La CIA et l’expertise algérienne

Coopération sécuritaire et militaire

La CIA et l’expertise algérienne

Samar Smati, Liberté, 15 avril 2006

La visite de Mohamed Bedjaoui à Washington met en exergue le renforcement annoncé des relations bilatérales en matière de coopération sécuritaire et militaire. Responsables algériens et américains n’ayant pas caché “l’excellence” des relations actuelles entre Alger et Washington.

Si le déplacement du MAE aux USA a été fructueux à plus d’un titre, la coopération en matière de défense, qu’elle soit sécuritaire ou militaire, a de belles perspectives devant elle avec, comme pierre angulaire, le contre-terrorisme. Américains et Algériens, aussi peu communicatifs les uns que les autres, ont cette fois-ci laissé entrevoir l’état de la coopération bilatérale.
La relation dans ces domaines est jugée, par le MAE, appréciable. Pour Mohamed Bedjaoui, la perception américaine et de certains pays industrialisés, notamment européens, a changé ou commence à changer à l’égard de la nébuleuse terroriste depuis les attaques de septembre 2001. En terres américaines, et face aux faucons de l’Administration Bush, Mohamed Bedjaoui a rappelé l’expérience algérienne. “L’Algérie, qui a fait face seule à plus d’une décennie de violences terroristes, a maintenant accumulé une expérience avérée importante, expérience qui peut profiter et profite à plusieurs pays, dont les États-Unis”, a-t-il précisé à l’establishment washingtonien.
John Negroponte, le directeur national du renseignement américain, qui coordonne tous les services et toutes les agences de sécurité et de renseignement aux États-Unis, dont la CIA, le FBI et la NSA, s’est félicité, pour sa part, de l’excellence des relations multiformes qui existent entre Alger et Washington, qualifiant au passage la coopération en matière de lutte antiterroriste “d’excellente”. Il a déclaré apprécier l’expérience de très grande valeur de l’Algérie dans ce domaine. Celle-ci se traduit sur le terrain par l’engagement de l’Algérie dans la guerre contre le terrorisme par sa participation à l’opération de l’Otan, Active Endeavour, ou encore à l’initiative Pan-Sahel avec les opérations Flintlock.
S’il ne fait aucun doute aujourd’hui que l’Algérie est devenue un allié “remarquable” et “stratégique” en matière de lutte antiterroriste, Algériens et Américains diffèrent sur le contenu de la coopération militaire. Washington reconnaît l’expérience antiterroriste algérienne et axe la coopération sur le renseignement et l’échange d’informations sécuritaires. Alger attend une véritable coopération militaire, celle-ci étant limitée actuellement au stade de la formation et du renseignement. Et ce, tout en sachant que les Américains ne lui fourniront pas d’armes jugées “offensives”. Les USA sont toutefois disposés à fournir des équipements nécessaires à la lutte antiterroriste, tels que les équipements de vision nocturne indispensables pour la traque des groupes terroristes. L’Administration républicaine avait usé de toute son influence sur le Congrès pour autoriser la vente d’équipements militaires à l’Algérie.
Ce changement de perception à l’égard d’Alger s’est construit progressivement.
Durant des décennies, la CIA considérait les services algériens comme étant des “moukhabarate”, à l’image des services syriens, ou encore fermés et construits sur le modèle du KGB soviétique ou de la Stasi, de l’ex-RDA. Alger était vue de Washington sous le prisme français. Jusqu’en 1999, la CIA collaborait et sous-traitait les renseignements relatifs à l’Algérie avec son homologue français, la DGSE.
La France étant considérée par les Américains comme un allié et l’Algérie vue, pour sa part, comme une puissance régionale non pas hostile, mais qui n’était pas pour autant un allié à l’instar du Maroc du défunt Hassan II. Il aura fallu attendre la coopération bilatérale directe entre les services algériens et américains pour que les choses changent. Le détonateur aura été, sans conteste, l’affaire Abdelmajid Dahoumane, recherché par le FBI pour ses liens avec le réseau d’Ahmed Ressam et les tentatives d’attentats terroristes contre l’aéroport de Los Angeles, lors des célébrations de l’an 2000. Alger coopéra pleinement et accepta d’accueillir des experts du FBI. Cela démontra aux Américains que les services algériens maîtrisaient aussi bien que leurs homologues égyptiens la donne afghane et ses camps d’entraînements, les réseaux terroristes en Europe ainsi que leurs ramifications aux USA.
La CIA a dès lors accordé plus de crédit et d’attention aux informations qui lui provenaient d’Alger. Les signaux d’alerte lancés par l’Algérie sur la nébuleuse terroriste n’étaient plus ignorés.
Le président de la République a avisé George W. Bush, lors de son voyage aux États-Unis en juillet 2001, quant aux menaces d’attaques en préparation contre les USA et leurs intérêts dans le monde. Les évènements tragiques du 11 septembre ont malheureusement confirmé les renseignements fournis par l’Algérie. Depuis, Alger et Washington sont sur la même longueur d’onde.

Samar Smati