Perpétuité pour Moumen Khelifa

Il a été condamné par contumace, jeudi, par le tribunal de blida

Perpétuité pour Moumen Khelifa

Par : Samar Smati, Liberté, 24 mars 2007

Rafik Abdelmoumen Khelifa, ex-P-DG de la banque et du groupe éponyme, a été finalement condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité, jeudi, par le tribunal criminel près la cour de Blida dans le cadre du procès de la caisse principale d’El Khalifa Bank et de certaines de ses agences. D’autres dossiers relatifs à l’affaire Khalifa sont toujours en cours d’instruction à Chéraga.

Le tribunal criminel près la cour de Blida a délivré toutes ses sentences dans le cadre du procès de la caisse principale d’El-Khalifa Bank et de certaines de ses agences où 104 accusés étaient poursuivis et jugés depuis le 8 janvier passé, dont 11 en état de fuite à l’étranger ou sur le territoire national. L’absence du principal accusé aura pesé durant les soixante jours d’audience. Le tribunal criminel a finalement condamné par contumace Rafik Abdelmoumen Khelifa à la prison à vie, entre autres, pour « association de malfaiteurs, vol qualifié, escroquerie, abus de confiance, faillite frauduleuse ». En exil volontaire à Londres depuis février 2003, actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt international délivré par le tribunal d’Alger, RAK a été une nouvelle fois jugé et condamné par la justice algérienne, celle-ci désirant ardemment son extradition. Les négociations sont d’ailleurs en cours entre l’Algérie et la Grande-Bretagne en vue de son extradition. Cette nouvelle sentence à son encontre ne peut que venir s’ajouter à celle de 5 ans de prison délivrée en 2004 par le tribunal d’Alger et étayer peut-être le dossier transmis aux Britanniques. En Grande-Bretagne, une procédure a été ouverte contre lui. RAK est en liberté sous caution depuis que l’unité des crimes économiques de Scotland Yard a ouvert une information dans le cadre d’une enquête pour « blanchiment d’argent et séjour irrégulier ». Des faits qui pourraient lui valoir des poursuites, un jugement et peut-être une condamnation en territoire britannique. Le tribunal criminel près la cour de Blida a également condamné à des peines allant de 10 à 20 ans de prison ferme dans le cadre des procédures par contumace, les dix autres absents. Six accusés sont condamnés à vingt ans de réclusion criminelle. Il s’agit de Abdelwahab Keramane, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Krim Ismaël, Salim Moulay Ali Bouabdallah, Faouzi Baichi, Mohamed Nannouche et Ghazi Kebbache. Sakina Taibi écope, elle, d’une peine de 15 ans de prison ferme. Nadia Amirouchène, l’ex-épouse de RAK, Yasmine et Abdenour Keramane ont été condamnés pour leur part à 10 ans de réclusion criminelle. Ces onze peines sont assorties de la saisie des biens. Les condamnés par contumace ne peuvent pas faire appel de la sentence. Toutefois, en cas d’arrestation ou d’extradition, ou s’ils se livrent d’eux-mêmes aux autorités, ils seront rejugés dans les formes légales prévues pour les accusés présents. Le rideau est tombé jeudi à Blida pour le premier acte d’une affaire financière et judiciaire qui tient en haleine l’opinion publique depuis 2003. L’ambiance était de plomb, mitigée. Mi-figue, mi-raisin. Au final, ce procès laisse un goût amer, d’inachevé. Pour différentes raisons. La première étant l’absence des principaux responsables même si la justice les a condamnés par défaut par contumace. La seconde pour la « sévérité » des peines requises, selon la défense, contre des « exécutants », voire des « lampistes ». « Des agents d’exécution soumis aux ordres stricts du P-DG », pour Me Khaled Bergheul qui citera le cas des directeurs des agences El Khalifa Bank condamnés à 10 ans de prison. La troisième pour la « peine » provoquée par les condamnations des directeurs des caisses nationales de Sécurité sociale et des organismes publics poursuivis en correctionnelle. Celles-ci ont été assorties de mandats de dépôt à l’audience, alors que durant toute la période d’instruction et le procès, ils se sont présentés libres. Sachant d’autant plus que le seul recours à ces verdicts exécutoires prononcés dans le cadre d’un procès en criminelle étant le pourvoi en cassation auprès de la plus haute juridiction du pays. Tout en ayant l’intention d’introduire des pourvois pour les lourdes peines, la défense dans son ensemble doute qu’ils bénéficient de la même « célérité » de traitement par la Cour suprême que celle qui a caractérisé l’examen de ceux introduits après l’arrêt de la chambre d’accusation. La quatrième pour les défaillances et les failles qui ont émaillé soixante jours durant un procès censé être exemplaire et qui aura vu défiler à la barre des témoins aux drôles d’allures, mais surtout un « défilement » de responsabilité. La cinquième, celle-ci de joie, pour l’acquittement et l’innocence d’une cinquantaine de personnes poursuivies en criminelle et en correctionnelle. Un fait rare dans les annales de la justice d’autant que ces accusés innocentés représentent plus de la moitié des accusés retenus par l’instruction et la chambre d’accusation. Ils n’avaient eu de cesse de clamer leur innocence et les « outrages » auxquels ils ont été soumis, eux et leurs proches durant des années. Leur défense n’avait pas mâché ses mots quant au « dossier vide et bâclé », à « l’instruction à charge » ou encore le « broyage » par le système judiciaire. Justice leur a été rendue. Enfin, ce procès laisse également un goût d’inachevé par l’absence des « indus bénéficiaires » du système Khalifa. Ceux-là étant inconnus au bataillon. Si le procès de la caisse principale d’El Khalifa Bank s’est achevé jeudi, l’affaire Khalifa, elle, est loin de l’être. D’autres instructions sont en cours, mais quasiment achevées. Notamment celles de Khalifa Airways et du Swift qui est l’affaire des transferts de change vers l’extérieur. Cette dernière représente l’un des plus sensibles dossiers traités dans le cadre du « scandale Khalifa ». Elle porte sur « l’ensemble des transferts, des dons, d’espèces, ou encore de mastercards délivrés au profit de personnalités ou de responsables et réalisés sans aucune garantie sur instruction du P-DG ». Les instructions des affaires Khalifa Airways et le Swift représentent deux affaires importantes et qui permettraient de se faire une autre idée sur les destinations finales des sommes détournées à El Khalifa Bank, dont le procès qui vient de se clore à Blida a permis de mettre en valeur l’origine et la manière dont elles sont sorties des caisses, causant ainsi un préjudice « provisoire », mais colossal de 1,4 milliard de dollars. La tenue de ces procès n’étant qu’une suite logique du procès de la caisse principale d’El Khalifa Bank et de certaines de ses agences. Rafik Abdelmoumen Khelifa, qui n’a pu volontairement assister à ce premier procès, sera-t-il présent pour ceux qui suivront peut-être ? Ou bien sera-t-il une nouvelle fois condamné par contumace ? La question est entre les mains des deux systèmes judiciaires, algérien et britannique. Il reste également à connaître le timing auquel ces deux procès seront programmés. La justice attendra-t-elle RAK pour la suite à donner ou enchaînera-t-elle avec de nouveaux procès de « l’affaire Khalifa », alors que des échéances politiques et électorales se profilent ? La question est ouverte et parier dessus serait aléatoire…

