Sidi Saïd dans la tourmente

Sidi Saïd dans la tourmente

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 12 février 2007

Abdelmadjid Sidi Saïd a reconnu, samedi, devant le tribunal de Blida, avoir rédigé un procès-verbal sanctionnant une réunion fictive du conseil d’administration de la CNAS. Bousculé, acculé par les questions de la présidente du tribunal et de l’avocat général, mais aussi confronté aux accablantes dépositions des autres responsables de la CNAS impliqués, le secrétaire général a finalement lâché cet aveu qui n’en fait plus, désormais, un simple témoin dans l’affaire Khalifa mais bel et bien un protagoniste de première grandeur.

C’est sur la base de ce faux procès-verbal que la caisse nationale de sécurité sociale a procédé au transfert de 10 milliards de dinars, du Trésor et des banques publiques, à Khalifa Bank. Opération qui a fait de la CNAS le plus important dépositaire de cette banque et par voie de conséquence la principale victime de sa faillite.

Comme s’y est engagée la présidente du tribunal, Sidi Saïd est certes, sorti de l’audience comme il y était entré, à savoir en tant que témoin. Mais l’implication directe de ce témoin maintenant avérée dans le processus qui aboutit à la perte sèche des fonds de la CNAS, va obliger la justice à reconsidérer le statut de l’intéressé dans l’affaire. Il ne peut en aller autrement pour la crédibilité du procès en cours. Il sera inconcevable que la cour ne tire pas conséquence de l’aveu fait par Sidi Saïd, à savoir lui signifier au moins les mêmes chefs d’inculpation que ceux qui valent aux autres responsables de la CNAS, de se retrouver au banc des accusés, devant le tribunal. Tout autre traitement qui serait réservé au patron de l’UGTA ne ferait que confirmer la présomption d’un procès auquel il a été interdit d’aller au fond de l’affaire Khalifa. Contrairement aux ministres et autres hauts fonctionnaires de l’Etat appelés à témoigner devant le tribunal, Sidi Saïd a été plus courageux en déclarant «assumer sa part de responsabilité». Celle-ci est, désormais, clairement établie et l’opinion publique ne peut comprendre et accepter qu’aucune suite ne lui soit réservée. Circonstance aggravante dans le cas Sidi Saïd, c’est que lui est le secrétaire général de l’UGTA, organisation dont le fonds de commerce est la «défense du secteur public».

Il n’a de par son statut aucune excuse à faire valoir dans la responsabilité qu’il a prise, sinon d’ordonner le transfert des fonds de la CNAS à la banque Khalifa, du moins de l’avoir encouragée en faisant fi des principes censés animer la vocation de son organisation syndicale. Les autres responsables syndicaux désignés par lui dans les conseils d’administration des CNAS ont cru dégager leur responsabilité dans l’affaire en chargeant leur chef de file. Mais elle reste tout aussi pleine et entière du moment qu’aucun d’entre eux ne s’est inscrit contre le transfert quand il en a été question.

Le cas Sidi Saïd place les magistrats du tribunal de Blida devant une lourde responsabilité. Celle d’afficher leur indépendance en prenant en considération le fait nouveau que constitue l’aveu du témoin. En ne le faisant pas, ils réduiront le procès dont ils ont la charge, à un «show» judiciaire et leur rôle à celui d’exécutants chargés d’appliquer ce qui a été arrêté et décidé ailleurs que dans l’enceinte judiciaire.