Une presse sans déontologie

Une presse sans déontologie

Par Mohamed Harbi, 24 mai 2005

Il s’agit d’Echourouk qui a développé, dans un écrit datant du 23 mai, la calomnie selon laquelle j’aurais affirmé avoir été contacté, en 1992, par les généraux pour assumer la Présidence. Ce n’est pas avec une telle méthode qu’on fait barrage aux détracteurs de la langue arabe. On ne fait que les conforter. Cette calomnie me met dans une alternative meurtrière : si je ne déments pas, on prendra mon silence pour une reconnaissance de la vérité ; si je déments, c’est d’une certaine manière donner consistance à la calomnie. Ceux qui me connaissent savent que tout ceci n’est qu’un tissu de mensonges qu’aucune preuve ne peut étayer. Ils connaissent la persistance de mes convictions démocratiques et mon refus de toute manigance politicienne. Plutôt que démentir, je poserai la question suivante : quelles sont les raisons d’une telle attaque qui vise plus loin que ma simple personne ? En fait, ce sont mes travaux d’historien soucieux de l’exactitude des faits, quelles qu’en soient les conséquences, qui gênent. Je ne peux donc y répondre qu’en allant plus loin dans la déconstruction des mythes et dans la recherche de la vérité. Essayons d’analyser de plus près les raisons d’une calomnie qui espère, selon l’adage bien connu «calomniez, calomniez il en restera toujours quelque chose», réussir une opération louche. Son but, conformément aux procédés de la propagande des milieux autoritaires et prédateurs, est de démoraliser les candidats à la citoyenneté, de les persuader de l’inutilité de leur résistance au mensonge et de leur impuissance à établir la vérité. Les adversaires de la démocratie ont changé de défroques. Ils n’ont pas renoncé à reconduire les servitudes séculaires propres à un passé révolu. Venons-en aux faits : le déroulement de l’opération est consécutif à une série de conférences qu’avec le professeur Lemnouar Merrouche nous avons données à l’université de Khenchela et à l’Ecole normale supérieure de Constantine sur les deux thèmes suivants : Mémoire et histoire, la Mémoire de la guerre d’indépendance et les enjeux politiques en France. A Constantine, la conférence donnée aux étudiants le 19 mai a été suivie d’une discussion avec eux. Un débat était prévu pour le 20 mai dans la matinée avec les enseignants. Ce jour-là, deux hommes s’étaient présentés sans rendez-vous à l’hôtel Panoramic où l’ENS nous avait logés. J’étais avec mon ami et collègue Lemnouar Merrouche, l’un d’eux, M. Mehdi Houcine m’a demandé une préface à un ouvrage «non terminé». Son compagnon, M. Filali Rachid, a sollicité un entretien pour Echourouk que j’ai décliné. Il n’y a eu aucun aparté avec ces deux hommes, prévenus que nous étions contre des personnes qui forçaient notre porte munies d’un appareil photographique et dont le «professionnalisme» prêtait à contestation. Tout ce qu’a donc écrit Echourouk relève de l’affabulation et du montage. Les pratiques de ce journal nous concernent tous. Si chacun, là où il se trouve, s’implique dans la lutte contre les manipulations et le mensonge, la vie politique ne se réduirait plus au simple jeu des pouvoirs institués et des factions, la presse y gagnerait en crédibilité et nous serons tous à ses côtés dans sa lutte pour la liberté d’expression. Enfin, les archaïsmes s’effaceraient au profit d’une culture démocratique qui rendrait vains les appels à la servitude volontaire.