Du procès et de ses effets collatéraux

Du procès et de ses effets collatéraux  

Par M. Saadoune,Le Quotidien d’Oran,  14 janvier 2007 

Le procès Khalifa traduirait une «volonté politique » de s’attaquer à la corruption. C’est le président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption qui le dit, apparemment sous l’effet des premiers jours du procès. Comme pour lui faire écho, le chef du gouvernement promet que les ministres éventuellement impliqués auront à rendre compte devant la justice.

Il est difficile d’attendre moins d’un chef de gouvernement quand des noms de ministres en activité sont cités parmi ceux qui auraient bénéficié de la « générosité » alimentée par les fonds publics du groupe Khalifa. Cette attitude du chef du gouvernement est dans l’ordre des choses, sachant que les récits rapportés par la presse suscitent des commentaires acides chez les Algériens. C’est une gestion médiatique des effets collatéraux désagréables des témoignages sur les allées et venues de responsables dans l’antichambre de Moumen Khalifa.

Certains de ces responsables hurlent déjà au mensonge en relevant que leur nom n’a pas été cité dans l’instruction, mais un procès est fait de paroles publiques qui ne se limitent pas à l’instruction. Les récits rapportés au quotidien alimentent et confortent la vision désabusée des citoyens à l’égard des responsables publics. Ils ont indéniablement un effet sur le regard de l’opinion à l’égard des institutions et des responsables qui en ont la charge.

Ces effets politiques collatéraux restent cependant limités. Les déclarations officielles répétant à l’envi qu’il « faut laisser la justice » faire son oeuvre ont pour but de lever la suspicion qui existe au sein de l’opinion et qu’il serait vain de nier. L’affaire Khalifa a trop baigné dans la promiscuité des sphères politiques pour qu’il n’en sorte rien au procès.

Que M. Belkhadem monte au créneau pour signifier que le gouvernement ne protègera personne répond directement à cette volonté de ne pas laisser l’opinion se faire une idée exclusivement sur la base des échos qui viennent de Blida. Il s’agit bien de contrer l’idée – suggérée par la défense « lointaine » par communiqués numérotés des Keramane – que tous les protagonistes de l’affaire ne sont pas devant le prétoire. MM. Belkhadem ou Ouyahia défendent leur sphère et jurent en suggérant qu’il n’y aura pas d’intrusion dans le cours du procès. C’est leur rôle ! Mais que le président d’une association de lutte contre la corruption tire des conclusions – avec, il est vrai, des nuances et des réserves – est quelque peu hâtif.

A ce stade du procès, s’il ne faut pas en tant qu’acteur public reproduire les jugements catégoriquement méchants que l’on entend dans la rue, il faut néanmoins se contenter d’observer et d’essayer de comprendre. On voit bien que des choses ahurissantes se sont passées autour du montage et de la gestion du groupe Khalifa, mais on ne saisit pas encore pourquoi cela a-t-il été rendu possible. On ne peut se contenter des observations morales sur ces hommes et femmes cédant à la « tentation ». Cela n’apportera rien à la lutte contre la corruption. Ce n’est qu’en dévoilant les mécanismes et les raisons qui ont rendu inopérants l’ensemble des garde-fous légaux et institutionnels que l’on peut espérer que cela fera oeuvre utile dans la lutte contre la corruption. Pour l’heure, c’est déjà suffisant de constater, avec beaucoup d’Algériens, que nous sommes choqués, indignés, effarés, mais que nous ne comprenons toujours pas.