Affaire Khalifa : les responsables se défaussent
Blida Arezki Ait-Larbi, Le Figaro, 13 février 2007
Le procès relève les pratiques occultes d’un régime en déclin.
AVEC UN DÉPÔT à terme de 10 milliards de dinars (100 millions d’euros) partis en fumée, la Caisse nationale de sécurité sociale constitue, avec les offices HLM, le premier pourvoyeur de fonds de la Khalifa Bank. Qui a ordonné ce transfert, en 2002, alors que la loi imposait de les consigner au Trésor public ?
Le président du conseil d’administration qui n’est autre que Madjid Sidi-Saïd, secrétaire général de l’UGTA, la puissante centrale syndicale, reconnaît avoir « été complaisant ». Mais, Abou Djerra Soltani, ministre du Travail et des Affaires sociales au moment des faits, botte en touche. Actuel ministre d’État et président du Mouvement de la société pour la paix, cet islamiste « modéré » devient amnésique face aux questions du tribunal. « Je n’ai appris ces dépôts qu’après mon départ du ministère. Et un ministère que je quitte, c’est comme une femme que je répudie : je n’y remets plus les pieds ! » explique-t-il à la présidente Fatiha Brahimi.
Cette dame de fer dans une robe de velours a réussi à dévoiler une justice à deux vitesses qui livre en pâture des seconds couteaux, après avoir assuré l’impunité des plus puissants. Des listes de ministres, PDG, magistrats, hauts fonctionnaires et gradés de la police qui mangeaient dans la main de Rafik Khalifa circulent sous le manteau ; ils ont tous été blanchis par la chambre d’accusation.
Manipulations du dossier
Excepté les frères Kéramane, accusés en fuite. Signe particulier : Abdenour Kéramane, ancien ministre de l’Industrie avait soutenu Ali Benflis, l’ex-premier ministre rival de Abdelaziz Bouteflika lors de la présidentielle d’avril 2004 ; Abdelwahab, ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, avait rédigé son programme économique. Selon des sources crédibles, l’inculpation d’Ali Benflis lui-même avait été envisagée…
Otage des lignes rouges de l’arrêt de renvoi, Fatiha Brahimi a acculé nombre de suspects, cités comme témoins, à avouer leur forfaiture. « Lors des conseils du gouvernement, l’atmosphère est lourde, et les paris sont lancés sur les futurs inculpés », avoue un ministre.
Pour l’opinion publique, le feu vert qu’aurait donné le président Bouteflika pour encourager le tribunal à aller « aussi loin et aussi haut que possible » était plombé au départ par les manipulations du dossier. En impliquant, mercredi dans Le Figaro, Tayeb Bélaïz, garde des Sceaux, Rafik Khalifa a fait le reste pour disqualifier un procès qui tourne au mauvais feuilleton.