Khalifa: Badsi, l’énigmatique liquidateur
PROCES EL KHALIFA BANK
Badsi, l’énigmatique liquidateur
Le Soir d’Algérie, 7 février 2007
S’il est de loin celui dont les plaidoiries sont constellées de chiffres à donner le tournis à plus d’un, le procès El Khalifa Bank, qui se poursuit pour la quatrième semaine consécutive au tribunal criminel de Blida, reste singulièrement aussi celui qui aura jusque-là opéré des zappings surprenants sur des révélations cardinales et des attitudes pour le moins énigmatiques. Étonnement en effet, le tribunal s’est montré peu soucieux de ce que le liquidateur, Moncef Badsi, pouvait avouer avoir fait ou ordonné, comme par exemple brûler toute la documentation de l’agence d’Oran d’El Khalifa Bank.
Sofiane Aït Iflis Alger (Le Soir) – Il ne tombe pas dans l’entendement du commun des citoyens que des tonnes de documents bancaires soient brûlées par la seule et unique crainte du faux. Il y a d’innombrables possibilités de protéger contre l’altération une documentation tout en la préservant. A plus forte raison quand cette même documentation intéresse une banque non seulement à la banqueroute déclarée mais aussi au menu d’un gros scandale financier. Pourtant lorsque Badsi convoquait la crainte du faux pour expliquer “l’autodafé” qu’il a ordonné, le tribunal n’a pas trouvé matière à allonger l’interrogation. Une attitude pour le moins qu’on puisse dire surprenante. Car, de l’avis de nombreux observateurs, la juge aurait dû au moins questionner Badsi sur sa compétence à statuer sur le vrai et le faux ou s’il a vérifié que les piles de documents dévorées par le feu dans une décharge publique à Oran n’étaient d’aucun intérêt pour la justice et, donc, l’éclatement de toute la vérité sur l’affaire El Khalifa Bank. La juge s’est comportée comme si faire disparaître définitivement autant de documents intégrait l’ordre normal des choses. Ceci alors que d’aucuns, observateurs et analystes, estiment qu’il est déraisonnable de ne pas examiner l’ordre d’incinérer lesdits documents en termes de tenants et aboutissants éventuels. Car, après coup, il n’est pas interdit de poser la question de savoir si le geste du liquidateur est véritablement innocent. Qui pourrait, en effet, certifier que des pièces compromettantes impliquant des puissants du moment ne sont pas parties en fumée ? L’interrogation est légitime. D’autant plus légitime que le liquidateur auteur de l’ordre de brûler toute la documentation d’El Khalifa Bank, agence d’Oran, a eu d’autres gestes légers, comme par exemple de déchirer une note de traitement que lui présentait un jour le commissaire divisionnaire, Foudad, un des accusés dans l’affaire El Khalifa Bank. Badsi a reconnu devant le tribunal avoir commis l’acte justifiant que ce que Foudad lui a présenté était “un document non signé, non daté et sans cachet”. Mais quand bien même le document soit “un torchon”, pour reprendre le terme de Badsi, devait-il le détruire ? Une autre question que le tribunal ne lui a pas posée. Le liquidateur est manifesté énigmatique y compris dans son déplacement dans la capitale anglaise, Londres, où il a rencontré Rafik Abdelmoumen Khalifa. Il n’a rien dévoilé de la teneur des entretiens qu’il a eus avec l’ancien patron du groupe Khalifa. Il n’a pas eu à le faire, puisque même autour de ce séjour londonien, le tribunal n’a pas trop demandé à savoir. Voilà encore qui ajoute à l’énigme Badsi. S. A. I.