L’ambassadeur de Grande-Bretagne: Khalifa, le visa et le reste

L’AMBASSADEUR DE GRANDE-BRETAGNE SE CONFIE AU QUOTIDIEN D’ORAN

Khalifa, le visa et le reste

Entretien Réalisé Par Hamid Guemache Et Kamel Daoud, Le Quotidien d’Oran, 28 novembre 2006

Dans cet entretien, l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Alger, M. Andrew Tesorière, développe les grands axes de la politique de son pays en Algérie.

Il annonce la construction d’un nouveau siège pour la représentation diplomatique du Royaume-Uni à Alger, évoque la question des visas, la promotion de la langue anglaise, la société civile algérienne, la communauté algérienne basée en Grande-Bretagne, la coopération énergétique entre les deux pays et l’évolution des relations politiques et économiques entre les deux pays.

Le Quotidien d’Oran: Monsieur l’Ambassadeur, fortement présent dans l’environnement économique et énergétique algérien, votre pays reste très discret médiatiquement et peu porté à cultiver son image auprès des Algériens. Quel est le tableau réel de ce qui se passe entre l’Algérie et le Royaume-Uni ?

Andrew Tesorière: Nos relations avec l’Algérie sont excellentes. Ces derniers mois, il y a eu beaucoup d’activités stratégiques. La commission ministérielle bilatérale est très active. Nos ministres se parlent souvent au téléphone sur des sujets communs. Il y a aussi une commission parlementaire qui se réunit dans les deux pays. Des visites de délégations commerciales, de navires de guerre. Nous avons aussi une coopération dans plusieurs domaines comme la défense, la justice, le commerce, les services financiers, l’éducation et la formation. Avec la société civile algérienne, il y a un contact permanent. Nous avons des projets avec des associations locales. Nous essayons d’identifier des multiplicateurs, par exemple des dirigeants de la société civile, des associations bien gérées et transparentes avec qui nous pouvons travailler. Nous avons identifié des partenaires dans le secteur féminin et nous avons beaucoup d’idées dans les services de développement. Tout cela n’est pas très visible, mais nous privilégions l’efficacité. Pour cette question d’image, c’est vrai, car cela dépend de facteurs comme l’engagement et l’importance de ressources. Nos venons de doubler les effectifs de l’ambassade qui sont actuellement à vingt personnes.

Q.O.: Votre ambassade réside dans un hôtel. Le service des visas est à Tunis, malgré l’amélioration de la situation sécuritaire en Algérie. Cela ne correspond pas à la qualité des relations politiques et économiques entre les deux pays. A quand le retour à Alger du service des visas et le déménagement des services de votre ambassade dans un nouveau siège ?

A.T.: Nous venons d’obtenir le permis de construire pour le siège d’une nouvelle ambassade. La construction de ce siège va durer deux ans et demi. Nous cherchons des locaux adéquats pour les entretiens des demandeurs de visas. La construction d’un nouveau siège pour notre ambassade à Alger est très importante et cela va améliorer nos conditions de travail. Le travail à l’hôtel n’est pas facile. Je suis arrivé à Alger avec un mandat pour relancer les relations bilatérales, mais j’ai trouvé que les moyens n’étaient pas suffisants. Je ne disposais que d’un bureau au fond d’un couloir de l’hôtel Hilton. Pour les projets, par exemple, nous sommes en train de travailler avec les autorités de votre pays pour permettre à la BBC de diffuser ses programmes radios sur la bande FM en arabe et en anglais. Les discussions avancent bien. L’équipementier sportif UMBRO discute avec la Fédération algérienne sur un programme de coopération et de sponsoring destiné aux jeunes.

Q.O.: L’Angleterre est l’un des premiers clients du gaz algérien. Pouvez-vous nous donner l’état des relations énergétiques entre l’Algérie et votre pays dans un contexte mondial marqué par de fortes tensions autour des sources d’approvisionnement en énergie ? Le Royaume-Uni est-il intéressé par la conclusion d’accords gaziers à long terme avec l’Algérie ?

A.T.: La coopération énergétique entre nos deux pays se porte bien. Actuellement, environ 5% de nos besoins en gaz viennent de l’Algérie et la Grande-Bretagne souhaite porter ce taux entre 10 et 12% à l’horizon 2012-2015. Cela peut être plus et je suis convaincu que ce sera le cas. La Grande-Bretagne va acheter beaucoup de gaz algérien dans le futur, mais nous savons que le gaz algérien est fortement sollicité par d’autres pays. Les compagnies pétrolières et gazières britanniques restent fidèles au marché algérien et attendent la publication des détails de la nouvelle loi sur les hydrocarbures.

Q.O.: Comme les autres pays européens, la Grande-Bretagne cherche à sécuriser ses approvisionnements en énergie. Ce concept nouveau signifie-t-il seulement la conclusion d’accords gaziers à long terme ? Y a-t-il des perspectives de coopération dans d’autres domaines ?

