Patience mais pas résignation

Patience mais pas résignation

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 31 août 2016

S’inscrivant en faux contre la prédiction alarmiste d’une rentrée sociale qui serait appelée à être explosive, faite par des acteurs politiques ou sociaux en s’appuyant pour la faire valoir sur la montée du mécontentement suscité par la détresse dans laquelle la crise économique et financière a plongé la majorité écrasante des familles algériennes, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales a assuré qu’elle se déroulera dans de « très bonnes conditions » et que les pouvoirs publics sont « sereins » pour dans ce but avoir préparé le terrain depuis des mois.

Dans sa déclaration qu’il voulait rassurante sur le sujet, il a percé néanmoins une note d’inquiétude qui doit tarauder les esprits au sein des cercles dirigeants qu’il a manifestée en interpellant «les citoyens revendicatifs » pour leur demander de « mettre autant d’ardeur à préserver les acquis qu’à avoir des revendications ». Toujours à l’intention de ces « citoyens revendicatifs », Noureddine Bedoui a décoché qu’il ne peut y avoir de « préservation » des acquis consentis par l’Etat à son profit que si la stabilité du pays constitue pour eux une priorité consacrée. L’interpellation du ministre de l’Intérieur est de la même veine que celle fameuse de John F.Kennedy à l’endroit de ses compatriotes les appelant à se demander d’abord ce qu’ils « peuvent faire pour leur pays plutôt que ce qu’il peut faire pour eux ».

Il est clair que tout en affichant une sérénité apparente sur ce que la rentrée sociale leur réserve, les autorités du pays n’en sont pas moins inquiètes de la montée du mécontentement et de la colère que suscite dans la population la détérioration allant en s’aggravant de son pouvoir d’achat et par voie de conséquence de son niveau de vie. Certes, il est excessif de tabler sur une implosion sociale pour la rentrée aux conséquences désastreuses pour la stabilité et la sécurité du pays ainsi que le clament certains augures qui font sciemment dans l’alarmisme.

A court terme comme l’attestent des analystes économiques peu suspects d’être dans la connivence avec les pouvoirs publics et leur politique économique et sociale, l’Etat disposera encore de quoi éviter que la situation sociale dans le pays s’enflamme au point qu’elle génère une implosion aux conséquences non maîtrisables. Ils insistent tous néanmoins pour alerter que ce court terme durant lequel les autorités sont en mesure de gérer les tensions sociales ne doit pas être consacré uniquement à éteindre les départs de feu de la contestation et de la revendication, mais à accélérer la mise en place des conditions de la relance de l’économie nationale sur des bases visant à l’extraire de la dépendance des hydrocarbures et à sa diversification source de revenus financiers assurés et de satisfaction des besoins primordiaux pour le pays et la population.

Si instruits par une expérience douloureuse, les Algériens s’arment de patience devant une situation qui affecte leurs conditions de vie et refusent d’écouter les voix de sirènes qui les poussent à s’engager dans l’irréparable d’une confrontation avec le pouvoir cause de cette situation. Ils ne persisteront certainement pas dans cette attitude si celui-ci s’en tient à sa démarche et sa gouvernance présentes qui n’ont de but que sa sauvegarde propre.

Il aurait tort ce pouvoir de croire que la patience des citoyens est signe de leur résignation à la descente aux enfers que leur valent son imprévoyance et son impéritie.