Huit Algériens croupissent dans le «Guantanamo» britannique

Détenus sans jugement pour terrorisme

Huit Algériens croupissent dans le «Guantanamo» britannique

Par Zouaoui Mouloud, Le Jeune Indépendant, 28 décembre 2004

H uit Algériens font partie des treize ressortissants étrangers de confession musulmane incarcérés depuis près de deux ans dans les prisons de haute sécurité en Grande-Bretagne, suite aux vastes opérations d’arrestation dans les milieux des demandeurs d’asile entre novembre 2002 et avril 2003.

Ces arrestations avaient été opérées notamment à Londres, Manchester et Edinburgh, dans le cadre de la loi de 2001 relative à la sécurité et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme, promulguée par le gouvernement de Tony Blair, qui autorise la police à placer en détention un ressortissant étranger soupçonné de terrorisme pour une durée indéterminée et sans rendre publiques les charges retenues contre lui.

Les autorités ont également refusé de révéler les identités de ces 8 Algériens, se contentant de les désigner par leurs initiales. Placés en isolement, ils sont soumis à un régime carcéral insoutenable, selon le témoignage de psychiatres qui les avaient examinés, à la demande de leurs avocats.

Aucune indication n’avait été fournie sur l’identité et la nationalité des détenus de ce qui est appelé par les organisations de droits civiques le «Guantanamo» britannique, en référence à la prison de haute sécurité de Belmarsh (sud de Londres).

Selon la presse londonienne citant le collectif des avocats chargé de leur défense, il s’agit en premier de «K» qui est entré en Grande-Bretagne en 1998 en provenance d’Espagne. Ayant formulé une demande d’asile, il est soupçonné d’être un membre important du réseau El-Qaïda d’Oussama Ben Laden.

Arrivé en Grande-Bretagne en 1989 pour poursuivre des études, «A», âgé de 37 ans, est soupçonné par les services de renseignements britanniques de financer des groupes activant en Afrique du Nord, sans qu’il soit précisé lesquels.

Agé de 33 ans, «B», quant à lui, est entré dans ce pays en 1994. Il est présenté comme étant membre d’un groupe terroriste algérien et aurait, selon les services de sécurité britanniques, soutenu les combattants indépendantistes tchétchènes.

Le quatrième est présenté sous l’initiale de «G» et serait un membre actif du réseau de soutien du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Souffrant de sévères troubles, suite aux dures conditions de détention auxquelles il a été soumis, «G» a été remis en liberté sous caution le 22 avril dernier, par ordre de la Special Immigration Appeal Commission (SIAC, commission spéciale des recours en matière d’immigration).

«G» était détenu sans inculpation ni jugement dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres, depuis le 19 décembre 2001. Mais cette libération n’équivaut point à la liberté totale, ce dernier ayant été placé en résidence surveillée : «G» ne peut pas sortir de chez lui sans être accompagné par des policiers et il doit porter un bracelet électronique.

Tout contact avec des personnes autres que sa femme, sa fille et son avocat doit être préalablement autorisé par le ministre de l’Intérieur. Il n’a pas le droit d’utiliser des équipements de communication avec le monde extérieur et la ligne téléphonique de son domicile a été remplacée par une installation spéciale fournie par les autorités britanniques.

Il convient de signaler qu’un autre Algérien «D» avait été libéré le 20 septembre dernier, après deux ans de détention, par le ministère de l’Intérieur, arguant alors qu’il ne représentait plus aucune menace pour la sécurité du pays.

Arrivé en 1993 en Grande-Bretagne, «H» avait déposé une demande d’asile humanitaire, mais les autorités britanniques l’ont interpellé et mis en détention en le soupçonnant d’être un membre du réseau de soutien du GSPC. Arrivé en Grande-Bretagne en février 1999, «P», handicapé des deux mains, a été arrêté en 2001 pour possession de «publications subversives».

Ces accusations ont été abandonnées. Il a été ensuite libéré en mai 2001 mais demeure en liberté surveillée. Détenu à Belmarsh, «I» est arrivé en Grande-Bretagne en 1995 pour demander l’asile. Il est considéré comme «un membre chargé de la collecte des fonds au profit de l’organisation El-Qaïda».

Le dernier de la liste, «S», demandeur d’asile, est arrivé au Royaume-Uni en novembre 1998, vraisemblablement venant du Pakistan avec un faux passeport belge. Un autre détenu identifié sous l’initiale de «Q» demeure un mystère pour les avocats, compte tenu du fait que rien n’a filtré à son sujet.

Ces Algériens croupissent en prison avec cinq autres ressortissants arabes dont le plus connu est le Jordanien Abou Qotada, installé en Grande-Bretagne depuis 1993. Il serait même recherché par la police de son pays. La chambre des Law Lords avait jugé il y a quelques jours leur détention illégale et réclamé leur libération, infligeant ainsi un sévère camouflet au gouvernement britannique.

Z. M.