Abdelmoumen khalifa rompt le silence

Abdelmoumen khalifa rompt le silence

« C’est une affaire politique… »

El Watan, 25 janvier 2007

El Khalifa est une affaire d’Etat. » C’est Abdelmoumen Khalifa, ex-patron du groupe du même nom, qui le dit dans une interview à l’hebdomadaire Al Mohaqiq, paru aujourd’hui.

De sa résidence londonienne, il a confié à Habbet Hanachi, directeur du journal, que le groupe « avait de l’influence dans toutes les institutions de l’Etat ». « L’affaire Khalifa n’est pas simple. Elle fait partie des secrets d’Etat et je ne suis pas prêt, à l’heure actuelle, à en parler », a-t-il déclaré. Il s’est engagé à dire ce qu’il sait lors d’un procès juste. Occasion de critiquer les audiences du tribunal criminel de Blida qui, selon lui, n’arrivent pas à convaincre l’opinion publique. « C’est un non-événement (…) Ce procès ne m’inquiète pas », a-t-il ajouté. Il croit détecter des « failles » dans l’ordonnance de renvoi sur laquelle s’appuie la juge Fatiha Brahimi pour juger les 104 inculpés de l’affaire dite de la caisse principale d’El Khalifa Bank. Officiellement, Abdelmoumen Khalifa est poursuivi pour, entre autres, « faillite frauduleuse, vol qualifié et association de malfaiteurs ». « Je ne fais pas confiance à ces gens-là. De quelle fraude parlent-ils ? Ils ont même échoué à organiser un procès équitable et convaincant… Arrêtez de vous en tenir à l’argent transporté dans les sacs (…) L’affaire est plus grande que les sacs en plastique (…) C’est une affaire politique, car ma banque n’était pas en faillite. Puis, je ne suis pas un amateur d’argent. Je défie quiconque de trouver les milliards que j’aurais détournés », a-t-il déclaré, ajoutant avoir laissé des milliards de dinars dans les caisses avant de quitter l’Algérie. Il n’a pas précisé les sommes, mais a affirmé détenir des preuves et des documents. « Je dévoilerai le contenu de ces documents au moment opportun », a-t-il promis. Il a qualifié la liquidation du groupe d’opaque. Il s’est dit être disposé pour un jugement en Grande-Bretagne où il existe, selon lui, une justice indépendante. « Je dis à la juge Fatiha Brahimi, bienvenue en Grande-Bretagne. On m’a dit qu’elle est honnête et qu’elle maîtrise le dossier. J’ai auparavant lancé la même invitation à la justice française. Invitation acceptée », a-t-il lancé, précisant avoir parlé à des enquêteurs français en février 2006. Depuis 2003, les tribunaux de Nanterre et de Paris enquêtent sur plusieurs affaires liées, entres autres, à Khalifa Airways, à Khalifa TV et à la vente de villas à Cannes. Il n’existe encore aucune information sur l’éventualité d’une demande d’extradition introduite par les autorités judiciaires françaises à l’encontre de ce qui est appelé « le golden boy » d’Alger. Abdelmoumen Khalifa a refusé d’aborder les conditions de dissolution en France de l’entreprise Khalifa Airways et de répondre au liquidateur Moncef Badsi sur cette question. Au tribunal de Blida, Moncef Badsi a laissé entendre qu’une procédure judiciaire sera lancée à l’encontre de l’Etat français qui aurait fait perdre « des milliards de dinars » à l’Algérie dans la gestion de l’affaire Khalifa Airways. « Les Français connaissent parfaitement le dossier Khalifa », a dit Abdelmoumen sans plus de détails. L’extradition vers Alger n’aura pas lieu selon lui. « La justice britannique n’est pas convaincue par le dossier. C’est une justice rigoureuse. Je suis un exilé politique depuis 2004… Je garde toujours la nationalité algérienne », a-t-il révélé. Répliquant aux propos d’Ahmed Ouyahia (chef du gouvernement à la création d’El Khalifa Bank en 1998) qui a considéré l’affaire Khalifa comme « ordinaire », Abdelmoumen Khalifa a ironisé : « Ce qu’a dit Ouyahia est la stupidité du siècle ! » Il a critiqué la presse algérienne qui, selon lui, soutient les plus forts. Il n’a pas hésité à la comparer à celle du régime de Vichy en France (qui avait appuyé les nazis allemands). « Allah yehdihoum (que Dieu les mette sur la bonne voie) ! », a-t-il lâché. Il a annoncé qu’il va accorder, dans les prochains jours, des interviews à des chaînes de télévision britanniques, américaines et françaises. Et il n’a pas caché sa volonté de créer une structure politique sans indiquer qu’elle en sera la nature ou la forme.