A.T.: La sécurisation des approvisionnements en énergie est un concept global qui comprend aussi bien les accords sur les quantités que la stabilité politique, la bonne gouvernance, la prise en charge des problèmes environnementaux, l’investissement, le problème de disponibilité du gaz. Les pays producteurs de gaz doivent nous rassurer sur les chiffres et les prévisions de production. A la base, c’est d’avoir une confiance mutuelle et une bonne entente.

Q.O.: Votre pays est présent militairement en Irak et en Afghanistan, deux pays musulmans. Sur le dossier du nucléaire iranien, il est partisan de sanctions politiques et économiques contre l’Iran. La politique arabe de votre gouvernement est de plus en plus contestée, même dans votre pays. Cela n’influe-t-il pas sur l’image de votre pays en Algérie ? Quelle est aujour-d’hui la place de l’Algérie et du Maghreb dans la politique internationale du Royaume-Uni ?

A.T.: Les relations diplomatiques entre l’Algérie et le Royaume-Uni sont anciennes et remontent à 1580, avec l’installation d’un Consul général britannique à Alger. L’Algérie représente beaucoup de choses pour notre pays. Tout est en train de changer dans le monde. L’Algérie a aussi exprimé son intérêt au Commonwealth. Pour ce qui est de notre engagement en Irak et en Afghanistan, cette question est rarement soulevée lors de mes déplacements et mes entretiens dans votre pays. J’ai visité plusieurs villes algériennes et je vais continuer à le faire. J’ajoute que les questions internationales ne compliquent pas nos rapports avec l’Algérie, tout comme les facilités d’accueil offertes aux islamistes il y a quelques années. C’est déjà de l’histoire ancienne.

Q.O.: En dehors des hydrocarbures, peut-on connaître les secteurs qui intéressent les entreprises de votre pays et sur le retour et le développement de la compagnie British Airways ?

A.T.: Les sociétés britanniques ne sont pas présentes seulement dans le secteur énergétique, mais dans d’autres domaines. Par exemple, il y a trois sociétés britanniques qui ont investi en Oranie. Je cite Unilever et Corous, l’ex-British Steel. Il ne faut pas perdre de vue que la plupart des entreprises américaines présentes en Algérie sont basées en Grande-Bretagne. Comme certaines entreprises chinoises. Autre exemple de coopération, les services financiers. La banque HSBC travaille en Algérie depuis longtemps et compte s’y installer. Ce sera un signal fort aux investisseurs britanniques et étrangers d’une façon générale, quoique le système bancaire algérien reste archaïque.

Les produits agricoles algériens intéressent aussi les Britanniques. Toutefois, nous cherchons à établir des rapports équilibrés et les entreprises algériennes doivent aussi saisir les opportunités d’investissement offertes par notre pays. La compagnie Sonatrach investit déjà en Grande-Bretagne. Vous savez que Londres est une grande place financière internationale. La plupart des fonds arabes dans le monde sont domiciliés à Londres.

Q.O.: Il y a une communauté algérienne au Royaume-Uni. Pouvez-vous nous dire s’il y a des projets pour l’impliquer dans le développement des relations entre les deux pays ?

A.T.: Il y a actuellement 22.000 ressortissants algériens enregistrés aux différents consulats algériens en Grande-Bretagne. Je pense que ce chiffre est beaucoup plus important. La communauté algérienne en Grande-Bretagne est forte et nous avons déjà commencé à l’intégrer dans les délégations qui visitent l’Algérie. Nous voulons profiter de cette communauté pour établir des ponts entre les deux peuples. Par exemple, nous travaillons sur la facilitation des liens humains entre les enfants algériens et britanniques. Le problème de la langue ne se pose pas. L’anglais est aujourd’hui une langue incontournable dans la science, le commerce et les affaires. Nous essayons d’apporter notre contribution au développement de l’anglais en Algérie.

Q.O.: Le cas Rafik Abdelmoumen Khalifa reste au centre d’un énorme flou pour l’opinion publique algérienne. Comment a été traité ce dossier par les autorités de votre pays ? Peut-on dire qu’autant que le pétrole, c’est la coopération sécuritaire et l’antiterrorisme qui semblent avoir donné un nouveau souffle aux relations bilatérales et corrigé l’image d’un Royaume dont la notion d’asile a surtout servi les djihadites islamistes algériens ?

A.T.: Je ne peux pas faire de commentaire sur cette affaire. Il y a une coopération entre nos deux pays sur cette question, c’est tout ce que je peux dire. Cette coopération se déroule bien. Tout commentaire de ma part risque d’être exploité. Il y a également une collaboration étroite sur le dossier des extraditions qui doivent satisfaire aux demandes légales.