Les actes d’intimidation à l’égard des familles de « disparus » doivent cesser

Amnesty International

23 septembre 2005

Les actes d’intimidation à l’égard des familles de « disparus » doivent cesser

A l’approche du référendum du 29 septembre sur la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », Amnesty International France (AIF) est vivement préoccupée par la recrudescence des actes d’intimidation contre les organisations de familles de « disparus ». AIF engage les autorités algériennes à mettre fin à toute forme de harcèlement à leur encontre. Les organisations qui font campagne sur cette question doivent pouvoir exercer légalement et librement leurs activités, dans le respect des obligations de l’Algérie définies par le droit international, en particulier la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme du 9 décembre 1998.

Le 22 septembre dernier, des familles de « disparus » à Constantine ont été empêchées de tenir leur rassemblement hebdomadaire devant le cabinet de la wilaya (préfecture). Le lieu du rassemblement est proche du stade Ramdane Ben Abdelmalek où devait se tenir le même jour un discours public du Président Abdelaziz Bouteflika en amont du référendum du 29 septembre. Les familles de « disparus » s’opposent à la Charte qui vise à exonérer les forces de sécurité de leur responsabilité pour des milliers de « disparitions » entre 1992 et 2003.
Selon des témoins oculaires, le lieu du rassemblement était déjà encerclé par des centaines de membres des forces de l’ordre en civil et en uniforme quand les premières familles sont arrivées vers 9 heures du matin. Six parentes de « disparus » ont été emmenées de force dans une voiture de police. Selon Louiza Saker, épouse d’un « disparu » et Secrétaire générale de l’Association des familles de disparus de la wilaya de Constantine, les femmes – dont quatre mères de « disparus » âgées de 65 à 70 ans – ont reçu des coups de matraques, coups de poings, gifles et injures. Elles ont été emmenées au commissariat central et interrogées sur leurs activités et sur la « disparition » de leur proches, avant d’être relâchées vers 16 heures.
Deux autres parents de « disparus » ont également été arrêtés dans la matinée et détenus jusqu’à 15 heures 30, dont Rabah Benlatrèche, Président de l’Association des familles de disparus de la wilaya de Constantine.

Ce n’est pas la première fois que les proches de « disparus » font l’objet de pratiques d’intimidation. Des membres du bureau de l’association SOS Disparus à Alger auraient reçu, depuis le début du mois de septembre, plusieurs appels anonymes de menaces en raison de leurs activités pacifiques en faveur des « disparus ». Le 14 septembre, un père de « disparu » aurait été mis en garde à vue pendant 3 heures au motif qu’il distribuait des tracts demandant vérité et justice pour les « disparus ». Le 17 septembre, le bureau de SOS Disparus à Oran aurait été perquisitionné sans mandat par trois policiers en civil.

En Algérie, aucune mesure concrète n’a été prise pour faire la lumière sur le sort des milliers de personnes « disparues » entre 1992 et 2003. Aucune suite n’a été donnée aux plaintes pour enlèvement et séquestration déposées devant les tribunaux algériens. Les autorités persistent à nier la responsabilité des agents de l’Etat pour les « disparitions ».

Dans un communiqué rendu public le 22 août 2005, Amnesty International avait exprimé ses préoccupations concernant les mesures proposées dans la Charte, qui nie en particulier toute responsabilité de l’État dans les « disparitions », affirmant que tout agent de l’État convaincu d’acte illicite a été puni. La Charte risque de porter atteinte aux droits des victimes et de limiter les activités des défenseurs des droits humains pour la vérité et la réconciliation.

Amnesty International participe à la « Nuit contre l’oubli » samedi 24 septembre à 18h, place de la République à Paris, en solidarité avec les victimes de graves atteintes aux droits humains en Algérie.