Le site du quotidien algérien El-Khabar piraté, l’identité des hackers fait polémique

Le site du quotidien algérien El-Khabar piraté, l’identité des hackers fait polémique

Aïssa Bouziane, Maghreb Emergent, 7 juillet 2013

Pirate politique ou oeuvre de hackers classiques? Le piratage du site du quotidien El-Khabar relance la polémique sur la sécurité informatique en Algérie.

Le site du quotidien algérien El Khabar, un des plus visités du pays, a été attaqué dimanche par des hackers affirmant appartenir aux fameux groupe « Anymous ». Le site était devenu inaccessible dans la matinée, avant d’être partiellement rétabli en début d’après-midi. Tôt le matin, seul le célèbre masque, étendard des « Anymous », était visible sur la page d’accueil. En fin de matinée, la direction du site a affiché des excuses aux internautes, affirmant que le site était « en maintenance », sans toutefois faire état d’un piratage. En début d’après-midi, le site a affiché la version papier du journal, avec la mention : « Nous nous excusions auprès de nos visiteurs. Le site d’El-Khabar fait l’objet d’une opération de maintenance nécessaire. Merci de votre compréhension. »

Dans la matinée de dimanche, la page d’accueil du site d’El-Khabar avait affiché la mention : « WE ARE ANONYMOUS. Destroyed … This is only the first step … Expect Us, #NewsOperation ». Nous sommes les anonymous. Détruit…. Ce n’est qu’un premier pas… Attendez-nous ».

Les « Anonymous » sont devenus célèbres en menant des actions spectaculaires en vue de défendre la liberté d’expression. Leurs actions, symboliques, sont destinées à frapper l’opinion. L’attaque contre le site d’El-Khabar porte leur insigne, mais rien n’est venu confirmer qu’il s’agit bien de ce groupe. Le journal lui-même n’a pas communiqué sur cette affaire.

Le quotidien El-Khabar est le quotidien le plus influent d’Algérie. Son site, très suivi, est l’un des plus influents du pays. En l’absence de statistiques officielles, un spécialiste des médias estime qu’il est en compétition avec celui du journal Echorouk pour le titre de la plus grande audience. Toutefois, Echorouk est un journal populaire, avec les excès que ce cela entraine, alors qu’El-Khabar parait « plus institutionnel », selon ce spécialiste.

Hackers ou piratage politique

Dimanche, El-Khabar a publié, en première page, une interview du président du sénat Abdelkader Bensalah, qui fait l’objet d’une violente controverse. M. Bensalah affirme, dans cette interview, qu’il est algérien d’origine. La rumeur, relayée par les réseaux sociaux, voudrait qu’il soit d’origine marocaine, et qu’il n’aurait obtenu la nationalité algérienne qu’en 1965, même s’il a rejoint le FLN pendant la guerre d’indépendance. La controverse parait sans objet, mais elle est essentielle à l’heure actuelle : en effet, en cas de vacance du pouvoir en Algérie, c’est le président du sénat qui doit assurer l’intérim du président de la république pour une période de 45 jours. Or, la constitution algérienne précise que le chef de l’Etat doit être de nationalité algérienne d’origine. Cette question est sur toutes lèvres depuis la maladie du président Abdelaziz Bouteflika, soigné puis admis en convalescence en France depuis le 27 avril.

Le journal El-Khabar est resté très prudent sur cette affaire. Toutefois, au sein de la rédaction, évoque l’interview de M. Bensalah comme l’explication « la plus plausible » de ce piratage.

Par ailleurs, le piratage du site d’El-Khabar relance la polémique sur la sécurité informatique, très faible en Algérie. Farid Farah, enseignant à l’université de Bab-Ezzouar et spécialiste des Télécom, estime que le groupe « Anonymous » est devenu « un label derrière lequel peut se cacher n’importe qui ». Selon lui, les sites internet algériens sont, pour une « écrasante majorité », attaqués par des hackers marocains. Il note aussi le faible niveau de la sécurité informatique en Algérie, mais ceci n’est pas en cause dans le cas d’El-Khabar, dit-il, car le site est hébergé à l’étranger. C’est la législation du pays d’hébergement qui s’applique, dit-il.

Défaillance en matière de sécurité

A l’exception de sites officiels, peu de sites algériens sont hébergés en Algérie. Beaucoup expliquent ce choix par la difficulté qu’éprouvent les internautes résidant hors d’Algérie d’accéder aux sites hébergés en Algérie. La plupart des entreprises préfèrent ainsi héberger leurs sites à l’étranger, avec des extensions en .com ou .net, l’extension dz, pour l’Algérie, étant très peu utilisée.

Abderrafik Khenifsa, directeur de publication de la revue ITMAG, confirme lui aussi que les attaques informatiques de la part de hackers marocains contre des sites algériens, et inversement, augmentent en période de tension entre l’Algérie et le Maroc. Il tempère toutefois cette affirmation en rappelant que « 80% des attaques informatiques proviennent de l’intérieur de entreprises ». Il convient que le niveau de sécurité est très faible, ajoutant, avec une pointe d’humour : « nous sommes sauvés par notre lenteur. Un hacker est vite lassé par la lenteur du débit de l’internet algérien ».