Trump veut investir en Algérie

WASHINGTON-ALGER

Trump veut investir en Algérie

Le Soir d’Algérie, 6 février 2017

Le très controversé Donald Trump aurait-il jeté son dévolu sur l’Algérie ? A l’heure où il soulève un tollé mondial en fermant les portes des USA à une majorité de pays arabes et musulmans, il fait montre d’un visage avenant aux autorités d’Alger se laissant même aller à des commentaires et des promesses flatteuses avec nos représentants officiels.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Dans les milieux diplomatiques algériens, l’information a fait très vite le tour. Lors de la cérémonie officielle au cours de laquelle le nouveau Président des Etats-Unis reçoit les représentants des pays étrangers accrédités aux USA, Donald Trump lâche un commentaire auquel l’ambassadeur algérien ne s’attendait certainement pas à ce moment. «Vous avez un très grand pays, riche, nous allons travailler ensemble. Je pense que je vais investir chez vous.» L’ambassadeur le félicite une nouvelle fois pour son accession à la Maison Blanche. Ses propos sont fidèles au contenu du texte adressé par le Président algérien à Trump au lendemain de sa victoire. Alors que la majorité des pays tardent à faire connaître leur réaction, Bouteflika, hospitalisé à Grenoble, qualifie cette élection de «brillante», de reflet de «la confiance» placée en lui par ses électeurs et du «témoignage de la reconnaissance» de ses capacités. Dans le lot des réactions d’hostilité et des messages d’inquiétudes à peine voilée des leaders de la planète, le message de Bouteflika en devient singulier.
Aux critiques internes sur cette promptitude à publier un texte aussi élogieux, des voix s’élèvent pour laisser entendre que «l’Algérie sait de quoi elle parle». Mais les Algériens eux n’en sauront pas plus. «On» remarque seulement que les évènements qui se déroulent semblent bien accréditer cette thèse. La rapidité avec laquelle l’ambassadrice des Etats-Unis accréditée en Algérie a tenu à démentir formellement le blocage d’un ressortissant algérien dans un aéroport new-yorkais. L’agence de presse (APS) gouvernementale algérienne, qui ne s’avance jamais sur des terrains périlleux sans confirmation, avait annoncé auparavant qu’un citoyen algérien figurait parmi une soixantaine de personnes bloquées dans ce même aéroport sans aucune raison valable.
Cette situation avait alerté l’Algérie en raison de la coïncidence de cet évènement avec la promulgation du fameux décret interdisant l’accès des Etats-Unis aux ressortissants de sept pays. L’affaire se dénoue sans en livrer les tenants et les aboutissants. Mais les organes de presse étatiques algériens maintiennent la véracité du blocage fait à un Algérien. Des sources généralement bien informées sur ces sujets affirment que l’affaire en question ne peut s’expliquer que par deux raisons. Un cafouillage induit par la décision de Trump de fermer les frontières US à certains pays, ou «un durcissement du contrôle des douanes à l’égard de certains pays». L’Algérie figure en effet sur une liste de 23 pays qualifiés de «récalcitrants ou non coopératifs» dressée l’été dernier par l’Agence américaine chargée de l’immigration et du contrôle des douanes. Les pays concernés sont accusés de ne pas remplir toutes les conditions de coopération nécessaires telles que le refus d’établir des vols charters ou les difficultés d’obtention de certains documents de voyage.
L’Algérie s’était alors officiellement engagée à régler le problème. Donald Trump avait perçu cette décision, prise sous le règne dObama, d’un mauvais œil et promis de traiter le problème au cas par cas avec les pays qui «coopèrent». L’Algérie en fait visiblement partie.Loin des menaces proférées au monde musulman, souvent qualifié d’exportateur de terrorisme, l’administration Trump publiait, il y a deux jours, une fiche d’information via le Département d’Etat américain qualifiant l’Algérie de «partenaire capable (…) avec lequel les Etats-Unis entretiennent une forte coopération en matière de diplomatie de maintien de l’ordre et de la sécurité».
Des sources diplomatiques affirment que l’intérêt premier se situe au niveau géographique. «Avec l’Afrique du Sud, les USA ont toujours considéré l’Algérie comme l’un des pays africains sur lesquels ils peuvent compter d’un point de vue stratégique. L’expérience algérienne en matière de lutte anti-terroriste a renforcé ce sentiment. Ce dernier point attire particulièrement Donald Trump, apparemment, puisqu’il veut axer toute sa stratégie sur la lutte contre le terrorisme. Il veut donner de lui l’image de l’homme qui a réussi à venir à bout des nébuleuses terroristes et c’est sur ce point particulier que l’Algérie l’intéresse.»
La dernière fiche de l’administration Trump révèle, en effet, que les Etats-unis ont l’intention «d’aider l’Algérie à parvenir à une diversification économique et à accéder à l’Organisation mondiale du commerce et libéraliser son climat d’investissement. Autant de vœux pieux émis en parallèle avec un programme de développement de la société civile algérienne grâce à un fonds d’allocations.
«Bien sûr, poursuit la même source, il ne faut pas perdre de l’esprit que Trump a, avant tout, le sens des affaires. Il a flairé les bonnes occasions dans un pays vierge».
A. C.