Henry Clayman : “Comment casser le tabou du lobby israélien aux États-Unis”

Il a animé hier une conférence à l’université d’Es-senia

Henry Clayman : “Comment casser le tabou du lobby israélien aux États-Unis”

Par : F. Boumediène, Liberté, 29 novembre 2007

Le département des sciences politiques de l’université d’Es-Senia a accueilli, hier, M. Henry Clayman de l’université du Texas dans le cadre d’une conférence intitulée “Le lobby pro-israélien aux États-Unis”.
Accompagné du directeur du Centre américain d’études maghrébines, cet universitaire, qui se trouvait face à un auditoire essentiellement composé d’étudiants, a pris comme trame de référence à sa conférence le dernier ouvrage polémique de John J. Malarsher et Stephen M. Walt sur le lobby israélien. Un ouvrage édité en Angleterre faute d’avoir pu trouver un éditeur américain courageux.
M. Henry Clayman, rendant hommage à ses deux confrères pour le travail très documentés qu’ils ont fourni — il s’agissait au départ d’une commande pour une revue spécialisée —, estime que la thèse développée dans le livre va permettre de “casser un tabou intellectuel aux États-Unis”. “En tant qu’intellectuels et universitaires, nous souffrons beaucoup de la pression qui s’exerce sur nous si on soulève la question d’ Israël de façon objective, on est accusé de préjugé, même d’antisémites, car il y a un noyau de pression important où on est pro-israélien où on est un danger”.
Et de donner plusieurs exemples de personnalités ayant eu à subir les “attaques” des groupes pro-israélien comme l’ex-président Carter et d’évoquer ce climat. “Dans le monde universitaire, les médias, les journalistes doivent s’autocensurer s’ils veulent continuer à travailler.”
Témoignage qui en fait n’est pas surprenant pour peu que l’on connaisse la société et le système américain, mais ce qui est significatif c’est que cela est dit par un Américain ; en cela la chose est importante tout comme le contenu de l’ouvrage en question qui, effectivement, casse un tabou et lève le voile de la chape de plomb maintenue par les lobbys pro-israéliens aux États-Unis.
L’intervenant poursuit en expliquant sa conviction que cet ouvrage va “permettre d’ouvrir un vrai débat sur la question du lobby pro-israélien et son influence sur la politique étrangère de son pays.
La question tombe également à un moment où l’administration Bush se trouve affaiblie par rapport à la guerre en Irak avec un revirement de l’opinion américaine sur cette question.
L’universitaire apportera des précisions sur ce que sont les lobbies aux États-Unis, leurs rôle et influence au niveau des centres de décision, que ce soit dans l’exécutif ou le législatif, et de citer le groupe AEPAC qui est l’organisme le plus important et le plus puissant dans le lobby israélien.
Le financement de campagnes électorales pour le Congrès ou les présidentielles aux États-Unis est un moyen de pression des plus forts et de citer le cas de sénateurs ayant perdu les élections parce que n’ayant pas suffisamment joué le jeu d’AEPAC : “Dans les élections, il faut se dire amis d’Israël et surtout ne pas aborder des questions de fond.”
Pour l’universitaire, en plus du livre des deux auteurs considérés comme des experts, l’une des raisons qui pourrait amener un changement dans l’opinion des Américains ayant une très grande inculture pour ce qui touche à l’étranger, c’est le scandale d’un fonctionnaire du département de la Défense américaine qui doit, en janvier prochain, être jugé pour avoir vendu des informations secrètes à deux responsables d’AEPAC qui comparaîtront également.
Le conférencier reviendra encore longuement sur la politique américaine au Proche- Orient, la Palestine, les risques d’une agression contre l’Iran, tout cela sous l’angle des intérêts israéliens dans la région.
Si changement devait y avoir aux États-Unis quant au rôle du lobby pro-israélien d’ouvrir le débat sur cet aspect du fonctionnement du système américain, le conférencier se dit persuadé qu’il ne pourra pas venir en créant des lobbys pro-arabes, mais de l’intérieur même du lobby pro-israélien car “en fait, ce qui se passe jusqu’ici ne rend pas service aux intérêts américains”.
Lors des débats et des échanges qui se sont déroulés avec les étudiants et des enseignants, l’orateur estimera que les lobbys dans leur ensemble ne peuvent remettre en cause les pratiques démocratiques comme cela lui avait été suggéré.
Les prochaines élections présidentielles, et surtout la campagne qui a déjà été lancée, seront un indicateur si une évolution peut être attendue.

F. BOUMEDIÈNE