UPM: La présence de l’Algérie vue d’Europe

La présence de l’Algérie vue d’Europe

« Les Algériens ont voulu vendre la soupe plus cher »

El Watan, 8 juillet 2008

Abdelaziz Bouteflika a laissé le soin à Nicolas Sarkozy de confirmer sa présence au sommet fondateur de l’union pour la Méditerranée (UPM) du 13 juillet 2008 à Paris. Annonce faite au Japon à la faveur du sommet du G8. Terrain neutre ? Le chef de l’Etat algérien n’a jamais eu de porte-parole qui explique ses positions sur des questions de politique extérieure. Le président français a donc parlé à la place du président algérien. Cela peut n’être qu’« un détail » diplomatique.

Mais ni Abdelaziz Bouteflika ni son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, n’ont jugé important de clarifier à l’opinion publique la décision de prendre part au sommet de Paris. En juin dernier, Abdelaziz Belkhadem, ex-chef de gouvernement, avait confirmé, à demi-mot, la participation de Bouteflika au sommet de l’UPM, dans un entretien au quotidien français Le Monde. « Il n’est pas exclu que le président Bouteflika vienne à Paris, car il nous a toujours habitués à être là quand l’Algérie doit être représentée à son plus haut niveau », avait-il déclaré. Mais, tout compte fait, les algériens ne connaissent qu’une seule phrase de Bouteflika dite sur sa participation à l’UPM. « chaque chose en son temps », a lancé le président algérien à l’adresse d’un journaliste français, à la mi-juin 2008, lors de la visite du Premier ministre François Fillon. Hier, Nicolas Sarkozy a donné la primauté aux médias français, notamment à l’agence AFP, pour annoncer la venue de Bouteflika. Et à l’AFP d’écrire : « Bouteflika a mis fin au suspense. » Mais s’agit-il réellement d’un suspense ? Les officiels algériens, avons-nous appris de plusieurs sources occidentales, ont tenu ces dernières semaines un double langage sur le projet de l’UPM, histoire de rendre « la soupe plus chère », comme l’a soutenu un ministre en exercice. En privé, les responsables algériens disent tout le bien qu’ils pensent de l’initiative de l’UPM, ne lui trouvant aucune faille. En public, le discours change, devient critique. Mourad Medelci, qui s’est contredit à plusieurs reprises sur cette question, a déclaré que l’Algérie attendait des explications sur ce projet avant de se prononcer. Il s’agissait, comme l’a expliqué l’ex-chef de gouvernement Abdelaziz Belkhadem, de savoir quelle sera la teneur des projets proposés à l’UPM et quel sera le mode de financement. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères français, est venu à Alger, à la fin mai 2008, parler de l’UPM avec le président algérien et a déclaré à la presse que l’Algérie a déjà présenté des projets. Pourquoi s’interroger sur « la teneur » des projets, alors qu’on est déjà engagé dans l’opération ? « L’Algérie ne peut pas tourner le dos à ce projet qui est lié à l’avenir de la Méditerranée. Nous sommes concernés par tout ce qui a trait à cette région », a déclaré, de son côté, Abderrachid Boukerzaza, ministre de la Communication.

Abdelaziz Belkhadem a également posé la question de la participation d’Israël à l’UPM. Curieusement, des semaines auparavant, Mourad Medelci avait évacué cette question disant qu’Israël siège déjà au Processus euroméditerranéen de Barcelone, dans lequel l’Algérie est engagée également. Aucune cohérence sur cette question. Cela a donné de « la matière » à la presse française. Vincent Jauvert, grand reporter au Nouvel Observateur, a écrit hier sur le site du journal ceci : « le président algérien avait exprimé deux exigences – dont aucune n’a été satisfaite. Il s’opposait à la présence du Premier ministre d’Israël – qui viendra. Et il souhaitait que la France se « repente » officiellement pour sa guerre coloniale, ce que Nicolas Sarkozy refuse de faire. »La question des excuses, par rapport, aux crimes coloniaux a disparu depuis plusieurs mois du discours officiel algérien. A côté, le faux débat sur l’UPM a pris le dessus. Des observateurs ont relevé qu’à un haut niveau, Alger n’a pas conditionné sa participation au sommet de Paris. Celle-ci était acquise. Restait la manière. François Fillon, à la fin de sa visite à Alger, avait soutenu que le président algérien, qui l’avait reçu pendant trois heures, a bien accueilli le projet de l’UPM. Abdelaziz Belkhadem a dit autre chose : « On ne sait pas si on doit s’adresser à Paris ou à Bruxelles pour parler de l’UPM. » Il a suggéré que le projet initial de l’Union de la Méditerranée, proposé par Paris, était mieux. A première vue, Alger s’est « adressé » à Paris même si, au fond, il souhaite une relance du Processus de Barcelone à partir de Bruxelles ! La participation de l’Algérie, dans les futures structures de l’UPM, ne semble pas être une priorité. A un niveau officiel, Alger a donné son accord pour que l’Egypte assure la vice-présidence de l’UPM. Le Caire a fait jouer la solidarité des pays arabes pour obtenir l’adhésion autour de ce point. Paris a porté son choix sur Le Caire pour la simple raison que l’Egypte a des relations diplomatiques avec Israël. Parallèlement, Bouteflika a participé à un mini-sommet à Tripoli pour discuter de l’UPM. Une rencontre qui n’a abouti à aucun résultat, puisque les choix étaient déjà faits. Paris avait invité le président syrien Bachar Al Assad à prendre part aux festivités du 14 juillet, fête nationale française, aux fins de s’assurer de sa présence au sommet de l’UPM. Dans les faits, la position de Damas était la seule véritable énigme par rapport à l’UPM. La défection du guide libyen Mouammar El Kadhafi était presque connue et la position réservée de la Turquie avait, elle, été exprimée dès le départ. Cependant, l’Algérie aura été le pays qu’Alain Le Roy, ambassadeur en charge du dossier de l’UPM, a le plus visité en six mois avec cinq allers et retours. « Il voulait comprendre la position complexe d’Alger », nous a-t-on dit. Alain Le Roy a visiblement réussi dans sa mission, puisqu’il vient d’être nommé chef du département de maintien de la paix (Casques bleus) de l’ONU.

Par Faycal Metaoui