Procès Khalifa: A quoi joue-t-on ?
Mohamed Zaâf, Le Jeune Indépendant, 6 février 2007
Farouk Ksentini, chargé de la réanimation des droits de l’homme en Algérie, nous a fait, samedi dernier dans les colonnes d’un confrère, une petite confidence qui ouvre la porte aux doutes les plus grands. Abdelmoumène Khelifa ne se limiterait pas à la seule escroquerie, il pratiquerait aussi le mensonge.
Ses propos affirmant sur le plateau de la chaîne Al Djazeera que la Grande-Bretagne lui avait accordé l’asile politique, qu’il en jouissait pleinement et sereinement, et que Londres n’entendait nullement l’extrader ne seraient finalement que du bluff.
Me Ksentini nous révèle en effet qu’un «cadre supérieur» du département de la justice britannique lui avait rendu visite jeudi dernier, en compagnie d’un «haut cadre» de l’ambassade d’Angleterre à Alger. L’objectif était de démentir les déclarations d’Abdelmoumène et d’assurer, en revanche, qu’il n’avait nullement obtenu jusqu’à présent de manière officielle le droit à l’asile politique en Grande-Bretagne.
Me Ksentini nous a rapporté aussi une information qui nous démontre qu’il n’y a pas qu’Abdelmoumène qui dise des craques. Alors qu’à Blida, le procès tire à sa fin, l’Algérie officielle n’a pas encore demandé, comme prétendu officiellement par le passé, l’extradition de l’ancien «golden boy».
Elle n’est pas en mesure de le faire à cause des lenteurs qui retardent la ratification de l’accord conclu entre les deux pays pour permettre les extraditions. C’est là la seule raison et «honni soit qui mal y pense». Mais que fera la Grande-Bretagne maintenant qu’elle est un peu mieux fixée sur la rectitude morale de son hôte qui n’hésite pas à utiliser le capital prestige d’un Etat pour mieux faire passer son bluff ? Et que fera la justice algérienne face à l’opinion nationale, après les vérités étalées par Me Ksentini ? Car l’opinion, avant même l’ouverture du procès, réclamait la présence d’Abdelmoumène Khelifa pour s’expliquer, les yeux dans les yeux, avec les victimes et la justice.
La presse déplorait unanimement que le procès puisse s’ouvrir sans la «vedette». Pour beaucoup d’observateurs, l’absence de l’acteur principal était un signe qui encourageait à penser aux éventuelles, sinon inévitables lignes rouges.
Durant le procès, on s’égarait volontiers sur des questions de piscine, même si l’on invoquait l’arrêt de renvoi lorsqu’il s’agit d’éluder d’autres questions évidemment plus pertinentes. Lors d’une interview accordée à l’hebdomadaire arabophone El Khabar El-Oussbouï, Me Khaled Bourayou résumait une pensée largement partagée.
«[Situer] toutes les responsabilités fera exploser le système», disait-il. Et Me Bourayou doit très bien savoir que le système est un grand partisan du droit à la vie. M. Z. [email protected].