OPEP: Dans l’oeil du cyclone
par Notre Correspondant A Bruxelles: M’hammedi Bouzina Med, Le Quotidien d’Oran, 19 octobre 2008
La réunion de l’OPEP, prévue pour vendredi prochain, ne sera pas une simple négociation des volumes de production et des prix. Elle s’inscrit dans une conjoncture mondiale unique, où producteurs et consommateurs sont confrontés aux mêmes difficultés du marché. Nous ne sommes plus en 1973 et le premier choc pétrolier.
La bizarrerie n’est pas que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ait avancé sa réunion, prévue le 18 novembre, au 24 de ce mois. Ce qui étonne, c’est de ne pas avoir réagi bien plus tôt, face aux effets, annoncés, de la crise financière internationale sur l’activité économique mondiale. Parce qu’il se trouve que les économies des 13 pays de l’OPEP sont très largement dépendantes des seules productions des hydrocarbures. Avec une part de marché d’environ 40% de la production mondiale de pétrole, ils sont les premiers exposés aux risques d’une baisse de croissance mondiale et au jeu spéculatif des places boursières.
Paradoxalement, ils peuvent influer sur le cours des marchés pour éviter un effondrement général autant de leurs économies que celles des pays hautement industrialisés. Dans ces circonstances, la menace d’un nouveau choc pétrolier, tel celui (pour des raisons politiques) de 1973, n’est pas envisageable, car elle n’arrange personne. Toute la question est de savoir trouver le niveau de production et celui des prix qui arrangeraient tout le monde.
Faut-il rappeler que le marché pétrolier mondial se négocie en valeur dollar? Aussi, tant que le marché financier américain continue dans sa rigidité et ne libère pas le crédit bancaire et interbancaire, en baissant les taux d’emprunts, une baisse de la production de pétrole par l’OPEP, n’avancera en rien les choses.
Que va-t-il se passer alors le 18 novembre prochain? La réponse va dépendre de deux événements majeurs. Le 1er a trait aux résultats des entretiens qu’a eus, au nom de l’Union européenne, le Président Nicolas Sarkozy avec son homologue américain George W. Bush, hier samedi. Jusqu’où ira l’intervention du Trésor américain et des banques nationales européennes, y compris la banque centrale européenne, dans la garantie des liquidités financières et des mécanismes de crédit interbancaire? et surtout à quel taux? Le 2e viendra de ce que décidera la rencontre mondiale sur la refondation du système financier mondiale, prévue à New York vers la mi-novembre. Si les mêmes règles du jeu sont reconduites, même si les banques du monde entier inonderont le marché avec des liquidités, la crise reviendra avec plus d’effets dévastateurs. Si, au contraire, des décisions concrètes seront prises par les dirigeants politiques pour une meilleure régulation et contrôle des marchés financiers, la stabilité des économies sera du domaine du possible. A entendre l’Europe et les USA parler de régulation, de surveillance du jeu des places boursières, de réserves sur les agences de cotation des banques, d’élimination des paradis fiscaux… on est tenté à l’optimisme sur le long terme. Car, pour l’heure et les 3, 4, voire les 10 ans à venir (les avis des experts divergent sur la durée), le monde industrialisé, comme le reste du monde, s’attendent à une vraie période de récession, voire de déflation. C’est pour dire de combien de paramètres vont tenir les membres de l’OPEP pour bâtir leur stratégie future? Par ailleurs, quelle que sera la décision de l’OPEP, il faut s’attendre à des réactions pas faciles des pays comme la Russie, premier producteur mondial de pétrole et exportateur, ses alliés du Caucase, ou encore ceux de la Mer du Nord tels la Norvège, l’Angleterre…
La crise financière mondiale a remis à l’ordre du jour le jeu des influences politiques et géostratégiques. Pour l’anecdote, rappelons que l’Iran qui a été à l’origine de la création du cartel de l’OPEP, en 1960, n’avait pas rejoint le front du refus des pays arabes, en 1973, pour décréter l’embargo sur les livraisons de pétrole à l’Occident.