Un veto sur le partenariat Sonatrach-Gazprom ?
Bruxelles continue de spéculer sur l’Opep du Gaz
Un veto sur le partenariat Sonatrach-Gazprom ?
Le Quotidien d’Oran, 27 janvier 2007
L’Algérie et la Russie clament sur tous les tons qu’ils ne cherchent pas à créer une Opep gazière, l’Europe reste dubitative et s’inquiète de la coopération qui se met en place entre deux de ses principaux fournisseurs. Une sorte de dialogue de sourds semble s’installer.
Le commissaire européen de l’énergie, Andris Piebalgs, est, en effet, revenu sur le sujet, jeudi dernier, en exprimant ses inquiétudes sur l’accord sur le gaz conclu entre Sonatrach et Gazprom et en leur demandant d’expliquer leurs «intentions». Le commissaire européen a justifié ses inquiétudes par le fait que 35% de la consommation européenne en gaz provient de Russie et d’Algérie. Pourquoi un accord avec Gazprom semblable à ceux conclus par Sonatrach avec les groupes Shell et Statoil serait-il préjudiciable à l’Europe ? Le commissaire européen invoque une méconnaissance de la nature de l’accord signé entre l’Algérie et la Russie, mais, il fait surtout appel à «l’imagination» – et non à des faits – pour évoquer d’éventuels accords entre les deux parties sur «la limitation de la production et sur les prix». Effectivement, on serait, dans ce cas, proche de ce qui se passe sur le marché pétrolier. Mais, la chose est établie, cette situation hypothétique n’existe pas et n’existera pas à moyen terme. Le ministre algérien de l’énergie l’a rappelé en recevant récemment son homologue russe à Alger. «Il ne peut y avoir une ‘OPEP du gaz’, parce qu’il n’y a pas un marché mondial du gaz, mais trois marchés différents : un asiatique, un européen et un américain». Chakib Khelil avait évoqué l’hypothèse que l’extension de la pratique de la liquéfaction du gaz puisse créer dans «20 à 30 ans» un marché du gaz qui ressemblerait au marché pétrolier. Une hypothèse très lointaine qui, normalement, ne justifie pas les inquiétudes européennes. Mais, le commissaire européen raisonne à partir d’un scénario imaginaire. Et, à bien décrypter ce qu’il dit, c’est dans l’absolu et quel que soit son contenu qu’un accord entre Gazprom et Sonatrach constituerait un risque. De là, à ce que russes et algériens «imaginent» à leur tour qu’une sorte de «véto» européen veut être mis sur tout accord d’entreprise entre Sonatrach et Gazprom, il n’y a qu’un pas que le commissaire fait mine de ne pas franchir.
On peut supposer – et le commissaire européen le dit pratiquement – que les inquiétudes exprimées ne portent pas sur l’avenir immédiat mais se fondent sur une projection sur l’avenir. On est dans un curieux paradoxe : l’Europe, en engageant une déréglementation du marché de l’énergie, a remis en cause un des paramètres de sa sécurité énergétique que constituait la conclusion d’accords à long terme avec les pays fournisseurs. L’on se souvient que les pays producteurs s’étaient alarmés de cette remise en cause de ces accords sur le long terme, en soulignant qu’elles constituaient un frein à des investissements lourds et à longue maturation. Mais, au-delà de cet aspect, il faut noter que la signature récente d’un mémorandum de coopération entre l’Algérie et la Russie, avec des projets clairement identifiés, n’a rien de mystérieux et il est étonnant que le commissaire européen à l’énergie affirme n’avoir «aucune information sur cet accord». Suggère-t-il qu’il existe une partie secrète dans cet accord ? S’agit-il de conjurer le spectre d’une lointaine Opep gazière, d’autant plus hypothétique qu’il est malaisé d’avoir une idée du marché de l’énergie dans 20 ou 30 ans ? Cette incertitude est, d’ailleurs, la raison principale qui fait que les questions de l’énergie sont, de plus en plus, perçues sous un angle sécuritaire. Gazprom et Sonatrach en sont réduits à répéter qu’ils n’entendent pas se lancer dans la constitution d’un cartel du gaz. De Davos, le vice-président de Gazprom, Alexandre Medvedev a répondu au commissaire européen en niant le projet de cartel et en relevant qu’il «n’est pas possible de contrôler les prix dans le secteur du gaz en raison de la structure du marché». Medvedev a défendu le partenariat qui se met en place avec Sonatrach. «C’est une discussion d’affaires totalement normale qui pourrait déboucher sur une coopération dans différents domaines énergétiques. C’est comme lorsque des sociétés, comme Exxon et Shell, discutent de leurs sociétés communes». De son côté, le ministre algérien de l’énergie a déclaré, dans une interview à la revue «Pétrole et Gaz arabes», que l’accord entre Sonatrach et le gazier russe Gazprom, ne vise pas à créer une «OPEP du gaz». Il a relevé que Sonatrach a signé des protocoles d’accord avec d’autres groupes, comme Shell et Statoil. Apparemment cette logique d’entreprise, admise pour les entreprises occidentales, devient une hérésie pour ne pas dire un complot quand il s’agit de Sonatrach et de Gazprom.
M. Saâdoune