ONDH: Un observatoire, très peu regardant, s’en va

ONDH

Un observatoire, très peu regardant, s’en va

Mohamed Mehdi, Quotidien d’Oran, 16 avril 2001

Créé en février 1992, par décret présidentiel n° 92/77 du 22.02.1992, portant création de l’Observatoire national des droits de l’Homme, de feu Mohamed Boudiaf, l’ONDH vient d’être dissous et remplacé par la «Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme» par un décret présidentiel n° 01/71 du 25 mars 2001.

Au vu des missions qui lui ont été assignées, il ne fallait pas s’attendre à ce que l’ONDH bouscule l’ordre établi dans le chapitre des droits de l’Homme en Algérie. Le décret, portant sa création, stipulait que cette institution est «indépendante, jouissant de l’autonomie administrative et financière», mais que c’est «un organe d’observation et d’évaluation en matière de respect des droits de l’Homme» qui n’a donc pas force d’autorité, appelé à «mener toute action de sensibilisation aux droits de l’Homme». Même si, dans un autre article, il est indiqué que l’ONDH peut «entreprendre toute action lorsque des atteintes aux droits de l’Homme sont constatées ou portées à sa connaissance» et «de présenter un bilan annuel sur l’état des droits de l’Homme». Il faut entendre par «entreprendre toute action» une simple demande d’information que l’ONDH adresse aux différentes autorités militaires, civiles ou judiciaires.

De manière générale, l’ONDH a été un instrument entre les mains de plusieurs politiques. Dès 1992, l’ONDH ne s’est jamais opposé à la création des «centres de détention» du Sud mais engage «une action auprès d’Air Algérie pour prioriser les réservations aux titulaires de permis de visite et obtenir une réduction de prix».

En neuf années d’existence, l’observatoire a produit six rapports annuels, a organisé quelques séminaires et s’est doté d’un site Internet. Les rapports de l’ONDH se suivent et se ressemblent. Il s’agit, en fait, d’une compilation d’informations puisées, pour la plupart, dans la presse nationale et de statistiques officielles sur la situation sécuritaire. Pourtant, il était prévu à sa création que l’ONDH devait publier, en plus du rapport annuel, des «rapports d’enquêtes et d’investigations».

Hormis les parties réservées aux exactions des terroristes, l’ONDH se contente d’énoncer, dans tous ses rapports, les principes auxquels doivent se conformer ceux qui ont la charge de l’application des lois, en matière de respect des droits de l’Homme. Pour les hommes et les femmes de l’observatoire, la torture n’existe pas en Algérie du simple fait que «les textes législatifs algériens permettent de prévenir et de réprimer les actes de tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants». Ce n’est d’ailleurs pas l’ONDH qui a dénoncé les quelques exactions portées, à l’opinion publique, par la presse (comme l’affaire de Dellys…). On ne lui connaît pas de rôle dans l’affaire Serkadji et ce n’est également pas l’ONDH pourtant membre de la commission de surveillance qui alerta ou constata les «irrégularités» qui ont entaché les élections locales de 1997.

L’ONDH considère qu’un disparu est soit «entré en clandestinité de son propre chef», soit «a été enlevé par des groupes armés qui, parce qu’ils ne sont pas identifiés, sont assimilés à tort, comme relevant des services de sécurité», soit «ayant fait effectivement l’objet d’une arrestation par les services de sécurité qui l’ont maintenu dans une situation de détention abusive, hors des délais de garde à vue définis par la loi et dans des lieux non prévus à cet effet ou «ayant abandonné» ses proches, dans le prolongement de problèmes ou de litiges familiaux». Même dans le troisième cas, l’organisme de Rezzag Bara n’apporte pas de réponses à la détresse des familles. Il estime, par contre, que la création d’une association de familles de disparus est de nature à permettre à tous ceux dont un proche a disparu de se faire connaître et continuer à «harceler» les autorités publiques» et de vouloir «catalyser l’attention des médias nationaux et étrangers sur la question» en organisant des «sit-in réguliers devant le siège de l’ONDH et d’autres institutions publiques». L’ONDH a évoqué, une seule fois, en 1996, l’existence «des lieux de détention, hors de portée du contrôle légalement prévu par la loi». Cette question n’a plus jamais été évoquée par la suite.

A défaut d’améliorer les conditions d’incarcération dans les prisons algériennes, l’ONDH s’inquiète de celles «d’un ressortissant algérien, condamné à vie pour tentative de meurtre à Baltimore (USA), en 1985″. Son président a même réclamé une copie de la procédure judiciaire et entamé diverses démarches auprès d’institutions judiciaires et humanitaires américaines en vue d’obtenir, soit une révision éventuelle du procès, soit une remise de peine».

En matière de défense de la liberté d’expression, l’ONDH ne s’est jamais manifesté dans les dizaines de cas de suspensions et d’interdictions de journaux de la presse privée, depuis 1992 à ce jour.

Même dans des questions moins sujettes, controversées, l’ONDH n’a pu apporter les réponses qu’il fallait, en matière d’application des décisions de justice, des cadres incarcérés, des mères et des enfants jetés dans la rue, de l’accès aux soins et à l’éducation pour des couches sociales très défavorisées…

Qu’en sera t-il de la toute nouvelle Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme?

 

 

 

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