Je suis emprisonné alors que Khalifa Bank m’a ruiné

L’ex-directeur de l’école de police d’Aïn Benian à la barre :

Je suis emprisonné alors que Khalifa Bank m’a ruiné !

par Sihem H. et Nassima O., Le Jeune Indépendant, 4 février 2007

L’ancien directeur de l’école de police d’Aïn Benian, à l’ouest d’Alger, a comparu hier devant le tribunal criminel pour plusieurs chefs d’inculpation dont falsification de documents officiels, abus de pouvoir et détournement de fonds.

Au cours de l’interrogatoire qui a duré toute la matinée et une partie de l’après-midi d’hier, 21e jour de la tenue du procès, M. Foudad Adaa, qui a passé quarante ans dans les rangs de la police nationale, a tenté de présenter l’image d’un déposant ruiné par la banque et mis ensuite en prison depuis plus d’une année.

Au fil de son interrogatoire, il s’avère que cet ancien cadre de la police dispose de plusieurs propriétés immobilières : une villa à Bouzaréah louée à des étrangers ainsi que dix appartements obtenus dans certaines wilayas où il a exercé entre 1965 et 2002.

Il avait également deux registres de commerce, l’un pour un fast-food et l’autre en tant que dépositaire de boissons. Il est reproché à Foudad d’avoir simulé le transfert de 600 000 euros de Paris vers l’agence des Abattoirs. – La présidente : étiez-vous au courant que Khalifa Bank n’avait pas d’agence agréée à Paris ? – M. Foudad : elle avait bien une agence et c’est là-bas que je me suis rendu pour déposer mon argent.

Je ne savais si elle était agréée ou pas. – Quelle est le montant de la somme que avez-vous déposée ? – J’avais déposé un peu plus de 3 millions de francs français. Avec les intérêts cela m’a fait 600 000 euros. C’était un placement à terme avec un taux d’intérêt de 14 %.

– Vous a-t-on fourni un numéro de compte ? – Non, puisqu’il s’est avéré par la suite que mon argent a été placé dans le compte de Khalifa Bank auprès de la Société générale. – Et cela ne vous a pas inquiété ? – Non, du moment que j’ai signé, à Alger, une convention, faite à Paris, dans le bureau de M. Soualmi.

La convention portait déjà, avant que je ne la paraphe, la signature du P-DG du groupe avec un cachet rond où était inscrit : Agence Khalifa Bank Paris. – Pourquoi avez-vous placé votre argent spécialement au niveau de cette banque ? – C’est sur conseil de M. Soualmi, représentant de la banque à Paris et chez qui j’avais également mon compte bancaire à l’agence des Abattoirs d’Alger.

J’avais économisé l’argent grâce à la bourse de deux ans qui j’ai obtenue lors d’un stage au sein des CRS français. Cette somme était déposée au début à la Société marseillaise de crédit (SMC). A l’approche de ma retraite, j’ai voulu rapatrier mes économies.

Soualmi m’a conseillé de les placer d’abord chez Khalifa Bank pour profiter des intérêts avant de les transférer vers Alger. – Et c’est ce que vous avez fait ? – Oui, mais mon objectif initial était juste le rapatriement et non de capitaliser des intérêts.

– Comment a été effectué le transfert ? – J’ai fait une demande en bonne et due forme. La présidente exhibe alors un document datant du 1er août 2002 attestant que le transfert a été effectué à partir de Paris vers l’agence des Abattoirs.

Elle lui brandit ensuite un second document avec le relevé de son compte ouvert à Paris et datant du 16 septembre 2002. Ce document indique clairement que le montant placé, à cette date, était de 600 000 euros. Cette attestation a été effectuée pour faire valoir ce que de droit et portait le paraphe du P-DG du groupe.

La présidente veut prouver à travers ces documents que le transfert n’a jamais été effectué. Foudad se défend en attestant n’avoir pris connaissance de la seconde attestation que lors de l’instruction. La présidente, convaincue, décide d’approfondir l’interrogatoire.

– A quel moment avez-vous réclamé votre argent à Alger ? – C’était au mois de janvier 2003 au moment où la banque commençait à avoir des problèmes. – Mais, réellement, vous n’aviez pas d’argent à Khalifa Bank à Alger puisqu’il était encore en France.

– Pour moi j’avais de l’argent dans cette banque ! – Vous l’avez récupéré en trouvant une parade à votre manière. Expliquez-nous comment ? – Je n’avais plus l’espoir de récupérer mon argent, c’est alors que le chef d’agence des Abattoirs m’a proposé de faire racheter un nantissement dans la mesure où il disait ne pas avoir assez de liquidités pour me rembourser.

Il s’est présenté dans mon bureau accompagné de deux représentants d’une entreprise algéro-espagnole exerçant à Oran. Cette entreprise avait hypothéqué ses biens chez l’agence des Abattoirs et, pour obtenir la main levée, Soualmi m’a proposé de libérer, grâce à un jeu d’écriture, l’hypothèque et, en contre-partie, ces hommes d’affaires devaient me signer une reconnaissance de dette et me rembourser directement au lieu de passer par la banque.

C’est ce que j’ai fait en autorisant la conversion de mon dépôt en devises à hauteur du nantissement, soit la somme de 52 millions de dinars. Foudad a ensuite accusé le liquidateur de la banque de s’être opposé à la récupération de son argent.

Il s’est, en effet, avéré que la procédure de nantissement n’a pas dépassé le stade de la parole et n’a pas été transcrite sur un document. Pourtant, la société algéro-espagnole a bien remboursé à Foudad 7 millions de dinars depuis la conclusion de l’accord… «Je me suis rendu chez le liquidateur pour récupérer mon argent, après avoir eu l’accord de l’administrateur, M. Djellab, et il m’a d’abord signé l’ordre de remboursement avant de revenir sur son accord et déchirer le PV de notre première rencontre.

L’intervention de l’avocat de la partie civile (le liquidateur) s’est axée sur l’inexistante de preuves soutenant les déclarations de M. Foudad. Pour l’avocat, l’inculpé n’a pas le droit au remboursement dans la mesure où, concrètement, il n’avait pas d’argent à l’agence des Abattoirs.

Officiellement, son dépôt en devises n’a «jamais été rapatrié» ! S. H. et N. O.