évident que le cadre n’avait pas prévu un certain nombre de difficultés y compris la mise sur pied d’un dispositif institutionnel», est-il noté au titre «des leçons à tirer de la mise en oeuvre du MAEP».

«Il est temps de créer les conditions nécessaires pour que le MAEP puisse devenir institution indépendante. La légitimité de notre exercice dépend de son autonomie et son indépendance», écrit le panel dans son rapport. Il revendique aussi l’amélioration de la communication et la dissémination de l’information pour faciliter la mise en oeuvre durable et efficace du mécanisme. Le renforcement du consensus national «est un autre défi» qui se rapporte à la mise en place des structures nationales et à l’organisation des processus d’adhésion. Exigence du financement et faisabilité du programme de travail et calendrier sont deux autres points inscrits dans le rapport que le panel conclut par la désignation des activités pour les années fiscales 2004-2005 à 2006-2007. Y figurent l’accomplissement de 12 évaluations de pays, la conduite de 18 missions de soutien aux pays, l’évaluation de l’expérience tirée du processus d’évaluation des 4 premiers pays adhérents ainsi que l’organisation d’ateliers portant sur le partage d’expérience et l’apprentissage mutuel entre les pays participants y compris dans le contexte du forum africain du PNUD sur la gouvernance.

G. O.