« No he parado de disparar hacia no se sabe dónde », dice el teniente

El piloto argelino huido a Ibiza acusa a su Ejército de exterminar al pueblo

« No he parado de disparar hacia no se sabe dónde », dice el teniente

Juan Carlos Sanz, El País, nº 767, martes 9 junio 1998, Ibiza.

[voir traduction ci-après]

El temblor de sus manos muestra la desesperación de todo un país. El teniente Alili Messaud, de 29 años, iba a ser ascendido a capitán de su unidad de helicópteros dentro de un mes, pero prefirió huir de Argelia con su aparato. « El Ejército argelino ha empujado a toda una sociedad hacia una obscuridad sin salida, a una guerra de exterminio que va contra toda la población », aseguraba ayer en la sede de la Cruz Roja de Ibiza, donde espera a que las autoridades españolas tramiten su petición de asilo político.
Su escapada comenzó al amanecer del domingo en una base de Blida, 80 kilómetros al sur de Argel, en uno de los principales escenarios más sangrientos de la guerra no declarada que sufre el país magrebí desde hace seis años, y terminó en el aeropuerto de Ibiza, con una escala de orientación en una playa de Formentera y bajo la permanente amenaza de los radares argelinos que buscaban dar caza al desertor.
« Ya sé que dicen que el Ejército argelino ha bombardeado con napalm las aldeas donde se ocultaban los terroristas [islamistas armados], pero yo nunca he hecho eso », relata Messaud cigarrillo tras cigarrillo. « Yo sólo he atacado con lanzacohetes donde me han ordenado ; a mis superiores les importan los resultados, sin importar los medios ». Nació en Orán, de donde evoca aún los ecos españoles de la lengua que se hablaba en barrios que aún se llaman Santa Cruz o María. Y está desesperado : « Qué me importa si me pegan un tiro ahora. A un hombre que tiene el corazón muerto no lo pueden matar con balas. »
El teniente Messaud, que ingresó en el Ejército a los 19 años, mostraba ayer con orgullo su título de jefe de patrulla de helicópteros. Lo sacó del fondo de un petate que guarda todo lo que tiene en el dormitorio de la Cruz Roja. Su rabia no es reciente, pero estalló hace muy poco. Una sentencia que ha tardado más de 15 años en dictarse confirma que su familia, sus padres y sus seis hermanos solteros, igual que él, deben abandonar su casa por la simple razón de que su padre cambió en 1983 de puesto de trabajo. Un cotidiano drama argelino, donde el problema de la vivienda sólo se ve superado por el de una guerra que se ha cobrado 80 000 vidas en seis años. « No hay justicia en mi país ; qué más da lo que puedan hacerle a mi familia tras mi fuga si ya la han echado a la calle », se indigna.
Su visión como protagonista del conflicto argelino es aterradora : combates nocturnos, misiones de reconocimiento, caza de terroristas desde el aire. « Esta guerra no sirve para nada, no va hacia ninguna parte. » Otros desertores del Ejército argelino han afirmado en declaraciones a la prensa internacional en Londres y París que las fuerzas de seguridad han estado implicadas en las matanzas de civiles. Messaud guarda silencio cuando se le informa de estas declaraciones de militares en el exilio : « La estrategia del poder argelino no va a favor del pueblo, sino en su contra. En muchos casos los servicios de seguridad se han negado a auxiliar a civiles que estaban siendo atacados por terroristas. »
52 000 pesetas al mes
El piloto de helicópteros argelino asegura que ha participado en numerosas operaciones de combate contra los grupos guerrilleros islamistas. Su recuento es un mapa de la guerra. El Atlas, la Mitiya, la periferia de Argel… « No he parado de lanzar cohetes, de transportar paracaidistas, tropas de élite, de disparar hacia no se sabe dónde ; ésas eran mis órdenes. » Era un militar profesional que cobraba 52 000 pesetas al mes, un salario que se sitúa ligeramente por encima de la media en Argelia.
El pasado sábado tomó la decisión, se hizo con varios mapas de navegación y esperó a su rutinaria misión del domingo : trasladar un viejo helicóptero MI-8 de fabricación rusa desde Blida hasta la base de Yanet, 1 800 kilómetros al sur en pleno frontera sahariana con Libia. Pero cambió el mar por el desierto. Poco después de las seis de la mañana del domingo envió a desayunar a su copiloto y al mecánico de a bordo mientras él ultimaba su plan. Les dijo que iba a hacer una prueba con el aparato pues temía que pudiese perder combustible.
Diez minutos después sobrevolaba Tipaza, al oeste de Argel y enfilaba hacia las islas Baleares a una velocidad de 230 kilómetros por hora. « Había hecho prácticas de vuelo a baja altitud, pero no a 10 metros sobre el mar : ésa fue mi elección, no tenía más de un 20 % de probabilidades de salir con vida. »

Traduction

Juan Carlos Sanz, El Pais, n° 767, mardi 9 juin 1998, Ibiza.

