L’effet Tiguentourine se fait sentir : Sonatrach face aux exigences sécuritaires de BP

L’effet Tiguentourine se fait sentir : Sonatrach face aux exigences sécuritaires de BP

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 18 mai 2013

Le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi, le PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, et une source «non identifiée» mais très probablement de la sphère dirigeante de Sonatrach ont beaucoup parlé, ces dernières quarante-huit heures, des partenariats avec les entreprises étrangères, British Petroleum, d’un côté, et de l’autre, des Italiens Enel et Edison, ces partenaires d’un projet de gazoduc Galsi devenu bien problématique.

A Tissemsilt, le ministre de l’Energie a laconiquement démenti un prétendu retrait de la compagnie «British Petroleum» (BP). «Nous sommes en contact permanent avec toutes les compagnies», a-t-il déclaré. Mais la compagnie britannique n’a jamais annoncé un «retrait». Elle a indiqué par la voix de son PDG, Robert Dudley, que «le calendrier de réalisation des projets à In Amenas et In Salah est en cours de réévaluation à la suite de l’incident tragique de janvier à In Amenas». L’agence Reuters, citant des sources au sein de BP probablement, a expliqué cette décision par le fait que les «autorités algériennes n’ont toujours pas fait suffisamment en matière de sécurité» pour «rassurer» le groupe britannique. Le report est déjà une réalité. La société de services pétroliers et gaziers britannique Petrofac l’a confirmé de manière indirecte, en indiquant que le report des travaux pour le développement des champs gaziers du sud d’In Salah à la seconde moitié de 2013 va se traduire par un niveau «modeste» des bénéfices. Dans une déclaration publiée sur le site de la compagnie, le PDG de Petrofac, Ayman Asfara, a expliqué qu’à la suite de l’attaque de Tiguentourine en janvier dernier et à la demande des clients, BP et Statoil, associés à Sonatrach dans la société In Salah Gas (ISG), Petrofac a évacué son personnel en pensant que cela serait «temporaire». «Nous nous attendions à reprendre rapidement les activités sur le site rapidement. Mais à la lumière de récentes discussions avec nos clients, la reprise des opérations sur le site n’aura lieu qu’au cours de la seconde moitié de 2013. Cette reprise tardive entraîne un report significatif des recettes et des bénéfices de 2013 à 2014», a expliqué Ayman Asfara.

BP VEUT RECOURIR A DES SOCIETES DE GARDIENNAGE ETRANGERES !

Le report est donc déjà une réalité par rapport aux prévisions initiales. Une source proche du dossier a été beaucoup plus explicite dans une déclaration à l’agence APS. Selon cette source, British Petroleum n’a pas «officiellement» saisi Sonatrach d’un report du lancement de deux projets gaziers à In Amenas et In Salah, dans le sud de l’Algérie, prévus pour 2014. Formellement, une déclaration du PDG de BP n’est pas suffisante pour que le «report» devienne une réalité, il faut qu’il saisisse Sonatrach qui est, de droit, associé à ces projets. Mais la vraie révélation de la «source» est dans la confirmation de l’existence d’exigences sécuritaires nouvelles après l’attaque terroriste de Tiguentourine. Selon cette source, BP a bien signifié qu’elle pourrait retarder certains investissements «si les conditions de sécurité ne s’amélioraient pas fondamentalement». «Nous avons dit à notre partenaire qu’aujourd’hui, nous avons des conditions de sécurité optimales. La preuve, on a beaucoup de sociétés qui sont retournées travailler en Algérie», après l’attaque terroriste de Tiguentourine. Au passage, on a une confirmation tacite que British Petroleum aurait demandé à assurer la sécurité des sites en recourant à des sociétés de gardiennage étrangères. La «source» rejette cette exigence tout en se disant consciente qu’il faut améliorer les conditions de sécurité. «Nous sommes favorables à toute idée qui ne pourrait pas toucher notre souveraineté. Mais d’un autre côté, nous sommes conscients qu’il faut améliorer les conditions de sécurité de manière à préserver les vies humaines». Il est clair que les aspects de sécurité deviennent aussi essentiels, sinon plus, pour les compagnies étrangères après l’attaque de Tiguentourine dont on ne mesure pas réellement l’impact.

L’ADIEU A GALSI ?

Sur un autre registre, le PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, a paru pessimiste sur la possibilité de conclure un accord à court terme sur la décision d’investir dans la réalisation du projet de gazoduc Galsi. L’assemblée générale de Galsi devait prendre une décision avant le 30 mai sauf qu’aucun accord ne semble poindre avec les partenaires italiens. Le PDG de Sonatrach reste dans la lignée des précédentes déclarations officielles où, sans décréter la mort du projet, on souligne qu’il faut que les conditions de sa rentabilité soient réunies. «Les actionnaires de Galsi n’ont pas décidé de l’annuler, au contraire, ils considèrent que c’est un projet qui a de l’avenir», a-t-il indiqué en ajoutant que lorsqu’un «projet n’a pas de rentabilité économique, il n’est pas mis définitivement de côté mais l’échéance de sa réalisation sera reportée». Or, manifestement, les partenaires de Sonatrach rechignent à accepter la demande de Sonatrach d’un contrat de livraison à long terme. Abdelhamid Zerguine constate lui-même que les conditions ne sont pas vraiment réunies en relevant qu’il faut un «prix juste du gaz» et une «reprise économique». On en est bien loin. Le Galsi pourrait ne rester qu’un projet.