Faycal Metaoui


Moumène Khalifa et la raison d’état

El Watan, 25 janvier 2007

L’ancien patron du groupe Khalifa, Moumène Khalifa, a décidé finalement de rompre le silence qu’il s’est imposé depuis sa chute et son exil londonien.

Il a accepté de s’exprimer dans les colonnes d’un journal algérien, l’hebdomadaire en langue arabe Al Mouhakak qui publie dans son édition d’aujourd’hui un entretien de lui. Il apparaît clairement à la lecture de cette interview que l’ancien patron de Khalifa cherche à recentrer le débat du scandale de son groupe en le resituant dans une dimension qui a été occultée ou évacuée jusqu’ici dans la conduite du procès, à savoir la raison d’Etat. Dans un langage très mesuré pour le moment, Moumène Khalifa tente d’envoyer des messages parfaitement clairs aux décideurs sur les retombées politiques et les responsabilités partagées dans ce scandale. Après près de deux semaines de l’ouverture du procès où l’ancien patron de Khalifa est apparu dans les témoignages des accusés et des témoins comme un véritable pirate des temps modernes le rendant presque seul responsable du hold-up perpétré contre l’argent de l’Etat et des petits déposants, Moumène Khalifa décide, selon toute apparence, de passer à l’offensive. En plus de cette première intervention médiatique dans un journal algérien, il a, croit-on savoir, une série de projets d’entretiens avec de grandes chaînes de télévision étrangères telles que la BBC, CNN, TV5… Il envisage également d’intervenir dans la presse écrite étrangère. Cette offensive médiatique de Moumène Khalifa pourrait relancer le procès ou freiner son élan en fonction de l’impact que le témoignage de l’ancien patron de Khalifa livré via les médias pourrait produire aussi bien sur le cours du procès, sur l’opinion publique mais aussi et surtout au niveau des sphères dirigeantes. L’intrusion (inattendue ?) de Moumène Khalifa dans le procès et le débat politico-judiciaire auquel il a donné inévitablement lieu – une initiative mûrement réfléchie qui s’apparente à un chantage qui ne dit pas son nom à l’adresse du pouvoir – marque un tournant dans l’affaire Khalifa. Dans des termes à peine voilés, Moumène Khalifa menace d’entraîner dans sa chute des pontes de ce même pouvoir qui seraient, selon lui, impliqués jusqu’au cou dans le scandale de son groupe. Bien évidemment, pour cette première salve, il n’ira pas loin dans ses attaques contre le système évitant de se prêter au jeu de la délation en s’abstenant pour l’heure de balancer des noms de hauts responsables qui l’ont couvert de leur manteau politique. Mais le loup est déjà dans la bergerie. Des photos de Moumène Khalifa en compagnie de certaines personnalités et hauts responsables dont certains sont en train de le charger dans le procès circulent dans certaines rédactions. Passés les premiers jours où il avait tenu en haleine l’opinion au regard de la publicité dont il avait été entouré, le feuilleton de l’affaire Khalifa qui est entrée depuis quelques jours dans une certaine monotonie promet des rebondissements riches en révélations.

O. B.