Le tremblement de ses mains montre le désespoir de tout un pays. Le lieutenant Alili Messaoud, âgé de 29 ans, allait être promu capitaine de son unité d’hélicoptères le mois d’après, mais il a préféré s’enfuir d’Algérie avec son appareil. « L’armée algérienne a poussé toute une société vers une obscurité sans sortie, vers une guerre d’extermination contre toute la population », assurait-il hier au siège de la Croix-Rouge d’Ibiza, où il attend que les autorités espagnoles étudient sa requête d’asile politique.
Sa fuite débuta à l’aube du dimanche sur une base de Blida, à 80 km au sud d’Alger, sur l’une des principales scènes les plus sanglantes de cette guerre non déclarée dont souffre ce pays maghrébin depuis six ans ; elle prit fin à l’aéroport d’Ibiza, après une escale d’orientation sur une plage de Formentera et sous la permanente menace des radars algériens qui recherchaient le déserteur. « Je sais que l’armée algérienne a bombardé au napalm les villages où se cachaient les islamistes armés, mais je ne l’ai jamais fait », raconte Messaoud, grillant cigarette sur cigarette. « J’ai seulement attaqué aux lance-roquettes là où on me l’ordonnait ; mes supérieurs ne tiennent compte que des résultats sans regarder les moyens. »
Il est né à Oran, où il évoque encore les échos espagnols de la langue que l’on parlait dans les quartiers qui se nomment encore Santa Cruz ou Maria. Il est désespéré : « Que m’importe s’ils me tuent maintenant. Un homme dont le cœur est mort ne peut être tué par des balles ? » Le lieutenant Messaoud, qui s’engagea dans l’armée à 19 ans, montrait fièrement hier son titre de chef de patrouille d’hélicoptères. Il le prit du fond d’un sac qui contient tout ce qu’il possède dans cette chambre de la Croix-Rouge. Sa colère n’est pas nouvelle, mais elle a éclaté récemment. Un jugement qui a mis plus de quinze ans à aboutir et qui s’est confirmé lorsque sa famille, ses parents et ses six frères — célibataires, tout comme lui —, durent quitter leur maison pour la simple raison que son père avait changé de travail en 1983. Un drame algérien habituel, où le problème du logement ne se voit surpasser que par celui de la guerre qui a fauché 80 000 vies humaines en six ans. « Il n’y a pas de justice dans mon pays ; que peuvent-ils faire de plus à ma famille après ma fuite, alors qu’ils l’ont déjà jetée à la rue ? », s’indigne-t-il.
Sa vision comme acteur du conflit algérien est terrifiante : des combats de nuit, des missions de recon-naissance, la chasse aux islamistes depuis les airs. « Cette guerre ne sert à rien, elle n’avantage aucune par-tie ». D’autres déserteurs de l’armée algérienne ont déclaré dans la presse internationale, à Londres et à Paris, que les forces de sécurité sont impliquées dans les massacres de civils. Messaoud reste silencieux quand on lui parle de ces révélations de militaires en exil : « La stratégie du pouvoir algérien ne rend pas service au peuple, bien au contraire. Dans plusieurs cas, les services de sécurité ont refusé de porter secours aux civils lors des attaques des terroristes. »
52 000 pesetas par mois
Le pilote d’hélicoptères assure avoir participé à plusieurs opérations contre les groupes de combattants islamistes. Son récit dresse la carte de la guerre : l’Atlas, la Mitidja, la périphérie d’Alger… « Je n’ai pas cessé de lancer des roquettes, de transporter des parachutistes, des troupes d’élite, de tirer on ne sait où ; c’était les ordres. » C’était un militaire de carrière qui recevait 52 000 pesetas par mois, un salaire légèrement au-dessus de la moyenne en Algérie. Samedi dernier, il a décidé de fuir. Prenant plusieurs cartes de navigation, il a attendu sa mission de routine du dimanche : emmener un vieil hélicoptère MI-8 de fabrication russe depuis Blida jusqu’à la base de Djanet à 1 800 km au sud, en pleine frontière saharienne avec la Libye. Mais il choisit la mer au lieu du désert. Peu après six heures du matin le dimanche, il a envoyé son copilote et le mécanicien de bord prendre leur petit-déjeuner tandis qu’il poursuivait son projet. Il leur dit qu’il allait faire un essai avec l’appareil car il craignait qu’il perde du carburant. Dix minutes plus tard, il survolait Tipaza, à l’ouest d’Alger et se dirigeait vers les îles Baléares à une vitesse de 230 km/h. « J’avais déjà fait du vol à basse altitude, mais pas à dix mètres au-dessus de la mer ; ce fût mon choix ; je n’avais pas plus de 20 % de chances de sortir en vie. »