Dépôts des entreprises et institutions publiques auprès d’El Khalifa Bank

Dépôts des entreprises et institutions publiques auprès d’El Khalifa Bank

Benflis demande un état exhaustif

Le chef du gouvernement, M. Ali Benflis, a instruit l’ensemble des membres du gouvernement pour un inventaire des dépôts et placements des institutions et entreprises publiques auprès d’El Khalifa Bank.

Par Youcef Brahimi, Le Jeune Indépendant, 15 mars 2003

Chaque ministère a ainsi répercuté la directive du chef du gouvernement à travers une note urgente, placée sous le sceau de la confidentialité, adressée à l’ensemble des entreprises et institutions sous tutelle des ministères. Englobant la majorité des entreprises publiques, les SGP ont été destinatrices, mardi 11 mars, de la directive, mais qui émanait de trois sources différentes : le chef du gouvernement, le ministère de la Participation et de la Promotion de l’investissement et le ministère de l’Industrie, selon une source généralement bien informée. Les deux dernières correspondances ont été signées par les secrétaires généraux des ministères respectifs, alors qu’un conseiller du chef du gouvernement a paraphé la première.

La correspondance du gouvernement, appuyée par des appels téléphoniques à certains dirigeants de SGP et de groupes publics, insistait sur le caractère urgent de l’action et sur l’état exact des comptes courants et/ou placements ouverts auprès d’El Khalifa Bank, placée sous administration provisoire une semaine auparavant. L’administrateur provisoire de la Khalifa, M. Djellab Mohamed, nommé par la Banque d’Algérie – il a rang de directeur général adjoint de l’exploitation au niveau de la banque publique CPA dont le capital social serait en cours d’ouverture –, ne disposait pas d’une telle information au moment où le chef du gouvernement l’a convoqué dans son cabinet. Auquel cas, la divulgation de telles informations, qui relèvent du secret bancaire, pouvait entraver la sérénité de la délicate mission de l’administrateur dont la durée, rappelons-le, n’est pas limitée dans le temps, faute de précisions de la loi sur la monnaie et le crédit.

A quoi peut servir maintenant l’état des dépôts des entreprises et institutions publiques ? Plusieurs hypothèses sont possibles. D’abord, à mesurer l’ampleur des soucis de la banque El Khalifa, confrontée à des carences de trésorerie dues, selon le communiqué de la Banque d’Algérie

mettant la banque sous administration, à la non-observation des règles prudentielles en matière d’utilisation des dépôts de ses clients. Ensuite à enquêter discrètement, avec les gros épargnants du secteur public de la Khalifa, sur la ou les raisons du choix de cette banque. Une étape qui a déjà été entamée, selon des recoupements, avec certains dirigeants dont les intérêts personnels ont été facilement confondus avec le choix de la Khalifa. Notons au passage que le communiqué de la Banque d’Algérie répond implicitement aux médias et à certains hommes politiques français qui s’interrogeaient sur l’origine de la fortune d’Abdelmoumène Khelifa.

Dernière hypothèse, la volonté pour l’Etat de trouver une solution urgente à un groupe qui risque le démantèlement dans les jours ou les semaines à venir. N’est-ce pas l’Etat qui a agréé la banque et laissé faire pendant quatre longues années, alors que les signes extérieurs d’incompétence managériale, terme usité par Mme Djaouida Djazerli lors de la conférence de presse qu’elle a animée le 5 mars dernier, sont criants ? Donc l’intervention de l’Etat, plus que nécessaire, repose sur le principe de régulation et de protection de l’économie nationale en rassurant le marché avec des mesures concrètes mais aussi avec une transparence sur le devenir de l’empire Khalifa confronté à une sérieuse crise de croissance. La semaine passée, l’actionnaire unique du groupe a, selon des sources dignes de foi, reçu une offre de la part d’investisseurs étrangers pour éponger les dettes et offrir du cash au groupe.

M. Khelifa s’est empressé de repousser cette véritable OPA (offre publique d’achat) tout en continuant à sillonner les quatre coins de la planète à la recherche de crédits pour garder son indépendance. L’homme d’affaires, qui estime disposer encore de temps, avance, à chaque fois, des arguments de taille, le bâtiment, les chemins de fer, secteurs où il s’est sérieusement introduit en Algérie et où les plus-values se comptent en millions de dollars contre zéro risque car, tout simplement, ces secteurs ne nécessitent point de gros investissements. Du cash contre du temps, cinq ans, c’est le deal que propose M. Khelifa à ses potentiels débiteurs. Si M. Khelifa n’arrive pas à recapitaliser sa banque dans un délai très court, l’Etat serait dans l’obligation d’intervenir en prenant le contrôle, sous une forme ou une autre, de la banque et de la compagnie aérienne. L’Etat aura fait l’essentiel : préserver l’emploi et une partie des activités du groupe Khalifa, sans aller jusqu’à liquider la vitrine de la réussite de l’économie de marché, à l’algérienne. Y. B.