Des familles de disparus «convoquées» par le DRS

Disparus
Des familles de disparus «convoquées» par le DRS

El Watan, 22 juin 2003

SOS Disparus et le Collectif des familles de disparus en Algérie ont saisi, dans une lettre rendue publique hier, la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CNCPPDH, officiel) sur des cas de «pressions» subies par les proches de disparus dans la wilaya d’Oran. Selon les deux ONG, plusieurs familles de disparus ont été convoquées, depuis le 13 mai dernier, par les services du Département de sécurité et de renseignements (DRS, ex-Sécurité militaire) au niveau de ses locaux à la rue Nancy, sur le Front de mer à Oran.

Il s’agit des familles Benmeghni Mustapha, Tiarti Aïssa, Ben Rached Hasni, Ben Dine Allal, Ben Saâdoune Abdelkrim, Hamida Hmida, Merzougi Nourreddine, Kihlou Mahieddine et Bouguetaya Yakout. D’après ces associations, des fonctionnaires du DRS ont demandé aux personnes convoquées de se présenter avec un livret de famille, une photo du disparu, un extrait d’acte de naissance et une fiche familiale. Elles ont été interrogées sur les circonstances de la disparition des proches. On leur aurait demandé de revenir le lendemain pour signer un procès-verbal. Aux interrogations de ces familles, un agent leur aurait déclaré que l’Etat leur versera une aide sociale et des allocations familiales. Or, ont poursuivi les deux ONG, en y retournant le lendemain, Bouguetaya Yakout a refusé de signer le PV. «Le document contenait un faux témoignage disant que son fils disparu, Acem Abdelkader, est une victime du terrorisme», est-il souligné dans la lettre. D’après SOS Disparus et le Collectif des familles de disparus, Acem Abdelkader a été enlevé, le 16 janvier 1994, par les services de sécurité du domicile de son voisin à la cité des 150 Logements à Maraval, quartier d’Oran, sous les yeux de sa famille et de ses voisins. Pour les deux organisations, cette «manœuvre de l’Etat» vise à disculper les services de sécurité, impliqués dans les disparitions, en accusant les groupes terroristes. Le second objectif serait de «faire accepter de force» aux familles le principe de l’indemnisation sans tenir compte «du droit à la vérité et à la justice». Les deux ONG ont demandé à la CNCPPDH de mettre un terme à cette situation et d’annuler les PV signés par les familles convoquées. Au niveau de la commission de Farouk Ksentini, les démarches ont été enclenchées hier pour, nous a-t-on dit, tirer cette affaire au clair. En avril 2003, Lakmiti Malika de Jijel, dont l’époux a été enlevé en 1995 par «des gendarmes et des militaires en compagnie d’un informateur cagoulé», a été contactée par le tribunal pour «enquête». Après un interrogatoire sur la disparition de son mari, le procureur l’aurait informée, sans explication, que le mari Lakmiti est décédé, qu’il l’a appris par une liste reçue du ministère de la Justice mentionnant des personnes décédées. Le procureur lui a annoncé que les autorités vont la contacter pour un dossier d’indemnisation. «Si le ministère de la Justice a mené une enquête, les résultats doivent en être communiqués à la famille», a indiqué alors l’ONG. La question de l’indemnisation est également posée. Car, comme l’a soutenu l’avocat Ksentini, l’indemnistation ne peut être effective que suite à un vote du Parlement. Cette idée a été inscrite dans le rapport sur les droits humains remis, fin mars, par la commission à Bouteflika et qui tarde à être publié. Hier, SOS Disparus a relancé l’appel pour libérer Abdelkader Mezouar, mécanicien à Aïn Taya, localité de l’est d’Alger. L’homme a disparu depuis son arrestation, le 2 juillet 2002 à 6 h 45, par «quatre individus armés de la Sécurité militaire» dans son garage, selon un communiqué publié hier par SOS Disparus. Battu par les quatre hommes, il a été embarqué dans une Clio bleue vers une destination inconnue. Le 17 avril 2003, selon SOS Disparus, le père de la victime a été convoqué par un officier de gendarmerie de Rouiba qui lui aurait demandé de cesser de se plaindre auprès des hautes autorités sinon son fils, encore vivant, risquait de disparaître. Contacté, le secrétaire général de la CNCPPDH, M. Boucetta, a indiqué que les services de sécurité ont affirmé que Mezouar a été enlevé par des «individus non identifiés». Sans autre précision.

Par Ad. M.