Le nouveau choix démocratique anglais : le cercueil ou la camisole de force

LETTRE OUVERTE AUX EUROPEENS

Le nouveau choix démocratique anglais :
le cercueil ou la camisole de force

Par Karyn Agostini-Lippi, citoyenne franco-européenne

Voici ‘A’, ‘B’, ‘G’, ‘H’, ‘K’ et ‘P’, tous Algériens, tous réfugiés, tous condamnés.
Tous étaient contrôlés par bracelet électronique après avoir été détenus, sans accusation ni procès, à Belmarsh, centre de villégiature de haute sécurité, et pour certains à Broadmoor, maison de repos carcérale, pendant trois ans.
Comme ils sont peu coopératifs ces hommes qui refusent de retourner dans leur pays pour être torturés !
Comme ils sont peu coopératifs ces juges qui veulent toujours appliquer la loi et refusent ainsi leur expulsion !
Mais alors, comment tester cette nouvelle politique du « tous surveillés pour vivre libres plus longtemps » ? Comment faire accepter la politique du « délit de faciès » après la « bavure brésilienne » ?
Qu’à cela ne tienne ! Pourquoi aller risquer de traquer des loups alors que des lapins sont déjà pris au collet !
Les Six sont là, assignés à résidence chez eux ou à l’hôpital. Rien de plus simple : personne à rechercher, rien à prouver. Donc, moindre coût et pas de bavure. Il suffit de les cueillir au saut du lit et de les enfermer dans le plus grand secret néanmoins médiatisé, mais assez loin de la capitale pour éviter les mouvements intempestifs des organisations humanitaires et les questions embarrassantes.
Cette solution est parfaite à tous points de vue. Déjà, en ne révélant pas qui ils sont, on les déshumanise, on les fond dans la masse floue et terrifiante des extrémistes, terroristes, islamistes, et autres bêtes noires dont personne ne veut entendre parler sauf pour apprendre qu’ils ne feront plus de mal à personne.
Ainsi, la sage et apeurée population prête à s’enfermer elle-même dans un espace de plus en plus restreint qu’elle s’entête à appeler « Liberté » n’aura cure de connaître le triste sort réservé à ces six hommes, ou plutôt à ces six cobayes.
Alors, bien sûr, les avocats vont faire appel de la décision d’expulsion. Mais peu importe, bien au contraire même. Car ces six hommes, déjà fragilisés par leur premier séjour en détention et les conditions induites par l’assignation à résidence, ne résisteront pas longtemps à cette nouvelle incarcération. Ils ne supporteront pas les délais imposés par les recours ; « des mois, voire des années », a dit le gouvernement.
Ainsi pour ceux qui étaient hospitalisés pour troubles mentaux dus à un stress post-traumatique, le désespoir aura tôt fait de les achever. Qui ne s’alimentera plus, qui ne prendra plus ses médicaments. Ils pourront de ce fait rentrer dans leur pays sans faire de bruit, les pieds devant, emballés dans un joli cercueil.
Et qui sera responsable ?
Le gouvernement ? Bien sûr que non puisqu’il avait pris des accords pour qu’ils puissent être expulsés sans risque d’être torturés !
Les responsables seront les juges qui n’auront pas permis cette expulsion par leur entêtement à appliquer les lois sur le respect des droits de l’homme. Tel sera, du moins, ce que laisseront entendre les autorités.
Quant aux autres, ceux des six toujours en vie, ils pourront alors être expulsés sans plus de résistance des magistrats stigmatisés et sans trop de difficultés car, rendus fous par leurs conditions de détention, la peur et la mort de leurs amis, ils pourront être embarqués au petit matin avec une camisole de force !
Et eux non plus ne seront pas torturés parce que ce sera devenu inutile !

Marseille, le 24 août 2005