«C’est à vous de prendre les initiatives!»

ROBERT S. FORD AUX INDUSTRIELS DE ANNABA

«C’est à vous de prendre les initiatives!»

L’Expression, 17 Avril 2008

Les bons «conseils» d’un pragmatique ambassadeur américain

L’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie a bousculé tous les présents par son franc-parler.

Pragmatique, Son Excellence l’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour dire certaines vérités. Intervenant devant la Chambre de commerce et de l’industrie «Seybouse» de Annaba, Robert S.Ford a bousculé tous les présents par son franc-parler.
S’adressant aux hommes d’affaires de la région, en particulier, et nationaux, en général, il dira: «C’est à vous de prendre des initiatives, d’aller aux Etats-Unis pour participer aux différentes expositions qui y sont organisées pour faire connaître vos produits à même d’ intéresser les Américains. Parce que, vous savez, l’Algérie est très mal connue là-bas. On confond souvent votre pays avec le Nigeria. Il faudra que vous vous déplaciez, que vous réussissiez à convaincre vos homologues américains d’investir en Algérie.»
Pour étayer ses propos, Robert S.Ford citera l’exemple de la Tunisie: «Dans la petite ville de 7000 habitants où je réside aux States, dans le supermarché, on trouve pas moins de quatre marques d’huile d’olive tunisiennes. C’est dire les efforts déployés par ce pays pour faire connaître ses produits et les rendre compétitifs».
Et de souligner, en arabe, devant la mine figée des présents: «Fi saraha raha». Poursuivant, l’ambassadeur dira que, début mai prochain, une exposition aura lieu à Las Vegas avec un pavillon réservé à 15 entreprises algériennes. Le ton et la franchise dont a fait preuve le diplomate américain a poussé les présents à revoir leurs interventions à même de les adapter à cette nouvelle donne. D’ailleurs, ils étaient nombreux, à la fin de la rencontre, à vouloir s’informer davantage quant aux possibilités de prendre contact avec les Américains en vue de participer aux différentes manifestations économiques tenues aux USA.
Invité à s’exprimer sur la réticence des Américains à investir en Algérie, notamment dans les secteurs hors-hydrocarbures, Robert S. Ford soulignera que l’homme d’affaires américain est pragmatique. Et d’expliquer: «Il repère les opportunités offertes, fait son analyse de la situation en prenant en considération la rentabilité du projet, les systèmes bancaire et fiscal du pays hôte, les douanes, la disponibilité du foncier et le temps pris pour être opérationnel. Ce n’est qu’après que l’investisseur entreprend la réalisation de son projet».
Tout en reconnaissant que le système bancaire algérien a évolué, le diplomate souligne qu’il «reste perfectible» avant d’ajouter que «le foncier industriel demeure un véritable écueil freinant l’investissement».
Un avis loin d’être partagé par le représentant de l’Agence nationale de développement de l’investissement (Andi) qui affirmera que «depuis la mise en place de l’Agence nationale de régularisation et d’intermédiation du foncier (Anrif), le problème ne se pose plus». Pour le représentant de l’Andi «aucun projet agréé par le Calpi à Annaba n’a eu de problème de foncier» et d’affirmer: «30 lots relevant de l’actif résiduel attendent preneur pour peu que l’investisseur potentiel respecte les normes environnementales et réponde aux besoins exprimés.» Pour prouver la bonne volonté des Américains d’investir en Algérie, Robert S. Ford révèlera que «c’est la première fois qu’un attaché au ministère américain des Finances est affecté à l’ambassade d’Alger. Cela démontre l’intérêt que nous portons aux réformes bancaires et ce, dans la perspective de faciliter au maximum les transferts d’argent, qui posent problème».
Et de citer un autre exemple concret de la bureaucratie. «Il a fallu trois semaines à une entreprise américaine, spécialisée dans les TIC, pour avoir les formulaires, faire les envois et les réceptions. Chose qui, au Maroc se fait en trois jours. Et dire que cette entreprise est sollicitée pour installer un réseau informatique dans une direction générale à Alger et qui pour ses besoins en engineering devait faire venir des équipements».
Cette visite de Robert S.Ford a permis aux représentants de la Chambre de commerce et aux hommes d’affaires locaux de saisir la réalité économique et la vision américaine quant à l’investissement. Désormais, les choses sont claires. Cette propension à attendre que les autres s’invitent n’a plus cours. La mentalité d’assisté doit disparaître pour laisser place à l’initiative, au dynamisme et au compter sur soi pour sortir de la léthargie.

Mohamed Tahar RAHMANI