Les peines prononcées contre les 94 accusés présents – 15 ans de prison ferme : Guelimi Djamel.

– 12 ans de prison ferme : Mourad Issiridir.

– 10 ans de prison ferme : Rahal Omar, Akli Youcef, Abdelhafidh Chachoua, Hakim Guers, Aziz Djamel, Badredine Chachoua, Omar Mir et Bélaïd Kechad, Houcine Soualmi

– 8 ans de prison ferme : Mohamed Chebli.

– 5 ans de prison ferme : Karim Boukadoum, Tahar Moukaddem, Adda Foudad et Toufik Djeddidi, Hamou Nekkach.

– 4 ans de prison ferme : Hassen Boubedra et Slimane Kerrar.

– 3 ans de prison ferme : Mohamed Ghouli, Ali Ighil Meziane, Mustapha Menad, Abdelmadjid Benaceur, Ahmed Benchefra, Salah Arifi, Farid Ben Ameur. Certaines peines sont assorties de mandats de dépôt à l’audience.

– 3 ans avec sursis : Ahmed Chachoua,

– 2 ans de prison ferme : contre Redha Abdelwahab, Ahmed Mir, Mohamed Arezki Amghar, Rabah Boussebaine et Ali Aoun, Zerrouk Djamel, El-Hadi Aggoune.

– 2 ans avec sursis : Salim Larbi, Noureddine Dehmani, Mimi Lakhdar, Linda Benouis, Hamid Sekhara.

– 1 an de prison avec sursis : Hakim Boukerma, Lahlou Toufik, Meziane Bentahar Meziane. Plusieurs peines sont assorties d’amendes pécuniaires allant de 10 000 DA à 1 million de DA. Les accusés ont un délai de huit jours pour faire appel.

Les 50 accusés innocentés par la justice : Abdelouahab Dallal, Faïçal Zerrouki, Ahmed Yacine, Nadjib Bourayou, Benheddi Mustapha, Boualem Lâouach, Messaoud Sedrati, Mohamed Rachid Boussehoua, Chafik Bourkaib, Sid-Ahmed Haddadi, Rachid Medjiba, Jean-Bernard Vialane, Samira Bensouda, Mehdi Sbiri, Omar Mohamed Belkebir, Mustapha Djaout, Lilia Ladjlet, Rabah Belkacem, Madjda Lagoune, Mahfoudh Bouammar, Zineddine Zaâmoum, Mohamed Choulak, Ahmed Berbar, Yahia Isli, Salah Hamdane Belarbi, Mohamed Ouendjli, Telli Safi, Saïd Si Ammour, Bahidj Farid Smati, Hamid Bourahla, Daoud Sahbi, Rédha Rehal, Ali Assila, Ammar Amrouchène, Bouabdellah Boulefrad, Habib Thabet, Berkat Belachir, Mohamed Abbas Tlemçani, Benyoucef Miloudi, Abdelhakim Ben Ahmed, Abdelhamid Ouail, Kheireddine Oualid, Mahrez Aït Belkacem, Rachid Aichar, Ali Tayeb Bensetta, Saliha Kheddoudja Belhachemi, Noureddine Boucenna, Saïd Bacha, Mouloud Toudjane, Mohamed Mouloud Meziani.

Samar Smati