Prison à Madrid: Quarante Algériens en grève de la faim

DÉTENUS SANS PREUVES DANS UNE PRISON À MADRID

Quarante Algériens en grève de la faim

L’Expression, 10 décembre 2005

«Pour certains, la prison dure depuis 5 ans sans que la justice ibérique daigne les juger.»

Depuis huit jours, une quarantaine d’Algériens ont entamé une grève de la faim à la prison madrilène de Santa Quatro en Espagne pour exiger un jugement qu’ils attendent depuis plus d’une année, selon I. Youcef, un parent de l’un des détenus qui a reçu une communication téléphonique de la prison. «Si la justice espagnole est dans l’incapacité de produire des preuves formelles contre ces ressortissants algériens, qu’elle les rende à leurs familles!», s’est insurgé ce parent qui soutient que son neveu, Tahar, n’a jamais eu de lien idéologique avec l’islamisme. En détention préventive dans cette geôle espagnole, ces Algériens ont été accusés d’assistance au terrorisme. Leur demande de mise en liberté provisoire a été rejetée et leur jugement a été retardé «sans motifs valables».
Selon le président de l´association de la communauté algérienne aux îles Baléares (Espagne), Nordine Belmeddah, beaucoup d´Algériens ont été arrêtés arbitrairement, dans différentes villes espagnoles, en particulier Palma, Madrid et Alicante. Arrêtés sans preuves tangibles de nombreux Algériens croupissent dans les prisons espagnoles, sans être jugés. «Pour certains d´entre eux, la prison dure depuis 5 ans sans que la justice ibérique daigne les juger», a déclaré il y a quelques jours M.Belmeddah, lors d’une conférence de presse à Alger. Dans le cadre de la loi antiterroriste plusieurs gouvernements occidentaux ont promulgué des lois qui autorisent la justice à incarcérer une personne pour une durée indéterminée et sans révéler les charges retenues contre elle.
Depuis l’annonce «de la guerre mondiale contre le terrorisme» par les Américains, plusieurs Algériens croupissent sans jugement dans les prisons à travers le monde. Leurs conditions d’incarcération ont été plusieurs fois dénoncées par des ONG, des institutions comme les cours suprêmes et décriées dans certains pays notamment la Grande-Bretagne. De l’aveu de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme la lutte contre le terrorisme «dérape et se conjugue à l’arbitraire et au racisme». Devenus des cibles potentielles, ces Algériens comme les autres Arabes et musulmans font les frais de la «paranoïa post-11 septembre». Trois cas d’Algériens détenus et accusés de collaboration avec les terroristes, ont révélé au monde entier l’étendue des dépassements des autorités occidentales et américaines. Trois Algériens, deux aux États-Unis et un autre en Grande-Bretagne. Le premier a défrayé la chronique mondiale. Il s’agit du pilote Lotfi Raïssi défendu sur ces mêmes colonnes: «(…) Les Anglais enquêtent, arrêtent puis coffrent Lotfi. Dès le lendemain, il va être jeté en pâture aux médias friands rien qu’à l’idée de casser encore de l’Arabe…Cet Algérien peut, à tout moment, être extradé aux USA pour subir une parodie de justice. Il pourrait être le bouc émissaire parfait à envoyer sur la chaise électrique (…)» a écrit le 29 décembre 2001, Ahmed Fattani, directeur de publication, dans un éditorial consacré au cas de cet Algérien. Installé à Londres, Raïssi a été accusé par le FBI d’avoir entraîné un des kamikazes des attaques terroristes sur le World Trade Center en septembre 2001. Il sera incarcéré pendant sept mois à la prison de haute sécurité de Belmarsh (sud de Londres). Faute de preuves il a été libéré avant d’intenter un procès contre le FBI. L’affaire Raïssi a révélé l’ampleur des tâtonnements des enquêteurs. Le second cas a fait l’objet d’un témoignage accablant rapporté par le prestigieux quotidien américain Washington Post, il y deux ans. Benamar Benatta, officier de l’armée de l’air algérienne, arrêté le 9 septembre 2001 dans la ville de Bufallo alors qu’il tentait de rentrer au Canada. Écroué pour séjour illégal, il deviendra pour le FBI un potentiel suspect et subira les outrances dans la prison de Brooklyn à New York. Enfin, le troisième cas a été celui de Samir Abdoun. Arrêté à San Diego en Californie, Samir a passé trois ans de prison. Il a été accusé d’avoir des liens avec deux kamikazes des attaques du 11 septembre. Les charges retenues contre lui ont été abandonnées ensuite par la justice qui l’a expulsé vers l’Algérie en décembre 2004.

B.TAKHEROUBT