Khalifa, petits secrets d’un garde du corps
Le Quotidien d’Oran, 17 janvier 2007
Le huitième jour du procès de l’affaire d’El Khalifa Bank a été marqué mardi par l’audition de l’ex-garde du corps d’Abdelmoumène Rafik Khalifa, Rédha Abdelouahab, qui a raconté comment il puisait d’importantes sommes d’argent de la banque sur «ordre» de son ex-patron. Ainsi, l’accusé a avoué qu’il prenait, chaque mois, 200.000 à 300.000 dinars de la caisse principale d’El Khalifa Bank, sur ordre de son PDG, Rafik Khalifa, pour «payer les salaires des employés de maison: deux femmes de ménage, un chauffeur (d’un deuxième véhicule), un gardien et un jardinier».
Rédha Abdelouahab, qui a précisé que son salaire était de 150.000 DA, a ajouté qu’il avait retiré, en février 2002, 1,5 million de DA de la caisse principale, que lui a remis le caissier principal de la banque Youcef Akli, «à l’occasion de l’Aïd El-Kébir». «Rafik Khalifa distribuait des sommes d’argent à l’occasion de l’Aïd El-Kébir», a-t-il dit, une déclaration qui a fait réagir la juge Brahimi: «Il faisait la charité sur le dos des clients de la banque».
Evoquant son quotidien près de son ex-patron, il a fait savoir que depuis octobre 2001, il était chargé de la sécurité personnelle de Rafik Khalifa quand il se trouvait en Algérie. «Je conduisais parfois sa voiture, une Nissan, et m’occupais aussi de la logistique de sa maison», a déclaré Abdelouahab, qui était interrogé comme accusé au procès d’El Khalifa Bank. Le garde du corps, 42 ans, «un ancien commandant de l’armée» mis à la retraite, selon lui, pour motif médical, car «souffrant d’asthme», a affirmé, par ailleurs, qu’il avait effectué, à plusieurs reprises, des voyages d’affaires en compagnie de Rafik Khalifa, aux Etats-Unis, en France, en Belgique, aux Emirats arabes unis (Dubaï) ) et au Mali.
L’accusé a évoqué, par ailleurs, les relations de son ex-patron avec «son principal conseiller», le Franco-Libanais Raghid El-Chammagh. «Je le voyais très souvent en Algérie et à l’étranger. C’était le principal conseiller de Rafik Khalifa qui avait beaucoup d’influence sur lui», a précisé l’ex-garde du corps. «Grâce à El-Chammagh nous étions reçus (à l’étranger) comme des rois. Il était bien introduit en France, au Liban, aux Etats-Unis et en Arabie Saoudite. C’est lui qui a présenté Rafik Khalifa au président libanais Emile Lahoud et à des princes du Golfe», a-t-il poursuivi. Le Franco-Libanais «ramenait des affaires au groupe Khalifa et prenait des commissions», a encore ajouté Rédha Abdelouahab.
L’accusé a ajouté qu’il avait aussi pris de Youcef Akli, toujours sur ordre de Rafik Khalifa, des sommes d’argent en devises, 10.000 dollars US pour le voyage au Mali et 30.000 euros en septembre 2002 pour un voyage aux Etats-Unis. Mais en cette année de 2002, les relations entre lui et son employeur commençaient à «se détériorer». Au retour du festival de cinéma de Cannes, au mois de mai 2002, Khalifa avait informé Abdelouahab de son intention d’acheter «un domaine contenant 3 villas» dans cette ville. «Je lui ai dit que c’était de la folie», a-t-il dit ajoutant que son ex-patron a «mal réagi» à cette réflexion.
Un mois plus tard, à New York, a-t-il poursuivi, «j’ai su qu’il allait acheter un deuxième jet, de classe présidentielle, je lui ai fait remarquer qu’il en avait déjà un. Il s’est énervé et l’a mal pris», ajoutant qu’à cette période son ex-patron avait acheté un deuxième appartement à Paris, «très près de la Tour Eiffel». A la fin février 2003, Rafik Khalifa, qui se trouvait à l’étranger, mais «venait toutes les semaines à Alger, m’a demandé d’aller prendre encore de l’argent de Youcef Akli. Il s’agissait de 5 millions de DA que je devais remettre à sa femme, mais le caissier m’a dit qu’il ne pouvait pas exécuter l’ordre du PDG», a-t-il dit. «Je lui ai fait part au téléphone. Il a alors prononcé des mots durs envers moi et m’a traité de traître», a encore indiqué l’accusé.
La juge a enfin ordonné au procureur général de convoquer comme témoins certaines personnes liées à l’affaire, dont certains ex-joueurs internationaux de football.
