Blacklisté par l’Algérie, SNC Lavalin ne veut pas payer pour tous

Blacklisté par l’Algérie, SNC Lavalin ne veut pas payer pour tous

Farid Benouafa, Maghreb Emergent 21 mai 2013

SNC LavalinCoup dur pour Lavalin, l’Algérie adopte la sanction de la Banque Mondiale

L’Algérie a fini par mettre SNC Lavalin sous liste noire une semaine après que la décision de la Banque Mondiale de radier le groupe canadien et ses 100 filiales de ses appels pour une durée de dix ans.

La Banque mondiale a pris sa décision après que le géant canadien de l’ingénierie a été accusé d’avoir commis une faute professionnelle dans le cadre du projet de construction du pont multifonctionnel du fleuve Padma et d’un projet de transport et d’électrification rurale au Cambodge. Les deux projets étaient financés par la Banque Mondiale. SNC-Lavalin Inc. est la filiale la plus importante du Groupe SNC-Lavalin, dont elle représente plus de 60 % des opérations. SNC Lavalin, qui est considérée comme la plus grande entreprise canadienne emploie plus de 5000 personnes au Canada dont 1000 ingénieurs et 16000 travailleurs à l’international risque une longue traverse du désert dont l’impact ne sera pas sans effet sur sa santé financière. Le premier Ministre algérien Abdelmalek Sellal, s’appuyant sur la décision d’exclusion prononcée par la Banque Mondiale a instruit à son tour, les opérateurs publics de bannir Lavalin de tous les appels d’offres pour la même période. Le géant canadien de la construction est depuis près d’une année au centre d’une suite d’accusations de malversations dans plusieurs pays dont les plus dures ont trait à des contrats publics au Canada.

Lavalin se défausse sur Benaïssa

Plus près de nous, c’est en Libye que Lavalin a été le plus évoqué dans des contrats conclus du temps de Kadhafi par l’ancien vice-président à la division construction de SNC-Lavalin, Riadh Ben Aïssa. Ce dernier est emprisonné actuellement en Suisse suite à des enquêtes menées par les autorités suisses depuis mai 2011. Ce haut cadre est soupçonné de corruption, d’escroquerie et de blanchiment d’argent, en rapport avec des opérations conclues en Afrique du Nord. SNC Lavalin a essayé de se défausser sur lui en le chargeant dans toutes les révélations sur les relations du groupe avec la famille de l’ancien dirigeant libyen. Dans un de ses rapports, la grande firme d’ingénierie a enfoncé Ben Aïssa en affirmant qu’il avait seul pris la décision d’engager des agents et représentants commerciaux auxquels il aurait versé plus de 50 millions de dollars dont la trace a été perdue selon SNC Lavalin. Le groupe canadien, qui prend eau de toute part, s’était pourtant lancé dans une grosse campagne de communication pour redorer son blason. A l’international, il a beaucoup investi dans le net et en particulier dans les réseaux sociaux, pour essayer de rétablir une image écornée. En Algérie, le groupe a acheté une page sur un grand quotidien pour répondre à des accusations de versements de pots de vin dans des contrats avec le secteur de l’énergie. Il s’agirait de commissions versées dans le cadre de la réalisation de la centrale électrique de Hadjeret Ennous dans la wilaya de Tipasa. Cerné de toutes parts, Lavalin se confond en excuses en promettant de collaborer pleinement à toutes les enquêtes et de tourner la page de ce chapitre noir de son siècle d’existence.

Défense subtile

Les cadres du groupe ne s’empêchent pourtant pas d’affirmer que la centrale de Hadjeret Ennous a coûté près de trois fois moins cher que celles de Targa à Ain Témouchent et de Koudiet Eddraouch à El Tarf ; celles-ci sont équipées des mêmes turbines General Electric sont revenues à plus de 21 millions de dollars chacune contre tout juste plus de 8 millions pour celle de Hadjeret Ennous. Une manière subtile de laisser entendre que des commissions plus importantes ont été versées à d’autres opérateurs dans les contrats de constructions des centrales électriques ? SNC Lavalin a admis publiquement avoir eu recours à l’intermédiaire Farid Bedjaoui dont le nom est associé à des affaires de corruption présumées et notamment Sonatrach 2. En Suisse et au Canada, les « affaires » se sont traduites par des incarcérations de dirigeants. Ce qui fait dire à un cadre algérien que la mesure de radiation des appels d’offres de Lavalin prise par l’Algérie est bien « insuffisante au regard des accusations portées ici et là contre des intermédiaires et des dirigeants d’entreprises ».