Obama, l’Iran et le lobby de la guerre

Obama, l’Iran et le lobby de la guerre

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 16 novembre 2008

Quelle politique mènera Barack Obama à l’égard de l’Iran ? Le nouveau président héritera de son prédécesseur deux guerres, l’Irak et l’Afghanistan, et aussi d’un «problème iranien» qui s’imposera à lui. L’équipe sortante, entravée par ses aventures guerrières en Irak et en Afghanistan, n’a eu ni le temps ni la capacité d’en découdre avec l’Iran. Mais elle lui impose l’Iran comme un dossier essentiel de son agenda international.

Le prochain locataire de la Maison-Blanche, à qui le président Ahmadinejad a adressé ses « félicitations », tout en lui demandant un changement de la politique des Etats-Unis, a douché les espoirs d’ouverture en adoptant, à la virgule près, le discours de l’administration sortante, aussi bien sur la « fabrication d’armes nucléaires » que sur le « soutien au terrorisme ». Le fait qu’Hillary Clinton soit pressentie au poste de secrétaire d’Etat pourrait marquer un durcissement encore plus net à l’égard de Téhéran. Personne n’oublie en effet qu’au cours de la campagne des primaires, Mme Clinton avait promis «d’effacer» l’Iran de la carte. En d’autres termes, la promesse de guerre sans cesse agitée par l’administration Bush sera-t-elle réalisée par le président Barack Obama ?

Un rapport publié en septembre par le Bipartisan Policy Center montrait l’existence d’un consensus entre démocrates et républicains en faveur d’une politique agressive à l’égard de l’Iran. Autant dire que le nouveau président américain est pratiquement ligoté par une option dure qu’il a clairement exprimée en affichant son intention de durcir les sanctions en vigueur, mais sans exclure des pourparlers directs avec Téhéran.

Ce consensus agressif vient pourtant d’être contredit par des experts et d’anciens diplomates américains, parmi lesquels James Dobbins, ancien émissaire spécial en Afghanistan, Thomas Pickeriong, ex-ambassadeur auprès de l’ONU, et des spécialistes universitaires du Moyen-Orient. Dans une déclaration qui doit être présentée la semaine prochaine lors d’une conférence sur l’avenir des relations américano-iraniennes, ces experts et diplomates soulignent qu’une « attaque serait presque certainement contre-productive (…) et une longue expérience montre que les chances de contraindre l’Iran avec succès par des sanctions économiques sont faibles dans le meilleur des cas ».

C’est sans doute la préconisation la moins guerrière et la plus politique jamais faite aux Etats-Unis, où les puissants lobbys pro-israéliens préconisent d’en découdre sans attendre. « Ouvrez la porte à des négociations directes, sans conditions, et globales au plus haut niveau diplomatique, où il est possible de faire évoluer les contacts personnels, de tester les intentions et d’explorer les possibilités des deux côtés ».

En clair, entrer en discussion directe avec Téhéran implique que les Etats-Unis renoncent à leur objectif de changer le régime iranien, acceptent que l’Iran ait une « place à la table » pour étudier l’avenir de l’Irak et de l’Afghanistan. Les bases existent donc pour une discussion où les appréhensions – fortement exagérées au demeurant – à l’égard du nucléaire iranien pourraient être entendues par Téhéran en contrepartie de garanties sur la sécurité de l’Iran.
Tout dépendra en définitive de la capacité de la prochaine administration à garder une marge de manoeuvre suffisante à l’égard des lobbys israéliens qui veulent « effacer » l’Iran de la carte.